Présentation du programme gouvernemental En vertu de l'article 60 de la Constitution, le Premier ministre, Driss Jettou, a présenté devant les deux chambres du Parlement le programme que son gouvernement compte appliquer dans les cinq années à venir. Ce programme a été conçu de telle sorte qu'il puisse incarner les valeurs du projet démocratique et moderniste dont les jalons ont été posés par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Dans la soirée de jeudi 21 novembre, soit trois semaines après la constitution de son gouvernement, Driss Jettou devait présenter le programme de son gouvernement devant les députés et les conseillers du Parlement. Ce programme peut être appréhendé à deux niveaux : Jettou a confirmé les grandes orientations de l'Etat et défini une nouvelle approche dans la gestion des affaires publiques. Les choix politiques Le programme gouvernemental tel que présenté par le Premier ministre a souligné l'attachement aux grandes orientations de l'Etat dans les domaines politique et culturel. Driss Jettou a tenu à confirmer les grandes orientations politiques de l'Etat tant sur le plan interne qu'externe. En ce qui concerne la politique interne, le programme a insisté sur le choix de la Monarchie constitutionnelle démocratique et sociale qui implique la poursuite de l'édification de l'Etat de droit et des institutions et l'élargissement de l'espace des libertés individuelles et collectives y compris la liberté d'expression et d'opinion. C'est dans ce cadre qu'intervient la libéralisation du secteur de l'audiovisuel. Or, parmi ces libertés, il y a surtout le droit à l'appartenance politique qui implique le renforcement du pluralisme politique. Mais ceci ne pourra s'appliquer que si la nouvelle loi sur les partis est adoptée, si les lois électorales sont révisées et si la réforme de la justice se poursuit. Parallèlement, ce sont les institutions sécuritaires qui sont appelées à se développer et à se moderniser. Les orientations politiques insistent aussi sur la nécessité de conduire une véritable politique de décentralisation et de déconcentration. Dans ce cadre, le Souverain avait considéré que la régionalisation constituait un choix stratégique. A cet effet, le programme rappelle les positions de principe du Maroc au sujet de la question de nos provinces sahariennes en soulignant son appui à la solution politique préconisée par le plan de James Baker qui prévoit une large autonomie de ces provinces dans le cadre de la souveraineté nationale. Sur le plan de la politique extérieure, le programme a rappelé les principales constantes des affaires étrangères qui évoluent sur six dimensions : • La dimension islamique : à ce niveau, le Maroc demeure attaché à toutes les questions qui intéressent la défense des droits des Musulmans. • La dimension arabe : le Maroc réitère son soutien inconditionnel à la cause palestinienne et au droit inaliénable du peuple palestinien d'édifier son Etat démocratique avec pour capitale Al Qods et se positionne contre toute opération militaire visant l'Irak qui est appelé à respecter les résolutions onusiennes. • La dimension maghrébine : le Maroc demeure mobilisé pour l'édification du Maghreb arabe uni qui est un projet stratégique et ne ménagera aucun effort pour dynamiser les structures de l'UMA. • La dimension euro-méditerranéenne : les pays du pourtour méditerranéen sont appelés à mener une politique de compréhension mutuelle pour des raisons géostratégiques. • La dimension internationale : le Maroc œuvre toujours pour la sauvegarde de la paix internationale. Les choix culturels Les choix culturels renvoient à la question de l'identité. A partir de là, le programme gouvernemental a exposé les orientations de manière claire et ce à deux niveaux : l'Islam et l'amazighité. • le programme souligne les constantes de l'Etat qui sont l'attachement à l'Islam, à la Monarchie et à l'intégrité territoriale. Mais pour ce qui est de l'Islam, le programme a souligné que la religion constitue l'une des principales constantes de l'identité nationale qui est basée sur la modération et la tolérance, de même qu'il a insisté sur l'importance du rite malékite. • En ce qui concerne l'amazighité, le programme gouvernemental s'est engagé à déployer les efforts nécessaires pour poursuivre la politique tracée par Sa Majesté le Roi dans le sens du renforcement de la culture amazighe qui est une composante essentielle de l'identité marocaine. Définition des priorités Le programme gouvernemental définit une nouvelle méthodologie de gestion des affaires publiques qui s'articule autour de deux principes : définition des priorités et politique de proximité. Le programme de Driss Jettou a défini les quatre priorités qui se sont dégagées du discours du Souverain prononcé à l'ouverture de la session d'automne du Parlement. Ces priorités sont : l'emploi productif, le développement économique, l'éducation et l'habitat. A travers ces priorités, il apparaît que la politique économique et sociale s'accapare la part du lion dans le programme gouvernemental. Pour ce qui est de la politique économique, il faut relever deux axes : • La modernisation et le renforcement des infrastructures, comme préalable à tout développement économique. • La mise à niveau du tissu économique et des entreprises. Pour ce qui est de la politique sociale, le programme a défini les secteurs d'activité prioritaires notamment la dynamisation du pacte de l'éducation et de la formation pour aboutir à un enseignement productif qui réponde aux besoins du marché du travail. Il y a également l'épineux problème de l'habitat qui nécessite la construction de 100 mille logements par an. Et bien évidemment, la question de l'emploi et la lutte contre le chômage. Dans ce cadre, Jettou décline la solution sociale de ce fléau et préconise à ce que la lutte contre le chômage soit liée à la croissance économique et à l'encouragement de l'investissement. La politique de proximité Le deuxième principe sur lequel s'articule la nouvelle méthodologie est la proximité. Ce principe devra évoluer dans deux sens : • Le programme gouvernemental ne peut être appliqué sans l'adhésion de plusieurs composantes de la société. En d'autres termes, Jettou appelle à une mobilisation générale des énergies pour que les Marocains reprennent confiance. Le préalable à cette mobilisation est et demeure le sentiment de tout un chacun de voir ses besoins essentiels pris en compte. Dans ce cadre, Jettou a souligné l'importance du développement du monde rural, de la généralisation progressive de la couverture médicale et de la modernisation des transports. De même que la participation et l'engagement des Marocains n'aura de sens que si des catégories spécifiques y trouvent leur compte. Il s'agit des femmes tout particulièrement qui attendent avec impatience la révision de la Moudawana pour une plus grande justice et équité sociale. Les entrepreneurs ne sont pas en reste puisque Jettou a promis de tout mettre en œuvre pour l'adoption définitive du nouveau code de travail et de la loi instituant et codifiant le droit de grève. Bien entendu, la pierre angulaire de l'édifice de proximité est constituée par la réforme de l'administration qui doit être plus proche et plus ouverte envers les citoyens. Dans ce sens, c'est toute une politique de réhabilitation des ressources humaines et l'instauration d'une nouvelle culture administrative qui sont requises pour que les services rendus aux citoyens soient au niveau des attentes. Mais globalement, il faut dire que le programme gouvernemental s'articule sur deux aspects fondamentaux qui sont, d'une part le caractère irréversible des choix démocratiques et d'autre part l'urgence du développement des infrastructures économiques et sociales. Cependant, ces deux aspects versent dans le sens de l'attachement aux valeurs religieuses et culturelles qui ont de tout temps façonné l'identité marocaine.