Création urbaine majeure du XXe siècle, Casablanca a été le lieu d'expérimentation de l'architecture moderne. Dès la signature du traité de protectorat en 1912, des architectes français y affluèrent, motivés par la fièvre immobilière qui a embrasé la ville dans les années 20 et 30. Aujourd'hui, son patrimoine tombe en ruine. Et il n'y a pas que l'art-déco, c'est tout le centre ville de Casablanca qui tombe en ruine ! Annoncés depuis plusieurs mois, les travaux relatifs à la réhabilitation du centre ville de Casablanca tardent à se réaliser. Dans ce centre ville d'origine coloniale, il n'y a pas que l'hôtel Lincoln sur lequel s'articulait l'organisation de l'espace urbain de la ville de Casablanca au début du 20ème siècle. Nombreux sont les piétons qui craignent qu'il ne s'écroule sur eux en traversant le boulevard. C'est cette crainte de l'effondrement de cet édifice qui a poussé les autorités locales à interdire la circulation dans un sens, à la hauteur de l'hôtel sans pour autant résoudre le problème. Ah si! La ruine rapporte de l'argent. Combien a payé la grande firme de sodas américaine basée à Atlanta pour recouvrir la facade de l'hôtel ? Plus récent, l'hôtel Marhaba sur l'avenue des FAR, dresse son squelette inquiétant depuis combien d'années ? L'ancienne médina n'est peut-être pas aussi prestigieuse que celle de Fès, mais elle pourrait être au moins un lieu de vie convenable et agréable pour ses habitants en même temps qu'un circuit touristique passionnant. Elle n'est plus hélas qu'une véritable «cour des miracles». Un territoire mal famé et parfois même dangereux à partir d'une certaine heure. Et le stade Philippe? Et la Casablancaise ? La ville est noyée dans un océan d'immeubles sales et mal entretenus. Sans compter la démolition de plusieurs bâtiments du tissu urbain toujours en mémoire : l'hôtel d'Anfa, qui a accueilli la Conférence de Casablanca de 1942, le théâtre Mohammed V, la Villa Mokri à Anfa, les cinémas (Vox et bien d'autres)… La Ville annonce régulièrement, qu'elle élabore un projet de revalorisation de la capitale économique, notamment son centre ville. Cela fait pourtant des mois, des années sans que rien ne bouge. Au contraire, une ville à deux vitesses est en train de s'ériger sous nos yeux : Le front de mer, la corniche, la marina Casa city center… Il n'y en a plus que pour ces projets pharaoniques (dont on se demande d'ailleurs par les temps qui courent combien seront menés à terme) voués à une seule classe sociale : les riches, les très riches même. Les autres, les Casaouis prolos n'ont qu'à crever dans leurs taudis. Casa-mémoire, un groupe d'amoureux de Casablanca composé d'architectes, d'intellectuels et d'artistes est bien consciente du danger qui guette ce patrimoine et se bat pour sa sauvegarde. Mais avec de pauvres moyens et dans le brouhaha général de la ville où l'on n'entend plus rien. Fatiguée par des promesses non tenues, l'Association des commerçants et professionnels du boulevard Mohammed V, elle, a décidé de porter plainte contre la Ville pour l'obliger à réhabiliter l'avenue Mohammed V complètement délabrée. La plainte suit son cours… et risque de la suivre encore longtemps. Comment une métropole comme Casablanca, qui affiche son désir de devenir une destination touristique peut-elle laisser son centre-ville à l'abandon ? On ne sait pas, mais en tout cas : cela est... Il était une fois «Sékouilt L'kobba» Le Collège Moulay Youssef fut la première école moderne construite dans les années vingt sous le règne de Sa majesté Moulay Youssef et l'égide du général Lyautey. D'abord, il s'appelait Ecole Musulmane de la Ferme Blanche, mais il était connu communément sous le nom de «Madraste Al Kobba» (école de la coupole): parce qu'une coupole a été érigée lors de sa construction juste à sa première entrée donnant sur la rue Goulmima. Pourquoi cette coupole ? les Marocains à l'époque ne permettaient pas à leurs enfants de rejoindre les écoles