Le Conseil Supérieur de l'Enseignement vient de remettre sa copie de l'évaluation du système éducatif. Des pistes sont proposées. Le ministre de l'Education Nationale, de l'Enseignement Supérieur, de la Formation des Cadres et de la Recherche Scientifique,compte bien en suivre quelques unes. Son plan d'action sera dévoilé dans les jours à venir. Dans cette interview, le ministre en trace les grandes lignes. Challenge Hebdo : l'éducation nationale a formé, durant les années 1960,1970 ou 1980 l'élite du Maroc. Aujourd'hui, elle en est incapable. Que s'est-il passé ? Ahmed Akhchichine : probablement, l'école a changé de vocation. Jusqu'au début des années 1990, elle avait essentiellement pour vocation de former les élites, dont l'Etat avait besoin pour fonctionner. Et de l'autre côté, de former les petites mains dont l'économie avait besoin. Cela se traduit par les chiffres. A peu près la moitié des Marocains de l'époque n'avait pas accès à l'école. La moitié qui avait accès à l'école l'a quittée prématurément. Aujourd'hui, les choses en termes de vocation ont changé. L'adoption de la charte nationale de l'éducation formation a rendu la scolarisation et l'enseignement des enfants obligatoire jusqu'à l'âge de 15 ans. Et donc de ce fait, il ne s'agissait plus de former pour les besoins de l'Etat et de l'économie mais de répondre d'abord à un droit humain fondamental, le droit à l'éducation. Bien évidemment, nous parlons d'un changement de vocation mais d'un système qui, fondamentalement, n'a pas changé. Il devait très rapidement passer d'une taille à la taille supérieure. A l'évidence, cela s'est traduit par un ensemble de dysfonctionnements dont on a recueilli les résultats plus tard. C.H. : cet état dans lequel se trouve le système éducatif n'a-t-il pas à votre avis un lien avec la syndicalisation des corps de métiers, bref, la politique n'y a- t-elle pas contribué? A.A. : nous ne disposons d'abord pas de données pour le quantifier à l'évidence. Je pense que le problème ne se situe pas à ce niveau. De façon générale, quand on revient à la base, l'école est là pour répondre aux attentes d'une collectivité nationale. En contre partie des besoins auxquels répond un système éducatif, il se doit d'être pris en charge par la collectivité. Cela veut dire que chacun des acteurs de cette collectivité à une part de responsabilité et un rôle à jouer. L'Etat doit assurer une vision, former les enseignants, mettre en place un système et le financer pour l'essentiel. Mais tous les autres acteurs (parents, collectivités…) ont un rôle à jouer. Lorsqu'un dysfonctionnement s'installe, à l'évidence, c'est que quelque part, un acteur ou l'ensemble des acteurs ont failli à leur rôle. Et dans le cas de l'école marocaine, c'est probablement ce qui a dû se produire. Chacun, à un niveau ou un autre, n'a pas joué son rôle. Plusieurs hauts responsables n'ont de cesse d'encourager les Marocains à intégrer l'enseignement public alors qu'ils sont les premiers à mettre leurs enfants dans des missions étrangères ou des institutions privées. Comment, à votre avis, le gouvernement peut-il redonner confiance à ces Marocains pour que leurs enfants reprennent le chemin de l'école publique ? Je crois que là encore, c'est un argument que je retrouve devant moi. Je le considère plutôt comme un symptôme que comme une cause. Je veux dire par là qu'il ne faut pas mélanger les attitudes des individus qui ont le libre choix de faire ce qu'ils veulent et la capacité globale d'un système à répondre aux attentes qui sont celles de la communauté. Le jour où nous arriverons à réconcilier les élites avec l'école publique, à ce moment-là, la réforme aura réalisé ce que l'on attend d'elle. C.H. : le Conseil Supérieur de l'Enseignement (CSE) vient d'émettre son rapport d'évaluation du système éducatif. On a une impression de déjà vu. Qu'y a-t-il de nouveau ? A.A. : ce qu'il y a de nouveau, c'est le caractère institutionnel de la démarche. C'est la première fois que nous disposons d'une véritable lecture nationale qui a été le produit d'une institution dûment mandatée pour le faire. Ce n'est pas un rapport d'experts, d'institutions internationales ou de chercheurs. C'est une institution créée qui a été régénérée par Dahir il y a quelques mois et qui a pour mandat de nous dire de façon régulière, objective, complète et transparente quel est l'état de l'école. C'est comme le rapport de Bank Al Maghrib. Il est essentiel aujourd'hui que nous ayons des structures qui ont la force morale, la technicité et la