La consommation et le trafic de drogues à l'école est bien un secret de polichinelle, car il est parfaitement établi que des substances de plus en plus nocives, des drogues de plus en plus dures circulent allègrement dans les établissements scolaires. Le coup de poing sur la table de Chakib Benmoussa suffira-t-il à freiner la descente aux enfers ? Le ministère de l'Intérieur a-t-il vraiment les moyens d'éradiquer l'usage de plus en plus fréquent de la drogue dans les collèges et lycées ? C'est du moins la volonté affichée du département de Chakib Benmoussa, qui vient de lancer «sa stratégie de Lutte contre la Toxicomanie». Sur instructions royales, c'est Mohamed Kabbaj qui a ouvert le bal le vendredi 5 décembre avec une réunion au sommet, où pas moins d'une dizaine de responsables d'associations se sont frottés à des sécuritaires de la DGSN et des agents d'autorité, sans compter plusieurs médecins spécialistes de la lutte contre la toxicomanie. L'objectif de cette rencontre initiée par la Wilaya de Casablanca, est d'aboutir à «une sorte de plan stup» qui associe plusieurs acteurs, la police judiciaire, les autorités locales, caïds et autres pachas, les services de renseignement de la préfecture et d'autres fonctionnaires de différentes administrations. En d'autres termes, il s'agit de «coordonner et orienter la politique du ministère de l'Intérieur en matière de lutte contre l'usage de stupéfiants, du trafic, en sensibilisant notamment les jeunes au problème de la drogue : la prévention très tôt, à l'école, en espérant pouvoir éviter la répression plus tard. Pourquoi une telle fébrilité ? C'est que l'heure est grave, la consommation de drogue en milieu scolaire est un fléau en croissance vertigineuse. Le constat des associations qui luttent contre la consommation de la drogue en milieu scolaire est sans appel, non seulement les psychotropes et le cannabis ont dépassé le lycée et le collège pour atterrir en primaire, mais les lourdes carences du ministère en matière de prévention de la toxicomanie empêchent ces acteurs de faire face de manière efficace au développement préoccupant du problème des drogues en milieu scolaire. Or, la consommation et le trafic de drogues à l'école est un secret de polichinelle puisque des substances de plus en plus nocives, des drogues de plus en plus dures circulent dans les établissements scolaires. Dans ce tableau noir, c'est évidemment le fameux joint qui arrive en tête : un lycéen sur quatre avoue en avoir fumé et 10 % consomment régulièrement, (par ordre d'importance : des psychotropes, de l'ecstasy, des amphétamines, du crack, de l'héroïne etc…) D'où viennent ces saletés de drogues? L'usage et le trafic se répandent dans tous les types d'établissements, les établissements chics du centre-ville comme dans les établissements ordinaires, quant aux dealers, ils sont dans les cours. Le travail de sensibilisation dans le milieu scolaire d'associations, comme «Non au karkoubi», est d'autant plus remarquable que ces acteurs de la société civile n'hésitent pas à mettre la main à la pâte pour pister les dealers et dénoncer la passivité des enseignants et le silence des autorités. Certains enseignants sont même soupçonnés d'une complaisance implicite, voire même de partager quelques joints en compagnie de leurs élèves, ayant une certaine indulgence à l'égard de la consommation des drogues dites «douces», et notamment du haschich. «Peu de formations ont été assurées dans les Académies dans le cadre de la lutte contre les drogues. Personne ne semble vraiment intéressé par le problème des drogues et de la prévention des conduites à risques dans leur ensemble, quant à la prise en charge sanitaire, il ne faut pas trop rêver. Sans oublier que les enseignants eux-mêmes sont régulièrement menacés par les dealers qui font la loi aux portes du lycée. Allez dénoncer des dealers, dont certains sont vos propres élèves !» s'indigne un prof du lycée Al Joulane de Mohammedia. Le problème, c'est qu'on n'est plus au stade de la «petite fumette» puisque les psychotropes ont bel et bien investi les collèges et les lycées et envahissent maintenant les écoles primaires. Ils sont même vendus à l'intérieur des classes à des prix qui dépassent toute concurrence. La «bola hamra» s'est tellement démocratisée, qu'on en trouve à 5 Dh voire moins. D'où viennent ces saletés de drogues? «Le gros du trafic de psychotropes provient de la contrebande avec l'Algérie. La presse de nos voisins ne se prive d'ailleurs pas pour le reconnaître explicitement. Il y a quelques semaines, les journaux algériens «avaient tiré la sonnette d'alarme en faisant état de la gravité du trafic de comprimés de psychotropes à destination du territoire marocain, depuis la région ouest de l'Algérie. Selon Le Jour d'Algérie , le trafic se fait au quotidien dans la bande frontalière ouest, notamment dans la zone délimitée par la boucle reliant Maghnia, Marsat Ben M'hidi, Ghazaouet, Nedroma, Remchi, Beni Bousaïd, Tounane et Sidi Djilali se refermant à Maghnia avec des extensions vers Tlemcen et Sebdou, voire même El-Aricha. Selon ce quotidien algérien, le trafic des psychotropes a pris de l'ampleur au fil des jours, précisant au passage que «le Rivotril, Témesta, Laroxyl et le Diazepam, seraient classés parmi les plus demandés des psychotropes, sans pour autant diminuer l'afflux des autres drogues en comprimés. Ce sont les trafiquants de cigarettes qui les écouleraient à des prix de gros atteignant les 1 000 DA la boîte de 40 comprimés. Une grosse partie est acheminée vers la frontière pour être écoulée dans les officines pharmaceutiques ou les bas fonds d'Oujda, Ahfir ou Berkane, à raison de 250 dirhams la boîte de 40 comprimés. Citant des sources policières, le journal affirme que le commerce des psychotropes est devenu très lucratif pour certains réseaux du «trabendo» notamment parce que les drogues en comprimés sont plus faciles à transporter en grande quantité . Maajoun”, “Ghriyba”, “Chkilita”, “Hgartini”, “Noqtat mongolien”, « bola hamra», les drogues et autres psychotropes boostent l'imagination des ados. Le problème, c'est que les plus malins d'entre eux, se contentent du fameux joint fumé dans l'intercour. Dans l'esprit des jeunes «( et des moins jeunes) le cannabis serait inoffensif puisqu'il n'entraînerait pas d'accoutumance. Or, la plupart des recherches les plus récentes sont arrivées à la conclusion que le cannabis entraînait des conséquences néfastes sur la santé et le comportement des consommateurs. Au menu notamment, une chute des résultats scolaires qui va parfois jusqu'à l'échec scolaire, des troubles irrémédiables de la mémoire, l'affaiblissement des défenses immunitaires ( au moindre pépin, bonjour le sida), la perte de la volonté, et même souvent un comportement proche de la paranoïa. Le lien entre consommation de drogues, notamment de cannabis, et échec scolaire, semble bien établi aujourd'hui. Les élèves ayant de mauvais résultats scolaires sont nettement plus nombreux . Quant à l'absentéisme scolaire, les élèves concernés sont nettement plus nombreux que les autres à consommer régulièrement des produits stupéfiants.■