Le 11 janvier de chaque année, les défenseurs des droits de l'Homme organisent une journée de protestation pour la fermeture de la prison de Guantanamo. La forteresse américaine de non droit abrite toujours trois marocains, dont le sort demeure jusque- là inconnu. À l'occasion de la journée mondiale pour la fermeture de Guantanamo, qui coïncide avec le 11 janvier, plusieurs ONG de défense des droits de l'Homme, ont choisi de manifester devant le bureau de l'ONU à Rabat, pour réclamer la fermeture de la forteresse de non droit, qui est devenue la prison américaine Guantanamo. L'occasion était encore une fois propice pour demander la libération des Marocains qui y sont encore détenus. Selon une source proche du dossier, ils ne sont plus que trois marocains : Said Boujaâdia, Younès Chekkouri, originaires de Safi et Tarik Dergoul, de Casablanca, à faire partie des derniers pensionnaires du fameux bagne. Le dernier marocain extradé de Guantanamo en 2007, n'était qu'Ahmed Rachdi. De Guantanamo à Salé Celui-ci a été auditionné par le juge d'instruction anti-terroriste de l'annexe de la Cour d'appel de Rabat, le 2 mai dernier. Ahmed Rachdi, qu'on disait perdu, a été remis le 29 avril 2007 au Maroc par les autorités américaines. 41 ans, ex-cuisinier dans un palace de Londres depuis 1982, il a été arrêté en 2002 en Afghanistan. Il était poursuivi par le Parquet général pour «préparation et exécution d'actes terroristes dans le cadre d'un projet individuel». Rachdi a été entendu dans le cadre de l'instruction préliminaire par un juge qui avait décidé de le poursuivre en état de liberté provisoire. Selon son avocat, Me Mohamed Sebbar, président du FVJ, le juge a décidé un non-lieu. Sa famille révèle qu'il souffre de problèmes mentaux et prévient du risque d'aggravation de son état de santé en cas d'incarcération. C'est ce qui lui avait valu de ne pas être poursuivi. Il demeure parmi les rares extradés à ne pas écoper de peine de prison. Mohamed Benmoujane a été acquitté en appel, le 30 mai, par la Chambre criminelle du 2éme degré de la Cour d'appel de Rabat. Cet ex-détenu de Guantanamo, a été condamné en novembre 2006, en 1ère instance, à 10 ans de prison ferme. Arrêté par l'armée américaine en Afghanistan en 2002 et accusé d'appartenance au réseau Al-Qaida, il a été remis l'année dernière au Maroc par les autorités américaines. Agé de 19 ans, il était le plus jeune détenu de la base américaine. L'association Annassir, qui soutient les détenus islamistes et ceux de Guantanamo, appelle pour sa part, à ce que la possibilité soit donnée aux détenus marocains, de prendre la destination de leur choix après leur libération. Plusieurs ex-détenus de Guantanamo transférés au Maroc depuis 2002, ont été jugés devant le tribunal anti-terroriste de salé pour «appartenance à une bande criminelle dans le but de préparer et de commettre des actes terroristes» et «non dénonciation de crimes portant atteinte à la sûreté de l'Etat». Certains ont écopé de cinq ans de prison, comme Mohamed Slimani, acquitté en appel et qui avait été condamné en première instance en novembre 2006. Mohamed Ouâli et Najib Houssaini, ont vu leurs peines de première instance réduites de trois ans de prison ferme à un an de prison avec sursis et une amende de 1000 dirhams chacun. La Cour a retenu contre eux l'accusation de «falsification de document administratif» alors qu'en première instance, ils avaient été condamnés pour «constitution de bande criminelle». Selon Me Sebbar, les Marocains de Guantanamo sont poursuivis par le code pénal et non par la loi antiterroriste. Selon le directeur général de l'organisation, Amnesty International section Maroc, Mohamed Sektaoui «Guantanamo n'est que le sommet de l'iceberg d'une chaîne de lieux de détention secrets que la CIA gère à travers le monde, appelée les prisons noires. 70 000 personnes se trouvent dans ces lieux depuis 2002. Même les enfants ne sont pas épargnés : quatre sont toujours détenus à Guantanamo». 3questions à Me Abderrahim Jamaï* «L'Etat marocain doit assumer ses responsabilités» La Gazette du Maroc : Après la libération de 15 ex-détenus marocains à Guantanamo, il reste encore trois Marocains au camp Delta. Que représente aujourd'hui pour vous cette situation ? Il y a encore trois Marocains à la prison de Guantanamo. Cela signifie que l'Etat marocain ne fournit aucun effort pour leur libération. Il aurait fallu que le Maroc demande aux Etats-unis de lui remettre les détenus avec des accusations précises, ou qu'ils soient jugés selon les règles du jugement équitable, en leur garantissant le droit à la défense. Après des années, certains ont été extradés vers le Maroc, d'autres, on ne connaît toujours pas leur sort. Je pense qu'il y a une responsabilité de l'Etat marocain au niveau du droit humanitaire et du droit international. Le mode de transfert des détenus Marocains de Guantanamo est souvent critiqué. Ils ne sont déclarés qu'après avoir passé un certain temps au secret ? C'est l'objectif même de la création de la prison de Guantanamo, celui de ne laisser aucune trace des exactions. Tous les détenus extradés au Maroc ne sont connus qu'après avoir transité par le centre de Temara. Leurs familles ne connaissent leur arrivée, qu'après avoir été déférés devant un juge anti-terroriste. Les question qu'on se pose sont les suivantes : Sur quelle base ils ont été déférés devant un juge ? Y-a-t-il un dossier d'accusation ? S'agit-il d'un dossier d'accusation transmis de Guantanamo ? Toutes ces questions demeurent ambiguës. Seuls les services de sécurité savent de quoi il s'agit vraiment. Sur quelle base, les détenus transférés de Guantanamo sont jugés au Maroc, sachant qu'ils ont déjà passé des années à Guantanamo ? Ils sont poursuivis par la justice marocaine pour des actes que le tribunal ignore. La majorité des informations sont transmises par les américains aux services de sécurité marocains. Il n'existe aucune source d'information. En tant qu'avocat, j'ignore comment la justice marocaine peut vérifier des accusations de faits qui se sont déroulées ailleurs. Il n'y a pas d'enquête ou de témoin. Tout ce qu'il y a comme base d'accusation, est un dossier ambigu. Je pense que la justice et le pouvoir politique, ont une responsabilité morale conçernant le sort des Marocains de Guantanamo. Les Marocains de Guantanamo Les identités et la nationalité des détenus qui ont été arrêtés par centaines sur les routes d'Afghanistan ou à Tora Bora en 2001 et qui ont été placés dans le centre de Guantanamo, ont été révélées depuis 2006. Parmi eux, sept Marocains encore détenus à l'époque, il s'agit de : Younès Chekkouri (de Safi), Saïd Boujaâdiya (Casablanca), Mohamed Belmoujane (Casablanca), Lahcen Ikassrin, Ahmed Rachdi, Abdellatif Nasser (Béni Mellal) et Tarik Dergoul (Casablanca). Les huit autres, connus depuis leur extradition au Maroc par les autorités américaines sont : Abdellah Tabarak, ex-employé de la RATC (régie autonome de transport en commun), Mohamed Ouzar, Ibrahim Benchekroun, Redouane Chakouri et Mohamed Mazouz qui avaient été extradés en août 2004. Najib Lahssini, Mohamed Ouali et Mohamed Souleimani Alami, eux, ont été extradés en février 2006.