compétence pour nous dire ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans des secteurs vitaux. La deuxième dimension, c'est qu'à mon avis, même si on a l'impression que ce qu'on lit à travers le rapport est déjà vu ou connu, il ne l'est pas dans la façon dont il est articulé ou organisé en tant que constat, parce que le CSE a travaillé durant près d'une année avec l'ensemble de l'expertise nationale dont on peut disposer et sur l'ensemble des données d'actualité que l'on possède sur l'école marocaine. Cette compilation a produit un rapport aussi complet et aussi précis. Il n'y a probablement pas, à mon avis, de question majeure déterminante pour la vie de l'école aujourd'hui pour laquelle le rapport n'a pas apporté de réponse. C'est essentiel pour nous. C'est autour du consensus que ce rapport va créer, au niveau du constat, que l'on va pouvoir dire dans quelle direction nous devons aller. La troisième dimension, c'est justement celle des perspectives. Le rapport identifie de façon claire et de manière extrêmement courageuse à mon avis des pistes de travail qui vont certainement aussi permettre à la réforme de s'installer, je dirais, presque enfin. Parmi ces choix courageux, je citerais, entre autres, sur l'ensemble des cycles qui compose le système éducatif, le CSE, qui dit de façon claire qu'il faut se concentrer sur l'enseignement obligatoire. Autrement dit, en termes de ressources, d'énergie, de priorités, sur les années qui viennent, il nous faudra nous re-concentrer sur la période précédant l'âge de 15 ans. C.H. : en prenant en compte les conclusions du CSE, quelles seront vos priorités à l'horizon 2012 ? Quel sera votre plan d'action pour sauver l'éducation ? A.A. : à valeur d'aujourd'hui, nous sommes en train de le finaliser. C'est une question de jours. Grosso modo, les dysfonctionnements concernent plusieurs espaces. Le premier, c'est celui de la capacité du système à accueillir l'ensemble des enfants, à les retenir et à faire que l'acte éducatif se déroule dans les meilleures conditions. Nous remarquons la concentration de déficits par exemple en termes d'accueil dans des poches de fragilité. Lesquelles doivent nécessiter toute notre attention. Il faut refaire alors les choses autrement. Il faut les identifier, trouver les moyens pour intervenir de manière plus pointue pour répondre probablement à des difficultés spécifiques à ces zones. Il faut revoir la façon de faire. Au lieu de planifier à partir du haut vers le bas, il faudra s'habituer à travailler à partir du bas. Deuxièmement, il faut retenir tous ceux qui accèdent au système au moins pour la tranche d'âge jusqu'à 15 ans révolus. Cela veut dire qu'il faudra désormais assurer un suivi individuel pour chacun des enfants qui présente des risques de rupture. Un enfant qui abandonne l'école ne prend pas la décision en 24 heures. Il y a des signes précurseurs sur lesquels nous sommes en train de travailler. Nous les avons identifiés, nous savons comment ils s'expriment, nous en connaissons les modalités : cela commence par un cahier qu'on a oublié une fois, cela continue par un devoir qui n'est pas fait, par un manuel qu'on n'apporte pas, par des cours qu'on commence à rater… L'enfant reste autour de l'école. Un jour, il disparaît. Il faut se donner des moyens, grâce à la formation, à des structures et à des outils de travail pour savoir déceler ces signes précurseurs et agir. C.H. : oui, mais comment ? A.A. : par exemple, il faut d'abord disposer d'un système de suivi individuel. Nous n'en avons pas encore véritablement aujourd'hui. Il faut aussi avoir des structures (on y travaille actuellement) qui puissent évaluer pourquoi un enfant va s'absenter d'un cours particulier de façon régulière. Il faudra l'interroger, interroger ses maîtres et aller plus loin encore en interrogeant sa famille. Parfois, la raison est totalement anodine et futile: cadre familial qui ne permet pas de faire ses devoirs, absence de personne adulte qui aide à assurer un soutien scolaire… Le système peut apporter une solution à ces questions. Mais il faut cette volonté de le faire, cet outillage pour le faire, et cette formation et compétence pour le faire. Il faut se donner les moyens d'y répondre. Il y a aussi les abandons pour des raisons objectives. L'effet du palier, qui consiste dans le passage du primaire au collège, enregistre des abandons : école lointaine dans le milieu rural... Pour y remédier, nous allons probablement proposer un élargissement de l'offre physique de scolarisation : un nombre de