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Prison centrale de Kénitra : Jibril Lhaj Ascenseur pour l'échafaud
Publié dans La Gazette du Maroc le 25 - 06 - 2007

Le numéro d'écrou 25859 purge une peine de 30 ans de prison pour un double meurtre aggravé d'une troisième accusation de tentative d'assassinat. Deux cadavres, un garçon et son père, plus un troisième individu qui a été sauvé. Pour Jibril Lhaj, «c'est un complot» ourdi par un gendarme qui lui « en voulait à mort ». Le motif est toujours le même dans ce type d'affaires : une bagarre à propos d'une femme et la haine s'installe entre deux hommes. Jibril Lhaj affirme qu'il en paie le prix fort. Evidemment, il se bat et son avocat prend son affaire à cœur, sauf que pour démêler l'écheveau d'un tel crime, il va falloir un souffle de marathonien pour remonter les faits, trouver des témoins, faire « éclater la vérité » au grand jour comme Jibril l'a promis à tous les siens.
Sous la chaleur lourde du mois d'août, un jeune homme donne ses poignets, et les gendarmes lui mettent les bracelets. Et l'année 1998 restera gravée, en lettres de feu, dans chaque parcelle du corps de Jibril Lhaj. Un jeune homme natif (il est né en 1971) de Oulad Si Bendaoud, pas loin de Machraâ Ben Abbou, descendant de la tribu des Ouald Bouziri, dans la région de Settat, voit son destin pendre une pente pour le moins étrange. Double meurtre, un troisième corps que l'on sauve in extremis, des accusations qui, pour les gendarmes, ne souffrent pas l'ombre d'un doute. Et le jeune homme ne sait pas encore que son sort sera scellé en partance vers la prison centrale de Kénitra où il doit purger une peine sans fin.
Le vendeur de mouton et la fille de joie
«J'ai grandi dans le bled avec mes parents. Je n'ai jamais été à l'école. Je n'ai fait que traîner d'un champ à l'autre et c'était une belle vie. À l'époque, je ne savais pas que j'étais peut-être l'être humain le plus heureux sur terre, mais aujourd'hui, ici, dans cette prison, je donnerai le reste de ma vie, pour une seule journée au milieu des miens, dans un champ.» Oui, une vie simple, de parfait campagnard, happé par le travail des champs. La vie sans tracas d'un jeune homme au contact de la terre, guidé par son père, subjugué par l'amour que ses aïeux vouent à chaque grain de cette terre rouge qui leur donne et qui ne demande jamais rien d'autre en retour que le respect. Jibril grandit à l'abri de tout, protégé, mais libre. Libre de gambader dans les prés du bon Dieu. Libre de mêler sa sueur à celle des autres gosses du bled. Libre de courir à perdre haleine. Libre de jouer, d'inventer, de remplir son rôle de berger en attendant la venue d'une belle bergère pour filer le grand amour sur les pentes d'Oulad Bouziri.
«Je ne voyais pas la vie ailleurs. Je n'ai d'ailleurs jamais voyagé avant de grandir et là mon père m'avait placé avec des gens pour vendre des moutons. Je suis allé dans d'autres villages, j'ai rencontré d'autres jeunes, j'ai vu d'autres bleds, et là, j'ai ouvert un peu les yeux ». Jibril découvre que le monde ne se résume pas à sa parcelle de terre, là où son père avait pris la sainte habitude de piocher pour faire jaillir le bon fruit. Non, le monde est vaste, très vaste ; on peut traverser d'autres contrées, voir des paysages, laisser son regard se perdre dans l'immensité du vert, boire à la source de cette beauté nourricière, et se laisser vivre, sans accros. Et comme le voyage forge son homme, Jibril découvre aussi qu'il a un corps, qu'il peut s'en servir, que c'est son outil pour aimer la terre, les gens, le bétail et cette ombre qui se profile au loin, celle d'une fille à qui il ouvre son cœur.
L'âge où le cœur dicte ses lois
«J'ai rencontré cette fille et je voulais faire ma vie avec elle. Elle, aussi, était prête à se marier. Non, ce n'était pas une histoire pour passer du temps. Moi, j'avais du travail. Je vendais les moutons partout dans la région et même plus loin. Je pouvais me marier, avoir ma maison, près de mon père et de ma famille ? Je savais que je pouvais lui donner ce qu'elle voulait, et elle me faisait confiance. Mais il y avait un grand problème auquel je ne m'attendais pas du tout. » Classique. Comme dans une bonne majorité des histoires d'amour, il y a ce grain de sable qui vient érailler le bon cours de cette machine à aimer et à créer des sentiments. Jibril avait beaucoup rêvé. Et d'un coup, un jour, il est confronté à plus fort que lui. D'abord le poids de l'inattendu, ensuite l'impossibilité de faire en sorte que le destin change de direction : «Tout allait bien jusqu'au jour où un gendarme est venu me voir pour me menacer de ne plus avoir affaire avec la fille que j'aimais. Je ne savais pas comment agir devant cet homme. Je crois que j'ai perdu tous mes moyens. Un gendarme, dans un bled, cela fait peur. J'avais peur de lui. Peur de ce qu'il pouvait me faire. J'ai essayé de lui expliquer, mais il était en colère et il m'a bien dit que je pourrais le payer cher. Je suis rentré chez moi, et j'en ai parlé à mon père qui m'a conseillé de mettre mon destin entre les mains de Dieu et de laisser cette fille tranquille. Je lui ai dit que c'est ce que j'allais faire, mais très vite, je suis allé voir la fille ».