modernes. Car d'une part, elles étaient construites par le Protectorat et ensuite parce qu'ils les considéraient comme des lieux de Chrétiens… Pour les encourager à inscrire leurs progénitures dans cette école moderne, les autorités de l'époque ont donc pensé la construire avec une coupole érigée à son entrée comme pour un marabout ou un mausolée. Comme bien sûr personne n'est enterré dans ce lieu, les Casablancais n'ont pas tardé à l'appeler «Kobbat Walou». D'une école, elle est devenue collège dans les années 60. Ce collège était la première et la seule école qui disposait à l'époque d'une branche consacrée à la formation professionnelle. «Madrassate Al Kobba» a été démolie comme tout le quartier alentour, dans la fin des années 90 en vue de la réalisation du projet de l'Avenue Royale… Aujourd'hui encore, on peut voir la saignée laissée par feu la future avenue royale ! Il était une fois «Les Arènes de Casablanca» Qui se souvient encore des Arènes de Casablanca qui se situaient dans un terrain donnant sur le boulevard d'Anfa, quelques mètres à gauche de l'actuel hôtel Palace d'Anfa ? Sans aucun doute, aucun jeune Casablancais n'en a jamais entendu parler? Il ignore même que Dar Al Baïda avait ses Arènes. La date de sa construction n'est pas fixée. La preuve est que F. Ribes Tover, a affirmé dans son livre, «Habla la plaza de Casablanca» (les arènes de Casablanca), qu'elles ont été construites en 1913. Au contraire, Julio Irbarren a fixé, dans une étude, l'année de sa construction en 1921. Qui a raison et qui a tort ? Pas de réponse. D'après les informations recueillies de quelques journaux, les Arènes de Casablanca appartenaient à la famille Castella, venue s'installer à Casablanca au cours du 19ème siècle et grande amatrice de Corrida. Au départ, les arènes, construites en bois, ont fait long feu à tel point qu'elle furent abandonnées au point d'avoir été exploitées durant plusieurs années comme un grand champ d'agriculture. Ce n'est que vers 1953, qu'elles ont été ressuscitées grâce à l'Espagnol, Don Vicente Marmaneu. Son épouse, Solange, infirmière aux Arènes était elle, la patronne du restaurant «La Corrida», situé au n°59, rue Al Ârâar (qui existe toujours mais coincé entre deux immenses immeubles). L'hôtel : Lincoln enseveli Le célèbre hôtel Lincoln du boulevard Mohammed V à Casablanca en état de ruine depuis deux décennies a, enfin, si l'on peut dire, rendu l'âme. Et pour cela ; il aura fallu les foudres célestes de la météo pour accomplir ce que les responsables à tous les échelons de la hiérarchie n'ont pu réaliser. En état de délabrement avancé, ce monument de l'architecture qui faisait la fierté de Dar El Beida subissait les affronts de l'effritement et de la ruine sous le regard médusé des Bidaouis, mais aussi de leurs faux édiles. Des Bidaouis scandalisés par le spectre plus affligeant d'une inexorable et inéluctable démolition. L'artère la plus symbolique de la dynastie alaouite s'est transformée ces vingt dernières années, coupée désormais en deux, pour des raisons évidentes de sécurité aux usagers de la route, en parking et …sanctuaire des SDF. Et là où toutes les autorités ont reculé devant leurs responsabilités et prérogatives, le climat servi par les caprices d'une météo en totale déréglementation, a, si l'on ose dire, résolu le problème dans tous ses aspects. Désormais, il reste à déblayer le terrain et envisager un autre destin à cet espace jadis patrimonial. Les *cendres marocaines* de Lincoln, pour ne pas dire les immondices de l'hôtel, vont réjouir les héritiers de ce bien, les passants et les usagers du boulevard Mohammed V, mais aussi un certain... Barak Obama, désormais débarrassé d'une aussi dégradante image de son icône… Dans toute cette affaire, il y a lieu de préciser que l'hôtel Lincoln appartenait à un Algérien, feu Yahia, chargé de récolter des fonds pour le FLN et une question se pose : qui a perdu finalement ce trésor, disons architectural ? M. Ahed