collèges plus grand mais aussi la mise en place de solutions adaptées à ces cas et en particulier des foyers et structures d'accueil qui nous permettront de ne pas revenir à la spirale de perdition d'aujourd'hui. C.H. : pourrions-nous avoir une idée plus chiffrée sur les actions à venir? A.A. : il existe plusieurs indicateurs. Ce que l'on retient le plus souvent, c'est que le quart du budget de l'Etat est alloué à l'enseignement avec une contribution dans le PIB qui varie de 5,5% à 6%. Si l'on se compare à des pays au même niveau que nous, on se rend compte qu'ils ont déjà mis à niveau leur système, où l'offre de scolarisation est stable, où il n'y a plus grand besoin de constructions, où les process de formation sont fluidifiés… Ce qui n'est pas le cas pour le Maroc. Nous avons par exemple besoin, dans les quatre années à venir, de construire 1000 collèges et presque autant de lycées. Pourquoi? Parce que depuis la mise en place de la charte en 2000, il y a un peu plus d'un million d'élèves de plus dans le système. Il y a par ailleurs un indicateur important à prendre en compte, celui de la dépense collective par enfant jusqu'à 23-24 ans. L'ensemble de ces dépenses tournent autour de 550 voire 600 dollars annuellement. Cela veut dire que lorsqu'on parle de l'éducation d'un enfant, il ne faut pas tenir compte seulement de ce que l'Etat va apporter pour offrir une place pédagogique, mais de l'ensemble des dispositifs qui sont autour. La réforme mise en place il y a 8 ans n'a pas de prix, mais elle a un coût. Pour une part importante, ce coût a été différé. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas l'assumer. Aujourd'hui, c'est le moment de l'assumer. Dans les années à venir, nous devons faire un effort collectif pour payer la facture de la réforme. C.H. : qui devra payer ? A.A. : d'abord, fondamentalement, l'Etat va contribuer au financement. Mais les acteurs qui tournent autour de l'école, les collectivités locales, le monde des entreprises… devront contribuer aussi. C.H. : oui, mais de quelle manière ? A.A. : de façon concrète, ailleurs, dans l'ensemble des systèmes éducatifs modernes, l'école primaire en tant qu'institution appartient à la collectivité locale parce que son implantation est territorialisée, parce que la collectivité locale (la commune) dispose de tout la database (registres de naissance…) dont l'école a besoin. Elle peut planifier à son échelle pour assurer les conditions d'accueil des enfants en âge de scolarisation. C.H. : les collectivités locales devront-elles alors mettre la main à la poche ? A.A. : à l'avenir, nous devrons aboutir à ce schéma. C'est le cas partout ailleurs. En ce qui nous concerne, nous pourrons passer par une phase transitoire où ce système pourra être mis en place en le proposant aux collectivités locales et peut-être que celles qui se sentent aujourd'hui les plus motivées pour le faire y adhéreront. Mais il y a plus important. Dans aucune collectivité au Maroc, vous ne trouvez une cellule ou une personne en charge de l'éducation. C'est étonnant. Comme si l'éducation n'était pas une chose importante dans la vie de la cité. Or, partout dans le monde, il n'est pas concevable que quelqu'un ne s'en charge pas. C.H. : comment expliquer ceci? Probablement, les collectivités locales sont totalement installées aujourd'hui dans une culture qui veut que l'école soit une affaire du ministère de l'Education. Ceci conduit à ce que 80% des écoles du monde rural par exemple ne disposent pas de sanitaires… C.H. : et si les collectivités locales n'adhèrent pas à votre vision? A.A. : ce n'est pas un problème de moyens. Tant que le transfert de responsabilité non pédagogique sera envisagé et pourra se faire, il se fera avec les moyens qui vont avec. L'idée est d'assurer à cette institution qui répond à un besoin vital de la collectivité les meilleures conditions. Le système en vigueur est à l'évidence le plus mauvais. L'Etat se re-concentrera sur ce qu'il sait faire le mieux : développer des contenus de formation, assurer la compétence en termes d'encadrement pédagogique, «disponibiliser» une vision, faire en sorte que la planification stratégique fonctionne. Il pourra se concentrer sur les paliers du système pour lesquels il y a une véritable perspective à assurer, c'est le cas pour les lycées, les universités… Mais au niveau du système de base, l'école primaire, je crois qu'il faut qu'on envisage très sérieusement, à l'avenir, que le transfert de compétences et de responsabilités se fasse au profit des