D epuis le PAS engagé en 1983, le Maroc aura endossé, dans la douleur, la responsabilité de stratégies structurelles, macroéconomiques et sectorielles dures à avaler. Il a d'ailleurs dû en payer un lourd tribut social. Afin d'éviter la «crise cardiaque», le sort du pays a évolué au gré des conceptions et de politiques publiques dictées par la sacro-sainte urgence de la dette. Une gouvernance qui, en dépit des réformes d'une décennie d'alternance, allait, paradoxalement, se détériorer. Pour être régulièrement épinglée dans les rapports des institutions de Bretton Woods, BM et FMI en tête. Ce constat d'échec est fondamentalement lié, en dehors des accusations de corruption, de bureaucratie, de justice opaque, à un défaut cruel de compétences. Des potentiels qui, pour avoir été «verrouillés» durant des décennies, se sont trouvés forcés à l'exil. Le système élitiste qui a longtemps prévalu dans une économie de rente, s'est trouvé brusquement ébranlé face aux nouveaux défis de l'ouverture libérale, de la modernisation et de la mondialisation. Il aura fallu relancer la réforme de l'enseignement, suivie de sa propre «réforme» plus récemment, mobiliser les moyens pour former 10.000 à 15.000 ingénieurs par an d'ici 2010, s'engager dans la formation de dizaines de milliers de techniciens et de lauréats de la formation professionnelle pour alimenter les chantiers structurants ouverts dans les différentes régions du pays. Chantiers souffrant d'un manque patent de ressources humaines de qualité, voire d'une pénurie de main d'œuvre qualifiée. Qu'il s‘agisse des stations du Plan Azur, d'Emergence industrielle, de l'Offshoring, du BTP, aucun dossier ne résiste au constat d'une grave pénurie en profils pointus. Ce qui est vrai au vu de l'incapacité des pouvoirs publics à endiguer la fuite des cerveaux au moment de la mise en œuvre de la vision à long terme E-Maroc. C'est ce même constat qui a découragé, aux dernières nouvelles, nombre d'opérateurs étrangers, investisseurs potentiels dans les techno-structures dédiées, clés en main, aux nouvelles technologies. Ce qui a mis le feu aux poudres des instances de tutelle se dépêchant de commander, non sans précipitation, des études très coûteuses pour compléter le Plan Emergence. Pourtant, celui-ci nous avait été déclaré «ficelé» et «bouclé» au gouvernement sortant avant que ne soient réclamées, par la nouvelle équipe aux commandes, des recherches plus approfondies et intégrant des secteurs clés étrangement occultés par leurs prédécesseurs. Ainsi, ont été déboursés aux consultants des cabinets internationaux des dizaines de millions DH pour se voir, ironie du sort, «re-convoquer», toujours à tarifs ruineux, aux fins de la mise en œuvre proprement dite des programmes. Et le Plan Maroc Vert dans l'agriculture, que les mêmes consultants prénommés ont concocté pour d'autres millions DH, risque fort de suivre le même dénouement. Nous craignons un remake de ces scénarios de démissions en cascade des compétences nationales ne maîtrisant ni la conception ni l'exécution des programmes et encore moins celle des projets. Surtout après cette avalanche d'externalisations des études commandées au prix fort par les institutions publiques et les entreprises, relatives aux audits, aux certifications, aux restructurations, aux stratégies commerciales, à la réorganisation, aux nouveaux systèmes de management et d'informations. Le Maroc n'a-t-il pas produit d'élites en 50 ans d'indépendance ?