De Casablanca à Fès, en passant par Tanger, Marrakech et bien d'autres villes encore, la liste est longue, des lieux qui constituent une part de patrimoine de notre pays qui s'en va en poussière ou (c'est encore pire) est bradé à vil prix à des marchands de soupe. Chacun peut hélas, constater qu'au fil des ans, loin de s'améliorer, la situation empire chaque jour davantage. Le premier devoir d'une génération n'est-il pas de donner à ses enfants ce qu'elle a reçu elle-même de ses pères ? Si possible sans l'abîmer. Nous sommes loin de cela. Non seulement nous sommes en train de détruire ce que nous avons hérité mais nous prétendons leur transmettre une version «customisée» de certains lieux. Soi-disant mieux adaptée aux besoins d'aujourd'hui. Pour ne pas dire mieux adaptée aux besoins des marchands du temple avides de profits immédiats. Non seulement nous privons nos enfants de leur passé et de leur histoire mais à l'heure où il faut réinventer une offre touristique – et ce n'est pas «le pays qui fait grandir l'âme» qui aidera – il serait sage de se souvenir de ce patrimoine oublié. Petit inventaire (trop) rapide Casablanca. Aujourd'hui la seule et unique ville du monde à posséder un tel patrimoine architectural… hérité du Protectorat. Est-ce pour cette raison que le Maroc a tant de mal à le considérer comme sien ? Et s'il n'y avait que l'art-déco ? Fès Médina. Joyau de l'urbanisme marocain, elle tombe petit à petit globalement en ruine à l'exception de splendides maisons transformées rapidement en ryads de luxe. Perle de la couronne, le palais Mokri est en passe d'être vendu à un groupe hôtelier qui n'a pas bâti sa réputation sur son intérêt pour le patrimoine… Le domaine du Sultan Arrafa en pleine médina crève lui aussi à petit feu. Loin des fastes du 1 200ème anniversaire de la ville. Marrakech. Déjà largement bradée à tous les mauvais génies conjugués du tourisme «jet set» et du tourisme de masse les plus mercantiles, la ville, naguère «la plus belle du royaume» est en train de perdre la boule en même temps que ces fameux touristes haut de gamme pour lesquels on a tout fichu en l'air. Un peu partout dans le pays, des lieux historiques sont laissés à l'abandon (voir encadrés spécifiques) alors que d'autres inventés de toutes pièces comme Ouarzazate sont montés en épingle. On n'enseigne plus depuis longtemps dans nos écoles ce que fut le passé aussi riche que chaotique parfois de notre pays, lui préférant une histoire officielle plus lisse. Cette pratique était peut-être justifiée d'une certaine façon jadis. Aujourd'hui elle n'a plus lieu d'être. Dans un monde aussi bouleversé que celui dans lequel nous sommes plongés, il est urgent de se rappeler nos racines– toutes nos racines – et de les transmettre en bon état à nos enfants. Ne serait-ce que pour qu'ils sachent d'où ils viennent ; sans cela ils risquent fort de ne point savoir où ils iront.