collectivités. C.H. : dans les débats sur le système en vigueur, l'enseignement supérieur est quasiment absent. Cela veut-il dire qu'il est « parfait » ? A.A. : on en parle peu pour deux raisons. La première, malgré tout ce que l'on dit, c'est que l'université a réalisé pour l'essentiel la mue que l'on attendait. La mise en place de la réforme a été réalisée assez tôt. Nous sommes aujourd'hui devant des processus d'autonomie réels et effectifs. Les dysfonctionnements qui persistent, elles en héritent. C'est parce qu'en amont, les déficits existaient : concentration des effectifs sur les filières littéraires… Il faut donc traiter ces dysfonctionnements en amont, au niveau des collèges ou lycées. La deuxième chose, c'est qu'à investissement équivalent, un dirham investi dans le fondamental est plus rentable qu'un dirham investi dans tout autre palier du secteur. Troisième raison, c'est que la loi au Maroc oblige l'Etat à « disponibiliser » une place pédagogique pour chaque enfant jusqu'à au moins 15 ans. C.H. : qu'elle place occupera le privé dans la stratégie future? A.A. : aujourd'hui, l'offre de scolarisation du privé, tous cycles confondus, capte 7% des effectifs de l'école avec une forte concentration sur le primaire. L'horizon que la charte avait fixé s'établissait à 20%. Si nous ne sommes pas encore arrivés là, malgré toutes les incitations mises en place et la volonté politique, c'est parce qu'il y a un problème. Il réside dans le fait que nous continuons de percevoir une incursion dans le secteur de l'enseignement privé comme le fait d'un projet porté par un individu. Il est traité comme un porteur de projet qui doit rassembler par ses propres ressources et énergies pour trouver le terrain, le local, mettre en place une vision stratégique… Or, encore une fois, ce n'est pas parce qu'il s'agit d'un projet privé que c'est une démarche totalement individuelle. L'horizon sur lequel nous devons travailler, c'est de « disponibiliser » à terme, à côté de l'école publique, une offre à dimension qui puisse constituer un véritable benchmark. C'est-à-dire que demain, nous devrions disposer de groupes scolaires qui gèrent des unités par centaines et qui puissent développer de véritables projets pédagogiques, qui puissent avoir des centres de ressources pour former des enseignants, développer des manuels… pour pouvoir constituer à côté de l'école publique un benchmark réel qui puisse stimuler l'offre publique. Il est essentiel qu'on y arrive. Et pour cela, il faudra réinventer le modèle économique. L'idéal, c'est que les bâtiments soient de la responsabilité des acteurs locaux, que le contenu et l'encadrement pédagogiques soient de la responsabilité du ministère, et que le management soit peut-être privé. On pourrait avoir des écoles à partir de contrats tripartites. C.H. : le gouvernement autorise le privé à offrir des formations délocalisées, mais les diplômes ne sont pas homologués. Comptez-vous réparer cette aberration ? A.A. : c'est une aberration. Je pense que le raisonnement sur lequel on était parti était le suivant : on se disait que ces offres privées allaient répondre fondamentalement à des besoins privés et de fait, qu'elles allaient entrer dans des circuits presque d'évaluation qui n'ont pas de lien avec l'homologation. Le problème n'est pas là. Il se trouve en ce que l'Etat doit assumer pleinement ses responsabilités quant à la validation des contenus pédagogiques. A ces occasions, il doit intervenir sur l'ensemble des maillons de la chaîne, de l'autorisation jusqu'à la qualification des diplômes. Nous travaillons dans ce sens pour pouvoir trouver le cadre légal qui permettra d'y remédier. C.H. : de manière plus globale, comptez-vous changer les programmes scolaires ? A.A. : il ne s'agit pas de changer les programmes. Il s'agit de se donner les outils et les dispositifs pour que toutes les améliorations nécessaires puissent intervenir à chaque fois que cela est nécessaire. Par exemple, nous investissons massivement aujourd'hui dans les nouvelles technologies. Il est évident que nous ne pouvons pas continuer à enseigner et à dispenser les mêmes contenus avec des outils différents. Mais il ne s'agit pas pour autant de changer les programmes. La nouvelle technologie doit être intégrée en tant que support sans pour autant déstabiliser ce qui est en train de se faire. C'est cette ingénierie là qui faisait défaut. On a toujours pensé qu'à chaque fois qu'il fallait intervenir sur les programmes, c'est qu'il fallait jeter au bûcher ce qui était fait pour pouvoir