«Qu'y a-t-il à Casablanca quand on a 20 ans et qu'on veut dire des choses, quand on a 30 ans et qu'il n'y a plus rien à faire, quand on a 40 ans et qu'on a tant de choses à dire ?». Hanane Bekkali s'est posée cette question. Et sa réponse fut : «rien». Alors, elle a créé elle-même cet endroit, le premier café-culture de Casablanca. Le lieu évoque un lounge à l'américaine, à la fois moderne et cosy, où les coups de cœur hétéroclites et successifs de la maîtresse des lieux forment un ensemble étonnamment harmonieux. La musique de fond est douce et apaisante. Les convives sont accueillis par le cocktail maison, évidemment baptisé Tangerine et à base d'orange. L'étage du bas est conçu pour ceux qui aiment muser et prendre leur temps: chaises accueillantes, journaux et magazines. On vient y déjeuner ou y dîner, y prendre un verre seul ou entre amis, des dames élégantes y sirotent thé ou café en papotant. Bientôt, elle accueillera les enfants à l'heure du goûter et les lève-tard pour le brunch, le week-end. «Lieu de diffusion du savoir» L'étage supérieur est dédié aux repas, des spécialités méditerranéennes à la fois simples et savoureuses. Mais aussi à ce qui constitue une première à Casablanca : un lieu de débats et d'échanges. Les deuxièmes vendredi et samedi soirs du mois, Tangerine se transforme en «espace culturel et lieu de diffusion du savoir». Parmi les activités prévues, des conférenciers viendront y mener des débats ouverts, auxquels les convives sont invités à participer. «Ce sera ouvert à tout le monde, explique Hanane. Beaucoup de gens croient qu'ils n'ont rien à amener. Mais c'est faux : tout le monde a appris quelque chose. Or, dans notre société, les gens ont perdu l'habitude d'échanger, cet échange qui fait émerger des idées». Si la liste des thèmes n'est pas encore fixée, beaucoup tourneront à coup sûr autour d'une idée qui passionne la jeune femme : la citoyenneté. «Quels sont nos droits et nos devoirs ? Qu'est-ce que le service public ? Comment éduquer les citoyens à l'esprit civique ?...», énumère-t-elle pêle-mêle. D'autres seront plus légers, à l'image des goûts éclectiques de la propriétaire des lieux: la mode - son autre passion -, la musique… Toujours dans cet esprit de partage de savoir, divers ateliers seront organisés de 15h30 à 17h30, selon une fréquence encore indéterminée: ateliers de savoir vivre (l'art de la table, la correspondance courtoise) ; de conversation en anglais, en arabe, en espagnol ; de bridge ; de création de bijoux; de lecture et de travaux manuels pour les enfants. «La vraie vie en dehors du quotidien» Autre vocation de Tangerine : celle de « structure d'accompagnement aux artistes émergents ». Des écrivains viendront y dédicacer leur livre et converser avec leurs lecteurs ; des musiciens et des chanteurs viendront s'y produire. Des Cafés Culture Générale, Cafés littéraires et Cafés scientifiques seront organisés régulièrement. Enfin, un dimanche par mois, les «bruncheurs» seront invités à découvrir une destination. L'idée de fonder ce type de lieux s'est progressivement imposée à Hanane, au cours de ses nombreux voyages, en Europe et au Canada. Et particulièrement, ses souvenirs de la rue Etienne-Marcel, à Paris, haut lieu de la mode : « je garde précieusement dans ma mémoire les flâneries dans les concepts stores aux happenings permanents. Il y a toujours un truc qui se passe… La vraie vie en dehors du quotidien ». Quant au nom, il est dû «à mes origines tangéroises à forte influence espagnole, ces meriendas au goût d'anis et de chocolat, ces airs de flamenco qui flottent dans ma vie». De toutes ces nostalgies, Hanane a fait un lieu à la fois hors du temps et bien dans son époque. Un endroit où déjà commencent à se tisser des rencontres entre des gens jeunes et moins jeunes, qui ont en commun une folle énergie et l'envie de la partager. ■