Ce samedi à Washington, le G20, en plus de quelques pays invités, tentera de sauver l'économie mondiale et de lancer le débat sur la réforme du système financier international C'est sous la pression, d'abord de l'Europe, ensuite du monde entier, que les Etats-Unis ont accepté d'organiser un sommet mondial sur la crise, un sommet qui devrait se tenir sans la présence d'Obama qui a préfèré ne pas interférer avec l'Administration Bush. Les enjeux de ce sommet sont pourtant énormes, il s'agit de reformer le système de Bretton Woods ou tout au moins, de lancer le débat sur cette réforme. Les Etats-Unis sont récalcitrants, parce que cette réforme ne peut que remettre en question leurs privilèges. Le système actuel, depuis 1974 et le décrochage du dollar par rapport à l'étalon-or, fait de l'économie Américaine une économie financée en partie par le reste du monde, par le biais de la dette. La Chine est actuellement le plus grand détenteur de bons du Trésor Américain. Le dollar, monnaie de singe, reste la devise la plus usitée dans le Monde, grâce à la puissance politique Américaine. La Banque Mondiale et le FMI, largement inféodés aux Etats-Unis, sont dépassés par les événements et ont prouvé leur incapacité à prévoir ou à gérer la crise. Or, la responsabilité Américaine dans la crise Mondiale actuelle est établie. La multiplication des produits dérivés a alimenté les circuits en portefeuille toxiques au plus haut niveau. Seulement, les autorités U.S ont réagi trop tardivement par rigidité idéologique. Le mal est fait, l'économie mondiale est en récession. La Chine à la rescousse Même les pays du BRIC sont sévèrement touchés. La croissance à deux chiffres n'est plus qu'un rêve. Ainsi, le taux de croissance chinois devait passer de 10 à 5 % ce qui aurait été une véritable catastrophe pour le pays le plus peuplé du monde. Comme «La Gazette du Maroc» l'avait pressenti dans son numéro du 29 octobre, la Chine va utiliser sa formidable réserve pour booster le marché intérieur. Beijing vient d'annoncer un fonds de 600 milliards de dollars, soit 15 % de son produit intérieur brut, créé à cet effet. Pour mémoire, le plan Paulson ne représentait que 1 % du PIB US. Il s'agit donc d'un effort gigantesque, qui n'ira pas aux banques parce que le système bancaire chinois est sain. Il s'agit d'un fonds qui servira aux équipements sociaux : routes, écoles, hôpitaux. Mais aussi à la création d'une couverture sociale et à l'élévation du niveau de vie. Ce new-deal chinois doit permettre de pallier à la baisse de la demande occidentale par le développement du marché local, en améliorant le pouvoir d'achat. Il s'agit d'une politique de relance par la demande typique. Cela offre des opportunités aux entreprises occidentales, spécialisées dans les équipements sociaux, ce qui peut limiter l'anémie de ces économies. Cela préfigure aussi la fin du dumping social chinois, l'économie ne devant plus sa compétitivité au coût, très bas, du travail. Cet effort chinois, qui est une réponse nationale, a des répercussions internationales à court, moyen et long terme. Il permet à l'économie internationale de souffler un peu en apercevant une lueur d'espoir dans la morosité. Le marché chinois, devient, et plus que jamais, l'objet de toutes les convoitises. A Moyen terme, il pose le problème de la monnaie chinoise et de sa convertibilité. Le yuan est manifestement sous-évalué, ce qui prouve un avantage para-économique à la Chine. A long terme, cette puissance économique exigera un rôle politique à la mesure de son statut de géant. Rééquilibrage en vue D'ailleurs, l'administration Bush ne pouvant plus engager l'Amérique, il est peu probable que le sommet de Washington dépasse les déclarations de principe. Il est cependant évident que l'exigence d'une réforme du système monétaire et financier international est quasi-unanime. Le rééquilibrage est sur toutes les lèvres. Sarkozy au nom de l'union Européenne l'a réclamé début octobre. Cela a réitéré la demande à l'ouverture du sommet des 20. Ce rééquilibrage, en limitant les capacités d'endettement Américaines, traduit aussi l'émergence d'un monde multipolaire, aux conséquences politiques évidentes. Prendra-t-il la forme d'une refonte totale des institutions de Bretton-woods? Il est trop tôt pour le dire, en tous les cas trop tôt pour définir les contours de cette réforme, tant qu'Obama ne s'est pas exprimé sur le sujet. Néanmoins, deux exigences sont évidentes : - Le renforcement de la régulation des marchés, avec un rôle réel pour les Etats. L'ultra-libéralisme selon lequel les marchés s'auto-régulent à la perfection est passé à la trappe. - La régulation des flux internationaux, sans cette fois qu'il y ait un consensus sur la forme et l'étendue de cette régulation. Mais l'OMC devra revoir sa copie en ce domaine. Nous sommes donc à la veille d'une formidable redistribution des cartes au niveau mondial. L'Espagne, septième puissance économique mondiale, n'a été intégrée au G 20 que le mois dernier. C'est dire que les places à ce genre de forum, où le sort du monde se joue, sont chères. ■