Pour les nombreux Subsahariens, à l'exception des sénégalais (affranchis du visa gouvernemental du contrat de travail) qui frappent de plus en plus au marché marocain du travail, l'aventure se termine dans le travail au noir. Mamadou est un jeune Malien qui a fait des études de marketing dans une école privée. Depuis qu'il a entendu parler des recrutements massifs de Subsahariens dans les centres d'appels, il ne rêve que d'intégrer ces call centers. Par chance, il a été engagé par une entreprise qui essaime dans le quartier Mâarif et qui commercialise du matériel de chauffage. Mamadou se met à rêver. Le salaire proposé dépasse ses espérances : 3.800 dirhams net pour un minimum de 40 rendez-vous confirmés décrochés avec des clients en France pour le compte de ce donneur d'ordre sans compter les primes calculées au-delà de cet objectif. Cependant, cette bonne nouvelle ne sera que de courte durée. Car le jeune Malien s'est donc retrouvé confronté à la régularisation de son statut. Son titre de séjour «étudiant» expire dans une semaine et son renouvellement devra se faire avec son statut de travailleur. Il doit s'adresser aux autorités locales pour l'obtention de la carte de séjour. Il s'est donc rendu au service des étrangers de la préfecture de police de Casablanca et se renseigna sur les justificatifs à fournir. Dans sa requête, Mamadou doit produire les justificatifs suivants : la demande d'immatriculation remplie en doubles exemplaires, 8 photos d'identité, les photocopies de l'identité et de la page du passeport mentionnant sa date d'arrivée au Maroc, un timbre fiscal de 60 dirhams, 2 photocopies du contrat de bail ou tout autre justificatif de logement certifié conforme, et la photocopie du contrat de travail. Cependant, des précisions sont à apporter. En effet, fort de tous ces renseignements en poche, le Malien a constitué son dossier. Evidemment, une condition manquait. Il faut savoir que la preuve d'un engagement ferme d'un employeur au Maroc ne suffit pas. En amont, Mamadou doit obtenir le permis de travail du ministère de l'Emploi et de la Formation professionnelle. Au préalable, une validation de l'Agence nationale de promotion de l'emploi et des compétences (Anapec) est obligatoire. Cette dernière doit s'assurer que sa base de données ne contient pas le profil recherché de nationalité marocaine. Les chômeurs non inscrits à l'agence sont de facto «disqualifiés». Si le profil recherché par l'entreprise n'a pas d'équivalent (marocain) inscrit à l'Anapec, l'agence émet alors une attestation certifiant cette absence. Cette attestation est la pièce centrale du dossier de demande de visa du contrat pour salarié étranger. Elle est ensuite transmise au service de l'emploi des migrants au ministère de l'Emploi à Rabat. Ces conditions valent lorsque l'activité salariale relève d'un contrat de travail local. Les salariés étrangers sous contrat d'expatriation, c'est-à-dire rémunérés par la maison-mère de leur employeur au Maroc, ne sont pas concernés par cette procédure préalable. Ainsi informé de cet élément supplémentaire, le dossier Mamadou est allé rejoindre une pile non exhaustive, avant qu'on ne lui annonce trois mois plus tard, que sa demande a été rejetée. Depuis, il travaille au noir dans ce centre d'appels avec des Ivoiriens, Congolais, quelques uns de ses compatriotes dont certains ont le permis de travail bien avant l'application de cette nouvelle réglementation pour le travail des étrangers qui date d'il y a trois ans. Il faut dire que les ressortissants étrangers, dont les pays sont signataires de conventions d'établissement, sont affranchis du visa gouvernemental du contrat de travail. À côté des Algériens et Tunisiens, les Sénégalais sont les seuls Subsahariens dans cette situation.