En «célébrant», dimanche dernier, le 19ème anniversaire de la création de l'UMA, les capitales maghrébines ont affiché un profil bas qui en dit long sur un état des lieux peu reluisant. Qu'on en juge: des échanges commerciaux au plus bas niveau, des frontières pratiquement «verrouillées», une zone de libre-échange «morcelée» remettant aux calendes…maghrébines l'instauration d'un marché commun, une coopération nulle en matière d'interpénétration des voies de communication. En raison notamment, d'un paradoxe à la peau dure pour un voisinage si proche géographiquement, culturellement et, souvent, familial marqué par des frontières demeurées plus longtemps fermées qu'ouvertes. Si bien que l'axe central maghrébin, Rabat-Alger-Tunis ne cesse de battre de l'aile, le dernier nommé étant constamment tiraillé entre les deux belligérants avec lesquels les relations bilatérales doivent pourtant être sauvegardées. Quant à l'épine dorsale du Maghreb Arabe Uni, le Maroc et l'Algérie, ces deux puissances sous-régionales vivent, depuis plus de 30 ans, dans une «guerre froide», réchauffée épisodiquement depuis leurs indépendances dans un parcours parsemé de provocations et de désaccords dont l'essence était la nature jugée inconciliable des régimes politiques en place. Plongeant, en raison de l'intransigeance algérienne dans le conflit du Sahara marocain, les peuples voisins dans le désespoir et le déchirement familial. La république orientale ne doit surtout pas se tromper de dessein car il n'y aura jamais de place, dans l'union du Maghreb uni, pour une «superpuissance» régionale autoproclamée dont les appétits hégémoniques ont été attisés par l'ambition d'une pénétration stratégique à travers un couloir atlantique. Une ambition de domination qui a poussé l'Algérie, au risque de torpiller complètement le processus d'unification des pays du Maghreb, à créer de toutes pièces un Etat fantoche «rasd» qui empoisonne le climat politique en Afrique du Nord et provoque le ras le bol de la communauté internationale. L'UMA bien comprise ne peut exister effectivement que dans l'équilibre des intérêts économiques, la solidarité politique et sociale et l'équité complémentaire dans les échanges commerciaux, humains, culturels et autres appréhendés sous leur angle d'un partenariat gagnant-gagnant. C'est pour ne pas insulter l'avenir des peuples de la région que SM le Roi Mohammed VI vient de transmettre à ses pairs maghrébins un Message fraternel à l'occasion de la proclamation du Traité de l'UMA du 17 février 1989 dans la capitale ocre du Royaume dans lequel le Souverain souligne que «les peuples maghrébins espèrent gagner le pari du développement durable dans le cadre d'une Union forte, bâtie sur des fondations solides cimentées par la fraternité, l'entente, la solidarité, le bon voisinage et le respect des constantes et des spécificités nationales respectives des cinq pays membres». A la condition sine-qua-non que les nuages se dissipent et que le bon sens et la sagesse finissent par triompher. C'est pour cela, ajoute la missive Royale, qu'il «s'agit, en effet, de conférer à cette structure la place qui lui revient comme l'expression d'un ensemble influent et agissant sur son environnement régional et international, dans un monde qui ne laisse aucune place aux entités fragiles et artificielles et qui ne croit, en revanche, qu'aux unions et aux ensembles forts». Bien que l'optimisme soit notre règle de rigueur, il n'empêche que des craintes sérieuses se manifestent de plus en plus ostensiblement après l'échec des trois premiers rounds des négociations new-yorkaises de juin et août 2007 et janvier 2008. Et ces appréhensions sont encore plus aiguisées après les réactions «pessimistes» de l'Envoyé spécial onusien, Peter Van Walsum qui affirmait sans détour, à l'issue de sa récente étape algéroise, qu'il «n'y aura pas de solution dans l'immédiat pour résoudre l'affaire du Sahara». Et si notre foi en l'avenir solidaire de tous les peuples de la région nous incite à ne pas écarter tout espoir de solution négociée et durable sur la base de l'offre marocaine d'une autonomie élargie au bénéfice des populations de Sakiat Al Hamra et d'oued Addahab, nous sommes loin d'être assurés contre l'impasse et le statu quo qui semblent, encore une fois, planer sur les pourparlers de Manhasset IV dès le 11 mars prochain. Ce qui, le cas échéant, engloutira encore davantage le conflit pour une trentaine d'années supplémentaire, comme le pensait notre ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Taïeb Fassi Fihri. Mais le plus grave, c'est que ce «pourrissement» d'une guerre qui ne dit pas son nom maintiendra, pour trois autres décennies au moins, le déchirement et la désunion au sein d'une UMA transformée en «coquille vide». Avant de revoir, peut-être, les chefs d'Etat des cinq pays de l'Union se retrouver ensemble à nouveau. Car la seule fois où les peuples maghrébins ont pu voir leurs dirigeants se congratuler en leur promettant monts et merveilles sur l'unité régionale, c'était à Marrakech en 1989. Plus jamais, pareille scène ne se reproduisit dénotant ainsi de fortes divisions et une désunion quasi-totale dans les rangs. Deux d'entre eux sont toujours aux commandes, le Tunisien Ben Ali et le Libyen Kaddafi, le Maroc ayant connu, entre-temps la succession dynastique normale. L'Algérie s'est rendue doublement coupable : en séquestrant les sahraouis marocains pendant des décennies dans les camps de la honte de Lahmada et en libérant, grâce à la «pax americana», les plus vieux soldats prisonniers du monde d'une part, et en expulsant manu militari 45 000 MRE, arbitrairement refoulés, totalement dépouillés de leurs biens et cruellement séparés de leurs familles à mariage mixte. Comment dès lors espérer construire la fraternité maghrébine alors que les voisins ont commis des crimes contre ceux-là mêmes qu'ils étaient censés bien accueillir ?