Les rencontres de Safi sur la Femme et l'Ecriture, qu'organise l'Union des Ecrivains du Maroc du 17 au 19 juillet, planchent sur «La nouvelle : Expériences, styles et visions» avec, en point d'orgue, la célébration de Zakia Daoud. Lamalif. Une typographie identifiable entre mille. Une lettre de l'alphabet arabe qui veut tout simplement dire Non. Une revue mensuelle qui a marqué, par sa vision, ses analyses et ses engagements, les années 1966-1988, les années Lamalif. Tirée à 12000 exemplaires dés sa parution, elle devient un espace de réflexion, une force de contestation. Suspendue en 1968, à l'instar de Maghreb Informations, pendant quatre mois avant de réapparaître avec les signatures des Paul Pascon, Abdelkebir Khatibi, Abdellah Laroui, Aziz Belal et les économistes Oualalou, Benamor, El Malki, Alioua…et des articles pointus sur la monarchie, les partis politiques, le syndicalisme, la bourgeoisie. Lamalif a aussi accompagné, et de quelle manière, l'effervescence culturelle de ces années là avec des analyses sur les arts plastiques et pas moins de 100 couvertures sur 200 illustrées par des peintures ! Un regard neuf sur le nouveau cinéma marocain au temps où la fédération des ciné-club comptait plus d'adhérents que les partis politiques et les premières réflexions, avec Bruno Etienne et Mohamed Tozy , sur l'islam politique. Mais qui se cache derrière ce pseudonyme de Zakia Daoud, à l'origine de cette aventure ? Jacqueline au pays du soleil et des contradictions Le bac en poche, une jeune normande du Bernay descend à Paris et s'inscrit à l'institut de journalisme. Elle fait la connaissance de Mohamed Loghlam, français d'origine marocaine, qui devient son mari. De retour au Maroc en 1958, elle intègre la RTM. En 1960, le gouvernement de gauche de Abdallah Ibrahim est congédié, Moulay Ahmed Alaoui s'installe au ministère de l'Information. Le couple quitte Rabat pour Casablanca. Jacqueline, de sensibilité de gauche, rejoint l'Avant-Garde, journal de L'UMT de Mahjoub Ben Seddik où elle signe des papiers sur la classe ouvrière et défend la cause féminine. En 1964, elle devient correspondante de Jeune Afrique. Jacqueline Loghlam devient alors Zakia Daoud. Cette collaboration s'arrête avec la disparition de Mehdi Ben Barka en 1965. En mars 1966, avec un capital de 20.000 DH, le couple lance Lamalif qui n'a cessé de paraître qu'en 1988. Dans un entretien elle déclare, «j'ai été convoquée, on m'a menacée. On m'a dit que votre journal se vendait trop, qu'il fallait réduire le tirage». La journaliste se transforme en écrivain A Paris, Zakia Daoud traverse le désert, pige à Arabies et au Monde Diplomatique avant d'être embauchée, à temps partiel, par la documentation française. Elle se consacre à l'écriture et publie les biographies de «Ferhat Abbas, une utopie algérienne» avec Benjamin Stora, «Ben Barka, une vie, une mort» avec Maâti Mounjob et «Abdelkrim, une épopée d'or et de sang», des essais dont «Marocains de l'autre rive : les immigrés marocains, acteurs du développement durable» et «féminisme et politique au Maroc», ainsi qu'un roman, «Zaynab, reine de Marrakech». Le récit historique évoque la fabuleuse histoire de Zineb Nefzaouia, la fille d'Aghmat qui s'est mariée, en quatrième noce, avec Youssef Ibn Tachefine qui deviendra, grâce à elle, l'empereur du Maghreb et de l'Andalousie. «Les années Lamalif : 1958-1988, trente ans de journalisme au Maroc», édité en 2007, est une plongée salutaire dans la vie d'une passionaria, d'un projet éditorial et, en filigrane, dans l'histoire mouvementée du Maroc Contemporain.