Le phénomène est loin d'être nouveau, mais cette fois-ci, la violence est montée d'un cran. Juguler au plus vite ce mal qui frappe de plein fouet notre football, et dans la foulée, sauver toute une ville et rassurer une population traumatisée, vœu pieu ou volonté réelle ? Le point sur les mesures qui vont être prises. Prenant la parole en premier, Mokhtar Bekkali Kacimi, gouverneur, directeur des affaires générales à la wilaya du Grand Casablanca, a commencé par dresser un tableau plutôt sombre et particulièrement navrant sans oublier, au passage, de louer les efforts déployés par les forces de l'ordre, sans lesquelles, le bilan aurait été, de loin, plus affligeant. «Combien nous aurions aimé nous retrouver dans une ambiance de fête au lendemain du Derby pour ne citer que les points positifs, mais malheureusement ces agissements sont venus tout gâcher», déplore Bekkali. Et pourtant, ajoute-t-il, rien n'a été laissé au hasard, du côté des services de l'ordre et des mesures préventives qui avaient été prises bien avant le match. Il a rappelé, à cet effet, que, selon son directeur, le Complexe Mohammed V devait être fin prêt pour abriter cette rencontre ce qui est indiscutable par ailleurs. Des réunions avaient été tenues afin de définir les responsabilités. Celle de la Fédération Royale marocaine de football comme celles des deux clubs concernés. C'est ainsi que l'on a insisté sur le nombre de billets à mettre à la disposition du public et qui ne devait pas dépasser, tout au plus, 50.000. On aura dépassé les 60.000. Et à ce niveau, il y aurait bien des responsabilités à redéfinir. Et quand on se représente les fuites et les resquilles de tout genre, on peut se faire une idée sur l'encombrement à haut risque qui a sévi, ce jour là, au stade, dans les gradins et tout autour. Les forces de l'ordre, a tenu à préciser l'intervenant, n'ont rien à se reprocher. Il est même allé jusqu'à les gratifier d'un éloquent 10 sur 10, contre «une note négative» pour les deux clubs. Indemnités ridicules Elles étaient sur pied, le jour du match, de 7 heures du matin jusqu'à 21 heures, voire plus, a-t-il rappelé, avant d'ajouter un montant attristant, bien que ce soit le devoir qui les oblige. De toute la manne engendrée par le Derby, elles n'ont eu droit, en tout et pour tout, qu'à 50.000 dirhams d'indemnités, pour les 5000 éléments qu'elles comptaient, mobilisés, qui plus est, pour le seul évènement. Il y a plus navrant. Les 106 éléments de la Protection civile qui, ont eu fort à faire, surtout avec ces fumigènes qui fusaient de partout ont dû se partager la fabuleuse somme de …1504 dirhams. Il n'y a surtout pas d'erreur dans les chiffres. C'est bien mille cinq cents dirhams. La seule différence, c'est qu'on n'a pas voulu avoir l'idée de donner le micro à quelqu'un qui devait les représenter pour qu'il dise ce qu'il en était. Pour ce qui est des fameux fumigènes que nos stades ne connaissaient pas, il y a peu, les policiers en ont confisqué huit à l'entrée, mais ce sont plus de deux cents, selon Bekkali, lui-même, qui ont été utilisés à l'intérieur du stade où leur vente aux deux clans aura été florissante atteignant même 180 DH, la pièce, alors que leur prix de départ était de 120 DH. C'était, a-t-on pu constater, des associations censées être d'encouragement et de soutien pour les équipes en jeu qui était derrière ce commerce d'objets aussi dangereux qu'illicites. Il est d'ailleurs question que les autorités s'intéressent à ces associations de plus près, de par leur statut comme de par leur fonction, a-t-on promis lors de la conférence. Pourquoi pas une fouille systématique à l'entrée ? «C'est tout simplement impossible», se désole le préfet de police du Grand Casablanca, arguant que pour une fouille de 15 secondes par spectateur, on aurait alors retardé l'accès au stade d'une quinzaine de jours. L'idéal, poursuit Mustapha Mouzouni, serait que la police soit présente un peu partout, ce qui aurait alors nécessité le déploiement de pas moins de 20.000 membres, un effectif non disponible en l'état actuel des choses. Le bilan dressé fait part d'un mort, cet adolescent écrasé le matin du match, sous les roues du bus, qui devait le transporter au stade, de 24 blessés dont 4 dans un état grave, de la détérioration de 230 sièges et de services sanitaires du stade et, bien sûr, de l'endommagement conséquent de quelque 120 bus de la société «Mdina Bus», surtout, qui se serait plus «exposée» que d'autres concessionnaires ayant préféré mettre leurs véhicules à l'abri. On a procédé à l'arrestation de 27 suspects, dont 16 mineurs, qui auraient été pris en flagrant délit. Et comme l'ont tristement constaté les services de police, les casseurs n'ont pas attendu le début ou la fin du match pour sévir. Ils s'en étaient pris à quelques bus et autres voitures de particuliers, dès le matin. Associations complices L'instruction du dossier reste ouverte pour que les arrestations soient étendues à d'autres responsables de ces troubles, surtout que l'instauration du système de télé surveillance dans le stade a permis d'obtenir des images vidéo et des photos précises dans ce sens. Représentant la FRMF, son premier vice-président et président du Groupement national de football (GNF), a rappelé quant à lui, que la télé surveillance est désormais possible au complexe Mohammed V à Casa et au Complexe Moulay Abdallah à Rabat, en attendant qu'elle soit généralisée à d'autres stades du pays, grâce aux caméras installées aux frais de la Fédération qui entend contribuer ainsi à la lutte contre la violence et qui a d'ailleurs organisé, avec le GNF, une campagne de sensibilisation qui avait concerné toutes les régions du Maroc. «Malheureusement, se désole-t-il, on constate aujourd'hui que l'on est bien loin d'avoir atteint l'objectif visé». Il a néanmoins fait appel à la collaboration de tous, la presse en tête, pour que cessent ces actes qui n'ont rien à voir avec les valeurs du sport. Il faut dire, par ailleurs que les vœux pieux n'ont jamais rien arrangé. Lors de ladite campagne de sensibilisation, il y a eu de beaux discours et des échanges qui se voulaient fructueux, comme il y a eu des propositions qui se voulaient concrètes, mais les apprentis hooligans, n'étaient pas là pour écouter et encore moins pour se laisser convaincre. Et même parmi les responsables présents, il y en avait qui oubliaient,le jour du match, tous les prêches et recommandations. Aujourd'hui que la violence est tristement revenue à la charge, il y a de fortes chances de voir, enfin, mises en exécution, des mesures qui sont trop longtemps restées à l'état de vœu pieux. Citons à cet effet la pénalisation du port de certains objets (fumigènes ou autres), ou de celle consistant à établir des fiches pour les fauteurs de trouble qui doivent être interdits de stade, comme cela se fait dans bien d'autres pays. De même que l'on doit soutenir les victimes de cette barbarie afin qu'elles se constituent en partie civile et qu'elles soient dédommagées pour le préjudice subi. Le Complexe s'est servi, à juste raison, dans les recettes du match pour réparer les dégâts subis. Qu'en est-il de tous les autres ?