Selon le ministre des Affaires islamiques, le dialogue politique et sécuritaire avec les détenus islamistes ne devrait pas être du ressort des Oulémas marocains. Le ministre des Habous et Affaires islamiques, Ahmed Taoufiq, a lancé un pavé dans la mare. S'agissant de l'idée d'ouvrir un dialogue avec les détenus islamistes, le ministre, qui répondait à une question orale posée par la députée du PPS, Nouzha Skelli, a estimé, en filigrane, que les Oulémas marocains ne sont pas les personnes idoines à mener à bien ce dialogue. Ceci peut paraître, de prime abord, comme une dissonance gouvernementale, puisque Chakib Benmoussa avait déclaré au cours du mois de mai dernier, que l'idée d'entamer une discussion avec la mouvance salafiste n'était pas exclue. Et pour cause, lors d'une émission organisée par la chaîne Al Jazeera, il y a quelques jours, le cheikh de la confrérie boutchichia, Cheikh Mustapha Ben Hamza, également président du Conseil des Oulémas d'Oujda, a exclu tout dialogue entre les Oulémas, d'une part, et les extrémistes takfiristes d'une autre. Les premiers sont des savants et des experts dans la doctrine islamique. Quant aux seconds, ce sont tout simplement des «énergumènes» prêts à user de la terreur pour faire entendre leurs voix. En fait, le ministre des Affaires islamiques a adopté, devant les membres de la Chambre des Représentants, la même attitude que celle de Ben Hamza. Précisant que l'expérience égyptienne était totalement différente du contexte marocain, Ahmed Taoufiq a laissé entendre que le rôle des Oulémas devrait se contenir à l'orientation et la formation religieuse des citoyens. En clair, le côté sécuritaire ne les concerne pas. 3 Questions à Abderrahim Mouhtade (*) «Le dialogue est une nécessité» Que pensez-vous des dernières déclarations d'Ahmed Taoufiq ? Personnellement, je pense que le dialogue est une nécessité. Toutefois, il doit être dans l'intérêt des deux parties, l'Etat et les détenus. Je pense que le ministre des Affaires islamiques devait faire preuve de courage en allant dans le sens du dialogue. Selon vous qui doit dialoguer avec qui ? C'est une importante question. D'un côté, nous avons l'Etat, la société civile avec toutes ses composantes en partis politiques et associations de défense des droits de l'homme ainsi que les Oulémas. Et d'un autre côté, nous avons les prisonniers avec toutes leurs sensibilités : les takfiristes, les anciens afghans, les modérés… C'est un véritable dilemme, car certains d'entre eux refusent carrément l'idée de dialogue. Que proposez-vous ? Je pense que le dialogue doit être lancé entre l'Etat et une minorité de détenus, à leur tête Abou Hafs, le seul prisonnier qui brise le silence et capable de mobiliser les autres détenus. (*) Président de l'association Annassir des familles des détenus islamistes