Une maîtrise d'arts plastiques et d'histoire de l'art à Paris I et l'Ecole des Beaux-arts de Paris ; dès les années 70, l'œuvre de Najia Mehadji, se singularise par une «abstraction sensible» issue à la fois de la musique contemporaine et d'un travail sur le corps qu'elle pratique dans un contexte expérimental à l'université Paris VIII. Les années 80 sont pour elle, le début d'un questionnement sur les matériaux de la pratique picturale. Elle décide d'en utiliser des inhabituels comme le gesso, ou le papier transparent sur de grandes toiles brutes pour créer des formes géométriques symboliques, fortement architecturées. En 1985, elle part un an à Essaouira avec une bourse de la Villa Médicis hors les murs, puis y retournera de plus en plus souvent. Aujourd'hui, Najia Mehadji vit entre Paris et Essaouira. Elle y réalise la série des Icares. En 1994, elle clôt ce cycle avec la série Coupole (figure transculturelle dans l'architecture) qui fait explicitement référence à l'art de l'Islam. En 1997, elle enseigne le dessin pendant un an comme artiste invitée à l'Ecole Nationale des Beaux-arts de Paris. Ces dernières œuvres, exposées à la galerie Bab Rouah, ont une symbolique liée à la nature, comme un contrepoint logique aux formes géométriques des débuts. D'où l'apparition «de structures de flux» notamment dans la série Fleur-flux où Najia Mehadji revisite le symbole universel de la grenade, dont la fleur stylisée parcourt ses toiles, dessins et aquarelles. Son intérêt pour le floral et le cosmique se manifeste également dans la série des Pivoines, des Vanités et des Volutes. Les toutes dernières œuvres sont largement représentées avec huit grandes peintures sur toile et une quinzaine de gouaches sur le thème de la fleur comme symbole du passage du temps et de la précarité de la beauté. Habituée des galeries prestigieuses des musées des Beaux-Arts français, en particulier à Caen, Poitiers, Epinal et Paris; elle y expose régulièrement. Plusieurs de ses œuvres font partie de la collection du Centre Georges-Pompidou (Beaubourg). Elle participe aussi à de nombreuses expositions collectives en France, en Espagne, en Jordanie, et bientôt, à «Traversées» (commissaire : Brahim Alaoui) : une vaste exposition itinérante sélectionnant une trentaine d'artistes du monde arabe (du Maghreb au Golfe, en passant par l'Egypte, la Palestine, l'Irak, la Syrie et le Liban). Première étape en mai 2009 à Tokyo. S'ensuivront Séville, Rome, Abu Dhabi, etc. Au Maroc, Najia Mehadji a exposé à la Galerie Meltem (Casablanca) en 1993, à la fondation Dar Bellarj (Marrakech) en 2004 ; à l'espace d'art Actua de l'Attijariwafabank (Casablanca) en 2005 et de son exposition consacrée au thème du Végétal à l'Institut français de Tanger en 2006. Les débuts Mes premières œuvres, dans les années 70, sont des dessins qui évoquent des diagrammes sonores comme, par exemple, le timbre d'une voix. Et cela m'a amenée à plusieurs reprises, à faire des performances en sonorisant la feuille de papier sur laquelle je dessinais ; c'était comme une respiration, un rythme intime, une voix intérieure qui me guidait. Mon travail sur toile -au début- a été une longue quête de la couleur, ainsi qu'une réflexion sur la trace et la ligne qui continue encore aujourd'hui. Je n'utilisais pas les matériaux et les supports traditionnels de la peinture, mais du papier d'imprimerie, des encres sérigraphiques de la toile brute, de la colle et de l'enduit ; des moyens réduits pauvres, qui me rendaient plus libre. L'entre-deux Depuis une vingtaine d'années, je vis entre Paris et Essaouira (Maroc) et ce va-et-vient d'un pays a l'autre, d'une culture à l'autre, crée une distanciation qui me permet de relativiser et d'aller plus vite à l'essentiel en dehors de toute habitude. L'architecture Toute architecture dessine des pans dans l'espace et joue sur le fond et la forme, comme lorsque je trace un trait qui révèle dans un même temps des espaces de chaque côté de celui-ci, ou une ligne circulaire qui engendre un volume ; d'où l'importance de la «réserve» -dans mes œuvres- qui joue un rôle majeur entre les lignes tracées à la craie tant sur papier que sur toile. La lumière a une fonction essentielle dans l'architecture, car elle a la capacité de transformer les volumes et les reliefs (comme par exemple dans les bas-reliefs des temples en Egypte ou sur les portails des cathédrales). La coupole et le chapiteau sont les principaux éléments d'architecture à partir desquels j'ai travaillé ; la première parce qu'elle représente le céleste et donc aspire aussi au spirituel, le second à cause de ses multiples variations végétales et leurs métamorphoses (j'ai toujours été attirée par le dessin des lignes dans l'espace, le rapport entre les volumes, la structure des formes dans la nature ou l'architecture, en particulier celles qui symbolisent les éléments de l'univers tels que les pyramides, les coupoles, les chapiteaux, etc.) Le dessin La trace et la ligne expriment le temps (la durée), un peu comme les cernes de croissance d'un tronc d'arbre; la main et la pensée se laissent entraîner dans un rythme nécessaire à son déroulement, et le dessin montre ainsi les étapes de sa gestation dans un mouvement vers l'expansion, la dilatation, le volume. Il est essentiel dans mon travail, tant sur papier que sur toile. Mes peintures sont en réalité de grands dessins à la craie réalisés dans une gestuelle physique et mentale ; ce sont des constructions fluides qui créent un lien entre le cosmique et l'humain, le spirituel et le sensible. ■