Maintenant que le Parlement a clôturé sa session du printemps, une question se pose : A quoi sert la deuxième Chambre ? Pour contrer les multiples attaques contre leur institution, les Conseillers s'activent et les syndicalistes pensent créer un groupe travailliste. Le Parlement a baissé le rideau. La session d'avril a finalement été achevée, en début de semaine. Dans la Chambre des Conseillers, la séance de clôture, mardi, a été présidée par le vice-président Mohamed Fadili (Mouvement populaire), en présence du Premier ministre, Driss Jettou, et de plusieurs membres du gouvernement. A cette occasion, Mohamed Fadili a présenté le bilan de l'action de la Chambre au titre de cette session, qui était «qualitativement et quantitativement riche sur le plan des projets et propositions de lois examinés». Le traitement des textes de loi (au nombre de 27 au total) a nécessité un effort considérable, notamment en termes de rapprochement des positions de la majorité gouvernementale et de l'opposition, a-t-il précisé, citant, parmi les textes les plus importants, les lois relatives à la déclaration du patrimoine, à la fiscalité des collectivités locales et à l'échange électronique des données juridiques. Et pour cause, de véritables bras de fer acharnés ont été livrés par les groupes parlementaires toutes tendances confondues, d'une part, et le gouvernement d'autre part. M. Fadili a, par la suite, mis en relief, le rôle de contrôle que la Chambre a assumé au cours de cette session, notamment à travers les questions orales et écrites, adressées au gouvernement, précisant que les ministres ont répondu à 223 questions orales, dont 59 d'actualité, sur un total de 322, et à 26 questions écrites, sur un total de 47. De même, les groupes et les commissions parlementaires, ont été actifs durant toute cette session, à travers l'organisation de journées d'études pour débattre des questions d'actualité et des dossiers ayant trait aux textes soumis à l'examen de la Chambre. Toujours est-il, que malgré la richesse des textes adoptés, la session d'avril a été caractérisée par un grand questionnement : «A quoi sert la Chambre des Conseillers». Cette deuxième chambre doit-elle être maintenue ? Tout au long de l'année 2007, les Conseillers ont œuvré à ce que leur Chambre soit un véritable «passage constitutionnel» et non, comme le soutiennent ses détracteurs, «une simple boîte aux lettres». En témoigne la «résistance» qu'ils ont manifestée à l'égard de la tenue d'une session extraordinaire quelques semaines avant l'ouverture de la session d'avril. Les Conseillers ont estimé que le gouvernement a décrété cette session extraordinaire pour des raisons purement électoralistes. C'est le cas, disent-ils, de la loi sur la déclaration de patrimoine. Raisons politiciennes Au sein de la commission de la Justice, les Conseillers ont même menacé de ne pas l'adopter, avant que le gouvernement ne présente un texte similaire, concernant les ministres eux-mêmes. Des tensions qui ont retardé l'adoption du projet de loi et poussé le Premier ministre à intervenir auprès des chefs de partis de la majorité, pour arrondir les angles. La même résistance a eu lieu lors de la discussion de la proposition de loi, relative au métier d'avocat. Adopté par la Chambre des Représentants, le texte a été freiné au sein de la deuxième chambre pour des raisons, apparemment, purement politiciennes. Le parti de l'Istiqlal refusant «cette fleur» à son allié socialiste, l'USFP. Ceci a poussé certains membres de la première Chambre, à considérer la Chambre des Conseillers comme «un frigo» de textes de lois. En clair, un texte déposé dans la deuxième chambre, risque la congélation, tellement le rythme de travail des Conseillers est lent. A cela s'ajoutent les déclarations répétées des différents chefs de partis politiques, notamment ceux de la majorité, qui considèrent la disparition de la Chambre des Conseillers, comme une «priorité» dans la future réforme de la Constitution. Des leaders comme Abbas El Fassi (Istiqlal) ou Mohamed Elyazghi (USFP) ou encore Mohand Laenser (MP), n'ont eu de cesse de critiquer le bicaméralisme marocain. Ils ont même promis de supprimer cette deuxième chambre, en activant le Conseil Economique et social. Celui-ci est prévu dans la Constitution, mais il n'a jamais été créé. Le Conseil Economique et Social peut être consulté par le Gouvernement ou le Parlement sur toutes les questions à caractère économique ou social. Il donne son avis sur les orientations générales de l'économie nationale et de la formation. La composition, l'organisation, les attributions et les modalités de fonctionnement du Conseil Economique et Social, doivent être déterminées par une loi organique. Face à cette menace sur l'avenir de la deuxième Chambre du Parlement marocain, la réaction des Conseillers, les premiers concernés, ne s'est pas fait attendre. Ainsi, une réunion a eu lieu cette semaine entre tous les groupes syndicaux. «Nous avons examiné les multiples attaques dirigées contre la Chambre des Conseillers, et la menace réelle qui pèse sur la survie de cette institution constitutionnelle», a déclaré à La Gazette du Maroc, Khadija Ezzoumi, membre de la deuxième chambre sous l'étiquette de l'UGTM. Celle-ci assure qu'une lettre dans ce sens a été adressée au cabinet royal, ainsi qu'à l'ensemble des partis politiques. En clair, «il n'est pas question de sacrifier la chambre des Conseillers». Mieux encore, les centrales syndicales, notamment, l'UMT, la CDT, la FDT, l'UGTM et l'UNTM ont avancé une idée originale : la création d'un groupe travailliste au sein de la Chambre. C'est une manière intelligente de contrer les attaques répétées contre leur institution.