On aura bu le calice jusqu'à la lie et le « calvaire » des temps modernes et de leur insolente cohorte de concepts brillants se poursuit à grande échelle. Management participatif, stratégique opérationnelle, intégrale, démocratique, de proximité, par projet, par objectifs, Total Quality et j'en passe. Les choses se compliquent bougrement dans un monde où la tendance à la fanfaronnade, est plus accusée que la recherche effective d'efficience. Mieux vaut en rire avec cette histoire à ne pas prendre trop au sérieux. Un grand coach de la place, ne pensait pas si bien dire en préconisant aux managers marocains, de ne pas se prendre trop au sérieux. Et l'humour et l'ironie sont souvent des atouts de conduite managériale, nettement plus efficaces que les vieilles habitudes moulées dans des personnalités préfabriquées, dont les comportements sont formatés au millimètre près. Le constat est implacable dans les pays en voie de développement. Des dirigeants parlent plus volontiers qu'ils ne s'appliquent à agir, en donnant l'exemple. Si bien, que si les adeptes du management «bleu», à l'occidental, purs et durs, impitoyablement rationnels et farouchement pragmatiques se sont acharnés à envahir les rouages de la productivité industrielle et de la compétitivité des services sur la rive d'en face, les tenants du management «vert», à l'oriental, fielleux et tendres, philosophes et poètes, émotifs et impulsifs, se montrent rêveurs impénitents et dirigeants d'humeur en «squattant» les administrations. Dans les deux cas de figure, c'est l'imparfait que reste aux commandes : l'exploitation capitaliste sauvage des forces de travail dans l'hémisphère nord et le recours éternel aux transferts de connaissances et de technologies dans l'hémisphère Sud. Pourtant, ce n'est pas sorcier de tenter de mettre en pratique une définition simple et commune du management, qui se veut la gestion la plus correcte possible des organisations et des groupes, pour atteindre des objectifs déterminés. Retard d'un siècle à combler Il faudra commencer par remonter la pente, non pas dans la manipulation des concepts occidentaux, mais dans l'éducation et la formation à la déontologie du bon manager. Un retard d'un siècle à combler, mais mieux vaut tard que jamais, depuis les balbutiements de l'organisation scientifique du travail, chère à l'Américain Frederick Taylor, dont les techniques de production à la chaîne ont été à l'origine de la prospérité économique de la première puissance mondiale, avant l'effondrement boursier et la grave crise de superproduction des années 30. Dans le même temps, en France, l'ingénieur Henri Fayol s'attacha à définir les premières règles de pilotage managérial, qu'il résuma dans la formule PODC: Planifier, Organiser, Diriger et Contrôler. C'est au début du XXe siècle, que Max Weber intervient dans la définition du management. Ses idéaux des sciences de gestion apparaissent en France vers la fin des années 1970, début les années 1980. Elles regroupent notamment la gestion des ressources humaines, la stratégie d'entreprise, la finance ou le marketing. Elles combinent des approches à la fois déductives (à partir de postulats théoriques que l'on teste, on produit des outils de gestion et on modifie la théorie) et inductives (à partir d'une observation de la réalité managériale, on tente de comprendre les dysfonctionnements d'une organisation par exemple). Depuis, diverses théories ont défilé, toujours en occident, pour être maladroitement transposées ailleurs et couvrant différents aspects ayant trait au marketing, gestion des ressources humaines, stratégie d'entreprise... Quelques travers à éviter Le Management stratégique polarise ses interventions sur les domaines prioritaires de la Concurrence économique, la stratégie de l'entreprise et la gestion et la maîtrise des risques. Le Management opérationnel traite principalement les questions liées à la performance de l'organisation, les meilleures pratiques de gestion, l'administration des processus, la logistique, l'efficience budgétaire… Le management des ressources humaines est orienté vers l'amélioration des facultés créatives, le management participatif, les stimulants et les valorisants, la résolution des conflits de travail, l'évaluation, la formation et la promotion de la culture du changement. D'autres théories mettent en avant les composantes du Management du produit et des ressources techniques, la démarche qualité, la qualité totale, le management des ressources financières, le management des relations clients et fournisseurs et, enfin, le management de projet. Alors pour être le plus performant possible, nos managers devraient se prêter à l'exercice d'éviter les concepts de «labyrinthologie» comme étude de la complexité des circuits et de la répartition des attributions dans l'administration publique et la «comitologie», science de l'imbrication des commissions qui demeurent le meilleur moyen de noyer la solution à un problème. Top manager et Ingénieur Dialogue de sourds N'en croyez pas un mot, mais cette histoire drôle n'est pas dépourvue de bon sens pour ceux qui savent tirer les bonnes leçons. Surtout, quand les protagonistes du haut de l'échelle pensent tout savoir sans rien donner. Quant la communication dérape…, voilà le fin mot de cette séquence choisie pour meubler votre humour et titiller votre réflexion. Un individu éprouve des difficultés, à bord de sa montgolfière, pour se localiser. Il demande, en se rapprochant de la femme qui est au sol : • Excusez-moi ! Pouvez-vous m'aider ? J'ai une heure de retard au rendez-vous promis à un ami, car je ne sais plus où je me trouve. • Vous êtes dans la nacelle d'un ballon à air chaud, à environ 10 m du sol. Vous vous trouvez exactement à 49°, 28' et 11'' Nord et 8°, 25' et 58'' Est, répondit-elle. • Vous devez être ingénieur ? s'exclama l'aérostier. • Je le suis, en effet. Comment l'avez-vous deviné ? • Eh bien, tout ce que vous m'avez dit à l'air techniquement parfait, mais je n'ai pas la moindre idée de ce que je peux faire de vos informations et, en fait, je ne sais toujours pas où je me trouve. Pour parler franchement, vous ne m'avez été d'aucun secours en aggravant le retard de mon voyage. • Mais, dit-elle, ne seriez-vous pas un «top manager» ? • Tout à fait, acquiesça l'homme avec fierté. Comment avez-vous fait pour le deviner? • Elémentaire, mon cher. Vous ne savez ni où vous êtes, ni où vous allez. Vous avez atteint votre position actuelle en chauffant et en brassant une énorme quantité d'air. Vous avez fait une promesse sans avoir la moindre idée comment vous pourriez la tenir et vous comptez maintenant sur les gens situés en dessous de vous pour qu'ils résolvent votre problème. Votre situation avant et après notre rencontre n'a pas changé, mais comme par hasard, c'est moi maintenant qui, à vos yeux, en suis responsable ! Moralité de l'auteur qu'il ne faut surtout pas prendre au sérieux : ne confondez surtout pas généralité et spécialité, théorie et pratique, vitesse et précipitation, ne vous montrez pas plus brillant qu'efficace. Sachez écouter, apprenez à communiquer et ne faites pas cavalier seul.