Vu la circonstance, les professionnels sont obligés de reconsidérer leurs prix. C'est normal… Les autres pays, concurrents ou pas, procèdent aussi ainsi. Dans cet élan, la destination pourrait être sacrifiée. Le ministère du Tourisme a sollicité la Fédération Nationale de l'Industrie Hôtelière (FNIH) pour publier une grille tarifaire nationale unique en ces temps de crise, destinée, précisons-le, à la clientèle nationale. Cela signifie qu'en l'adoptant, tous les hôtels de la même catégorie y adhérant doivent appliquer le même tarif, qu'ils se situent à Tanger, Casablanca ou Agadir. Les hôtels 3 étoiles devront être commercialisés entre 350 et 550 DH la chambre en double, les 5 étoiles à 800 DH… « La promotion de cette grille unique est en soi un véritable bradage. Comment peut-on concevoir que des établissements de même classe, qui ne proposent à priori pas le même service, pas la même qualité, soient vendus au même prix ? C'est comme si tous les pantalons de taille 38 étaient vendus au même tarif », s'indigne un hôtelier. Cette grille, inspirée de Kounouz Biladi, ne tient donc ni du lieu d'implantation de l'établissement hôtelier ni de la saisonnalité. Certains hôteliers n'y voient pas vraiment une mesure à même de booster l'activité, surtout qu'elle n'est pas obligatoire. Le département de tutelle laisse le choix aux professionnels d'accepter ou non l'application de cette grille et d'y consacrer un certain quota (de chambres) dédié. Beaucoup d'hôteliers, les plus grands du moins, ont fait savoir qu'ils ne comptaient pas participer à cet élan. «Ce sont les catégories d'hôtels les moins attractives, mal adaptées, qui ont du mal à remplir leurs hôtels, qui devraient accepter d'appliquer cette grille», confie la source. Avant de poursuivre : «le modèle est bon dans la démarche mais pas au niveau des mécanismes mis en place». A chaque établissement sa stratégie commerciale Certaines régions, elles, ont préféré opter pour une autre démarche. Dès le mois de décembre dernier, le Centre Régional du Tourisme (CRT) d'Agadir a pris les devants pour faire face à la mauvaise conjoncture. Il a convenu avec les professionnels d'octroyer, entre autres, une réduction de 50 % sur les tarifs de prestations hôtelières, prix public, pour les nationaux et résidents au Maroc ainsi que pour les ventes sur Internet, et ce, pour une période de six mois. Cette alternative a été saluée par les professionnels. D'ailleurs, la ville de Marrakech s'en est inspirée et songerait à suivre ce chemin en appliquant des réductions de l'ordre de 50% au profit des nationaux tout au long de l'année. Une idée encore. Les prix sont-ils bradés pour autant? Tous les professionnels, ainsi que les pouvoirs publics, révoquent cette appellation. Tous se sont mis d'accord pour éviter justement de pratiquer des prix qui ne permettent pas de couvrir les charges fixes. Pourtant, des hôteliers pourraient bien, en catimini, procéder ainsi. Qui les en empêcherait ? Pour le responsable d'une fédération professionnelle, il est vrai que chaque établissement dispose de sa stratégie commerciale, mais «si l'on se réfère aux historiques des crises passées, il s'avère qu'après la pratique de bradage dans une conjoncture difficile, il est très difficile par la suite de relever les prix, surtout ceux qui sont appliqués aux tour-opérateurs et aux agences de voyages». Le Maroc n'aurait donc pas intérêt à appliquer cette politique, même si la conjoncture s'y prête. La ville d'Agadir le fait pourtant. «Non», rétorque un professionnel. Pour lui, les réductions dont il est question sont consenties sur des tarifs publics qui varient d'une région à l'autre, d'un marché à un autre et d'une saison à l'autre. Elles ne sont pas basées sur les prix offerts aux tour-opérateurs. Soit. Il reste maintenant à voir si, même avec ces 50% de réduction, les Marocains rempliront ces hôtels. Le diktat des TO Sur le plan international, est-on aussi dans la même logique ? A ce sujet, les professionnels sont unanimes. Les prix ne sont pas bradés. «Nous ne vivons pas en marge de ce qui se passe à l'étranger. Il est normal qu'on reconsidère nous aussi les prix dans les circonstances actuelles. Il faudrait maintenant penser aussi à l'après-crise», confie un membre du CRT de Marrakech. Des réflexions et des discussions sont d'ores et déjà menées pour adopter les actions nécessaires. La ville d'Agadir a déjà une longueur d'avance en proposant de réduire de moitié les prix publics sur les ventes via Internet. Cela lui permettra d'attirer davantage de clientèle qui ne vient pas au Maroc en groupe. Pour l'instant, c'est une alternative que les pouvoirs publics voudraient aussi privilégier. Et pour cause. «La volonté est aujourd'hui de créer des liens avec les clients directement et de leur proposer une politique de prix adaptée. C'est une bonne chose en soi. La crise devrait faire émerger alors un nouveau modèle de commercialisation», reconnaît Marc Thépot, président-directeur général d'Accor Maroc. En effet, cette nouveauté dans la démarche marocaine devrait permettre d'atténuer en quelque sorte le joug exercé continuellement par les tour-opérateurs (TO) sur les professionnels pour faire pression sur les prix. Parfois, les 350 dirhams payés pour un 3 étoiles ne correspondent même pas aux prix que des TO low-cost paient pour des 5 étoiles. Ils ont un poids tel qu'ils sont quasiment maîtres à bord. Les hôteliers marocains, eux, de crainte de voir des centaines de clients leur échapper si les TO les déprogramment, ne peuvent que se plier à leurs exigences. Pour s'affranchir de la tutelle de ces grands groupes internationaux, la promotion de la vente directe apparaît alors comme une des alternatives. Au travers de ce qui se passe, plusieurs actions sont donc menées. Il est important de faire la part des choses. Pour un grand hôtelier, un amalgame risque de se produire tant que plusieurs offres à la fois seront lancées. La vigilance est donc de mise. Mais quoi qu'il en soit, tout le monde veut sortir de la crise. Le Maroc, de par sa proximité avec les marchés émetteurs traditionnels, pourrait mieux capter les clients qui avaient décidé de se rendre vers des destinations lointaines, asiatiques notamment. En faisant des arbitrages, les touristes pourraient faire pencher la balance du côté marocain. Mais ce que nous préparons n'est pas encore suffisant. De l'avis de l'hôtelier, des pistes de réflexion pourraient être engagées de manière plus sérieuse, comme le décalage des vacances scolaires de quelques jours (à l'image de pays étrangers comme la France par exemple) entre les régions pour permettre aux établissements de mieux accueillir les clients sur une plus longue période. Certains autres professionnels militent pour que les taxes aéroportuaires soient révisées à la baisse. Elles se poseraient comme obstacles, lorsqu'on sait qu'elles représentent entre 10 et 20% du package global. «Des voix s'élèvent pour dénoncer la cherté de ces taxes, malgré les efforts fournis, ainsi que le décalage par rapport aux efforts fournis par d'autres pays», soutient l'hôtelier. Pourtant, l'Office National des Aéroports (ONDA) a annoncé réduire de moitié les redevances aéroportuaires pour les avions à faible tonnage et encourager la création des nouvelles lignes pour la ville d'Agadir, notamment en faveur des marchés qui intéressent Agadir (russe et polonais). Une solution qui gagnerait à être mise en place sur d'autres destinations. Les autres régions se mobilisent à leur tour et les semaines à venir verront la mise en place de nouveaux plans d'action. Personne pour l'instant n'est cependant prêt à fixer une durée déterminée dans le temps.