Un mort, des dégâts inouïs, une ville tranmatisée, le derby est à nouveau sanglant. Le Hooliganisme est devenu un fait national et les décisions prises ne sont pas encore à la hauteur. Il y a deux ou trois ans, les associations de supporters des deux clubs Casablancais avaient fait un gros travail d'encadrement et le derby s'était bien passé, on avait alors crié victoire trop tôt. C'était méconnaître le problème et fermer les yeux sur ses origines profondes. La réouverture du stade Mohammed V devait être l'occasion d'une fête sportive, cela s'est terminé dans le drame sanglant que l'on sait. Les « événements » ont commencé au stade, totalement dévasté, et se sont terminés dans les quartiers, puisque un décès a eu lieu à Sidi Bernoussi ! Raconter que c'est le fait d'une minorité de pré-adolescents mal éduquée est ridicule. Les supporters ne vont plus au stade pour s'offrir des poussées d'adrénaline et savourer un spectacle, rarement au rendez-vous par ailleurs, mais pour sortir leur rage, leur violence. Le matin, en quittant leur quartier pour se rendre au stade, ils le font en bandes menaçantes, occupent la chaussée, endommagent les voitures et promettent la géhenne à l'adversaire, si par hasard ils rencontrent une bande aux couleurs rivales, c'est le début de la castagne. Ces règles sont devenues immuables, ce qui a poussé la police à déployer des moyens ahurissants le jour des matchs, le long des boulevards. Casa est en état de siège le jour du match. L'exemple anglais Les dirigeants du foot refusent de voir que l'environnement de leur sport a pourri. Parce que Casa n'est en première page que par l'effet de taille, cela se passe partout ailleurs de la même manière peut-être même en pire, les plus violents étant les supporters des FAR. Cependant, le problème ne concerne pas uniquement les gens du foot. Cette violence, apparemment gratuite, est la fille indigne des problèmes sociaux. Elle ne s'exprime pas seulement autour du football, la plus grande religion du monde et sûrement le plus beau des sports. Ainsi, il suffit de regarder des bagarres des enfants dans les rues. Auparavant, un coup de tête et un croc en jambe désignaient le vainqueur avant qu'un «grand» n'intervienne et impose la réconciliation. Aujourd'hui, ils sont armés de pierres et de couteaux et la bagarre s'étend rapidement aux deux familles. La violence urbaine est un fait nouveau au Maroc, bien réel et qu'il faut analyser en profondeur. Il faut le faire avant que les cités ne disparaissent au profit de la jungle. En Angleterre, le hooliganisme a été identifié comme lié aux résultats néfastes de la restructuration industrielle et du thatchérisme. Le monde du foot, acculé après le drame du Heysel a pris le taureau par les cornes. Aujourd'hui le public anglais est presque aussi correct que celui de l'opéra. Les prix des places sont les plus chers en Europe, les stades sont pleins parce que le spectacle est de qualité. Les clubs ont mis le paquet sur la sécurité en relation avec la police. Ce sont les clubs qui payent le système de surveillance coûteux mais dissuasif. La police fait le reste, c'est-à-dire son boulot. Pour en revenir à Casablanca, les riverains du stade souffrent le martyr, ils doivent cacher leur voiture, baisser les stores et vivre la peur au ventre chaque jour de foot. La solution Bouskoura Plusieurs commerces ont mis la clé sous le paillasson, en particulier une coiffeuse pour dames dont les jours d'affluence sont ceux du foot et un club billard qui devait refaire sa vitrine chaque semaine. Parce que le hooliganisme est appelé à perdurer, le stade Mohammed V doit être fermé. Il n'est pas possible de gérer ce phénomène avec un stade en milieu résidentiel, ni de demander à la police de raccompagner chaque supporter jusqu'à chez lui. Le Raja et le WAC y laisseront sûrement leurs chances de remporter des titres, une source de financement et même des sponsors. Un nouveau stade était prévu dans la région de Bouskoura. Le projet a été abandonné après l'échec de la campagne 2010 et les terrains cédés aux spéculateurs immobiliers. Pourtant, c'est vers ce genre de solution qu'il faut se diriger. L'Idéal serait que les deux clubs trouvent un financement et montent un stade commun. Dans l'ordre actuel des choses c'est chimérique. Par contre le Conseil de la ville peut même en faire une opération bénéficiaire s'il vend le stade actuel et s'approprie des terrains en dehors du périmètre urbain. Dans les autres villes, le problème est sécuritairement gérable pour le moment. Il faut cependant, et de manière claire responsabiliser le club. La FRMF a infligé au Raja et au WAC un match de suspension chacun. C'est ridicule face à l'étendue des dégâts et démontre que le problème n'est pas pris au sérieux. La justice n'a pas non plus la main lourde avec ceux qui sont pris. Le Hooliganisme a des racines profondes d'où la nécessité de la prévention, mais la répression est aussi nécessaire pour que le foot redevienne un spectacle familial et non une émeute dominicale.