Jibril était rongé par le doute. Un double doute, du reste. Le gendarme et ses menaces, la fille et le gendarme. «J'ai couru vers elle et je lui ai demandé de me dire si elle avait une relation avec le gendarme. Elle m'a juré que non et qu'elle aussi avait peur de lui. C'est là que j'ai vu rouge. Ce type menaçait ma vie parce qu'il était gendarme ! Non, je n'allais pas me laisser faire. J'ai continué à voir la fille que j'aimais, malgré ses menaces, mais un jour, je me suis fait prendre par lui ». Apparemment, selon Jibril, les menaces ont pris corps.
Et c'était là le premier cercle de la perdition pour le jeune Jibril qui ne savait pas encore qu'il avait affaire à plus fort que lui.
Premier séjour en taule
L'année 1996 présageait de ce qui allait se passer deux ans plus tard. Jibril Lhaj est écroué à deux reprises. Une fois à Ben Ahmed, une deuxième fois à Settat. Il s'en tire à bon compte chez le juge. Pas de preuves, Jibril est innocent. « Je savais que c'était lui qui me collait toutes ces affaires sur le dos. Le gendarme avait juré devant beaucoup de gens que j'allais finir en prison. Il a essayé deux fois, et grâce à Dieu, deux fois, je m'en suis sorti. Des affaires de vol où il n'y avait pas la moindre preuve contre moi. Son but était de me coller un motif pour que je lui laisse la place, mais il n'a pas réussi. Et la fille était toujours avec moi pour me soutenir dans ces moments très difficiles.
Parfois, elle me disait, parce qu'elle avait peur, de laisser tomber et de partir à Casablanca ou à Marrakech pour que le gendarme m'oublie. Mais, je lui répondais que je ne pouvais pas fuir devant cet homme.
Non cela aurait été la honte de ma vie, de m'enfuir et de lui laisser la femme que je voulais épouser». Deux passages donc devant les juges, et toujours cette «grâce de Dieu» qui sauve la peau de Jibril. Mais pour combien de temps? La partie de bras de fer était bel et bien engagée. Plus de mystère sur la confrontation de deux hommes pour le cœur d'une femme. Plus de doute que Jibril était dans le collimateur, pointé dans le viseur du gendarme. Mais quel dénouement était-il possible dans ce type d'histoire ? Qui va abdiquer le premier ? Qui va payer à la place de l'autre ? Qui aura le dernier mot ?
«Mon père avait très peur et m'avait demandé de partir lui aussi. Mais je lui ai expliqué que ce n'était pas la meilleure chose à faire. Que si c'était mon destin, j'allais le vivre, mais comme je ne fais rien de mal, je mets mon Destin entre les mains de Dieu qui m'a protégé jusque-là ».
Les parents avaient raison de nourrir de mauvais pressentiments. Les amis dans le village savaient aussi que le gendarme était plus coriace et que Jibril pouvait y passer. La fille, elle, n'avait aucun doute que son homme était déjà perdu, mais ne savait pas encore comment le dire.
Chacun sa croix
Août 1998. Un double meurtre a lieu à Machraâ Ben Abbou. Les gendarmes sont sur les lieux du crime. Horrible spectacle, et pas encore de suspect. Mais pas pour longtemps : «Le jour même, les gendarmes sont venus me voir et m'ont passé les menottes. J'étais accusé d'avoir tué un homme et son fils et un troisième était encore en vie. Là, j'ai su que nous n'étions plus en train de jouer au chat et à la souris. Ce n'est pas une petite affaire de vol. Mon Dieu, un double meurtre et c'est moi que l'on mène aux interrogatoires. Je n'avais aucun espoir de m'en sortir.» Et Jibril avait raison de ne pas tenir à l'espoir. Aucune espérance n'était plus de mise devant deux cadavres qui désignaient un tueur et un troisième qui pourra dire, avec des mots, qui avait porté les coups. Quoi qu'il en soit, le père avait reçu un coup à la tête et le fils, poignardé, un coups de couteau. La troisième victime y avait échappé belle. Un miracle. Et au Douar Hwaytate, à Oulad Bouziri, le bruit courait déjà que Jibril Lhaj était perdu. La fille pouvait enfin mettre des mots sur ses peurs. «On m'a interrogé, Je leur disais qu'au moment où ce meurtre a eu lieu j'étais loin, en train de vendre des moutons. J'avais même un témoin, Omari Bahloul qui a parlé, mais que personne ne voulait écouter. Mon Dieu, j'ai un témoin qui dit qu'au moment où ce crime a eu lieu, j'étais avec lui, pourtant, les juges m'ont envoyé en prison sans prendre en compte les déclarations de ce témoin.» Curieux que ce témoin n'ait pas été pris au sérieux. Un individu qui jure et atteste que le présumé meurtrier était avec lui au moment où un double meurtre s'opérait ailleurs. C'est ce que l'on appelle un excellent alibi. Rien à faire. Selon Jibril, «le gendarme avait tout fait pour que je plonge. Et là, il a réussi, pas pour un vol, mais un double meurtre. C'était sa vengeance, et j'étais perdu. En une journée, je n'avais plus ni passé ni avenir. La fille que j'aimais, je l'avais perdue comme j'ai égaré ma vie avec mes parents. Je n'attendais que le moment de retrouver la prison, comme si je l'avais attendue sans le savoir, mais aujourd'hui je me bats et je vais continuer avec mon avocat à travailler pour que la vérité éclate au grand jour».


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