inventer autre chose. Par contre, là où des changements importants vont intervenir, c'est au niveau du primaire. Nous sommes totalement conscients qu'il faut re-concentrer les apprentissages sur les fondamentaux. En sortant du primaire, les enfants doivent savoir lire, écrire, se familiariser avec les raisonnements mathématiques et au moins savoir utiliser à un stade d'initiation des outils informatiques. C'est ce qui va se traduire par une réduction du volume horaire, par une réorganisation du temps scolaire et une ingénierie de la formation qu'on dévoilera dans les semaines à venir. C.H. : qu'en est-il des langues ? A.A. : au niveau de l'enseignement des langues, nous constatons un déficit évident en matière de langues, déjà par rapport à l'arabe. Aujourd'hui, lorsqu'on comptabilise le temps consacré à l'apprentissage de la langue, nous sommes pratiquement à 5.000 heures à la fin du lycée. Il n'est pas normal que l'on puisse consacrer des volumes horaires aussi importants sans assurer une véritable maîtrise. Le problème, c'est que cette maîtrise de la langue n'est pas normalisée. On ne sait pas exactement ce que doit être la maîtrise de la langue pour une personne qui a un niveau bac… Ceci suppose qu'il faut travailler au niveau des standards, ce que nous allons entreprendre à partir de l'année prochaine avec des mesures précises et détaillées sur les apprentissages. Ensuite, je pense qu'un système monolingue est dans une impasse. L'ouverture escomptée pour l'instant, c'est que nous avons une grande fenêtre qui s'appelle le français, nous avons deux fenêtres accessoires qui s'appellent l'anglais et l'espagnol. Ce paysage de choix linguistique fera-t-il le Maroc de demain, c'est une grande question. N'est-il pas temps dans ce paysage d'introduire le chinois par exemple ? Est-ce que la relation qui existe aujourd'hui entre le français, l'anglais et l'espagnol doit rester telle qu'elle est, et partout sur le territoire ? C.H. : n'avez-vous pas de réponses à ces questions ? A.A. : nous avons des réponses, nous disposons de scenarii sur lesquels nous travaillons. Ils seront proposés pour débat et, à partir des éléments de ce débat, nous devrions engager les réformes nécessaires. C.H. : qu'en est-il de l'arabisation ? A.A. : on ne reviendra pas sur l'arabisation. Le système est arabisé. On ne reviendra pas sur ce choix. Et même si cyniquement, on voulait revenir sur ce choix, le coût serait plus grand que de le maintenir et de l'approfondir. Le problème, c'est que l'arabisation n'a pas été suffisamment rationalisée et pas suffisamment maîtrisée dans toutes ses implications. C'est ce travail de microchirurgie qu'il faut faire aujourd'hui. C.H. : en l'espace de quatre années seulement, pensez-vous réussir là où vos prédécesseurs ont échoué ? Qu'est-ce qui vous fait croire que vous arriverez à réaliser autant de chantiers? A.A. : le but est de pouvoir placer les bases qui vont permettre de rendre effective cette réforme clairement définie par la charte, qui a un coût différé mais surtout, qui a un mode opératoire rationnel qui n'a peut-être pas été poussé jusqu'au bout de sa logique. Maintenant, ce que j'espère, c'est que sur ces quatre ans, nous parvenions à poser les fondamentaux et à penser que le système atteindra une vitesse de croisière qui lui permettra de gérer son devenir. La grève sanctionnée : les enseignants trinquent Depuis l'Indépendance, jamais le Trésor public n'a sanctionné les fonctionnaires grévistes. La grève est devenue un moyen de se payer des vacances, c'est ce qui explique le taux de grévistes dans la fonction publique. Quel que soit le syndicat qui appelle à la grève, le mot d'ordre est suivi. Le ministre de l'Education rompt avec cette tradition. Les enseignants du premier cycle qui ont fait grève jeudi dernier verront leur salaire amputé de cette journée non travaillée. Cette mesure permettra à l'avenir de séparer ceux qui font grève de ceux qui en profitent. Cette attitude sera généralisée et les syndicats devront compter leurs zouaves avant de lever un mot d'ordre de grève.lui-même ne poserait pas vraiment de problème, contrairement à sa durée. Identité : le Maroc se reprend Ahmed Akhchichine annonce qu'il mettra en place, rapidement, des programmes qui restituent la diversité de l'identité nationale. «L'histoire pré-islamique, les rois amazighs, les juifs doivent trouver une place dans le cursus scolaire». Le ministre tient cependant à préciser que «rien n'est possible sans que la société n'établisse un contrat avec l'école».