Où va l'immense fortune des pays du Golfe. Difficile de le savoir avec exactitude, puisque les Etats du Golfe ne se montrent pas disposés à donner des chiffres officiels. Il faut y aller de conjectures en estimations pour reconstituer l'immense puzzle. Il n'y a aucun crime, mais le mystère des milliards de pétrodollar est digne d'un roman de Sir Arthur Conan Doyle, [ndlt, le célèbre écrivain écossais, auteur de romans mettant en scène le détective Sherlock Holmes]. Grâce à la flambée des prix du pétrole, les coffres des pays du Golfe explosent. Entre 2002 et 2006, les six pays du Conseil de coopération du Golfe (Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie Saoudite et Emirats Arabes Unis) ont cumulé environ 1.500 milliards de dollars en exportations pétrolière, deux fois plus que pendant les cinq années précédentes. Près de 1.000 milliards de cette somme ont servi à l'importation. Le reste, soit un excédent cumulé du compte courant de l'ordre de $542 milliards est allé à l'étranger. Mais où ? La réponse est une affaire de curiosité avide, en particulier parmi les fonds alternatifs qui font de grands paris sur les actifs financiers internationaux. Avec la Chine, les Etats du Golfe sont les contreparties qui financent l'énorme déficit de l'économie de l'Amérique. La diminution de leur appétit pour des actifs en dollar, peut faire dégringoler le billet vert et faire augmenter les taux d'intérêt américains. Les gestionnaires des fonds alternatifs, essayent de suivre des pétrodollars, pensant qu'ils sont susceptibles d'être plus volatils que d'autres sources de liquidité globale, telles que les réserves des banques centrales asiatiques, et ne semblent pas disposés à dormir tranquillement dans des placements américains. Ils sont également susceptibles d'être fortement volatile avec les investissements dans les fonds alternatifs et les fonds communs de placement. C'est un jeu intrigant d'estimation. Les pays du Golfe eux-mêmes ne fournissent pratiquement aucune information, ainsi toutes les évaluations doivent être faites de sources étrangères. Lors de sa réunion annuelle récente à Athènes, l'Institut de la Finance Internationale (IFI), un groupe mondial des banquiers, s'est essayé à un tel travail de détective financier. Ses analystes ont commencé par des statistiques éditées, comme celles fournies par l'Américan Tresury's International Capital System, qui fournit des informations sur les détenteurs étrangers de valeurs américaines, la Bank for International Settlements, la banque pour des règlements internationaux, qui donne des chiffres sur les dépôts dans les filiales de banques étrangères et la base de données de Bloomberg sur les fusions-acquisitions dans le monde. Ces sources font apparaître environ 260 milliards de dollars de flux capitaux du Golfe au cours des cinq dernières années, ou environ 48% de l'excédent cumulatif du groupe des six pays. Cette demi-image donne plusieurs pistes. Les investisseurs du Golfe sont moins attirés par les dépôts dans les banques. Ils sont de grands acheteurs d'actions et de bons du Trésor américains. Et, ils sont de plus en plus, des acheteurs directs d'entreprises étrangères, en particulier européenes. Pour trouver les 280 milliards de dollars restants, l'IFI recourt à la conjecture fondée. Il croit qu'une grande part est susceptible d'être investie aux Etats-Unis. Les chiffres du Trésor n'incluent pas des bons ou des actions achetés par des intermédiaires étrangers, telles que des banques d'affaires basées à Londres. Ils minimisent donc la part des Etats du Golfe, peut-être à pas moins de 100 milliards de dollars durant les cinq dernières années, estime l'IFI. Une partie de l'excédent reste sur le marché domestique à croissance rapide pour le soukouk, un instrument de financement halal, qui ne permet pas le paiement d'intérêt. Environ 21 milliards de dollars en soukouk ont été annoncés en 2006, soit une hausse de 46% par rapport à l'année précédente. L'IFI estime qu'environ 100 milliards de dollars, ou 20% de l'excédent de cinq ans, sont allés en Europe, servant à acheter aussi bien des obligations et des actions que des entreprises et de l'immobilier. Encore 60 milliards de dollars ont pu aller en Asie, où les exportateurs arabes de pétroles permettent d'investir tant dans des projets d'infrastructure que l'immobilier et l'acquisition de sociétés. Traduction : Mar Bassine Ndiaye Cet article parait la même semaine dans la Gazette du Maroc et dans The Economist The Economist Newspaper Limited, London, 2007.