L'ANRT mène le jeu En faisant une entrée fracassante dans le secteur des télécommunications, le droit de la concurrence a ouvert le chemin vers l'éclosion du numérique. Le monopole de l'opérateur historique Maroc Telecom ne fait plus recette devant le déferlement d'entrants potentiels. Dans cette configuration, la mission d'un régulateur comme l'ANRT est de mener le jeu de la concurrence dans l'intérêt de la collectivité et pour l'efficience du marché. Si la concurrence pure et parfaite est une vue de l'esprit, peut-on parler de concurence tout court dans le secteur des télécommunications? Au lendemain de l'entrée en vigueur de la loi 6-99 relative à la liberté des prix et de la concurrence, la question semble prendre de l'ampleur et donner du fil à retordre. Si tant et bien que ce secteur s'est illustré dans un passé récent par sa position monopolistique. Aujourd'hui, l'horizon se dégage devant d'autres entrants dans le secteur dans une configuration où la logique de compétition reprend ses droits. Ce qui n'exclut pas dans la pratique l'omnipotence d'un opérateur historique comme Maroc Telecom qui modélise sciemment ses coûts pour s'adguger à loisir des parts de marché plus substantielles. Sous d'autres cieux également les barrières à l'entrée font recette et les comportements de prédation sont monnaie courante. Les entrants potentiels sont mis à rude épreuve, échaudés par des prix d'interconnexion qui les empêchent de collecter leur part de marché. Le symposium organisé par l'ANRT dans le courant de la semaine dernière a été la tribune idéale pour recueillir les réactions à chaud des intervenants qui s'évertuaient à éclairer d'une lumière crue la question de la mise en place d'une concurrence saine et loyale dans le marché des télécommunications. Pour Ahmed Khaouja, directeur Evaluations et Concurrence à l'ANRT, l'introduction du droit de la concurrence dans un pays n'est pas une sinécure, ni même le droit qui régit l'action du régulateur sectoriel, notamment les télécommunications où par certains aspects la complexité est de mise: l'interconnexion, le service universel, la gestion des ressources rares, les fréquences, la numérotation... Du reste plusieurs configurations de concurrence sont monnaie courante au sein du secteur. Nous avons ou une concurrence directe et linéaire entre réseaux similaires: le cas du service GSM en est la parfaite illustration puisque le duopole Maroc Telecom-Médi Telecom offre ce même service, ou bien une concurrence entre réseaux de téléphonie différents (GSM et fixe), ou même une concurrence en amont du marché, où l'ANRT par exemple devait trouver un attributaire de la licence GSM et mettait donc cette ressource rare à la merci des compétiteurs en amont avant même l'introduction du deuxième opérateur. Il faut dire que si la concurrence dans sa version pure et parfaite, flanquée de ses corollaires (atomicité et homogenéité du marché, transparence, libre accès au marché) n'a pas droit de cité. Le droit de la concurrence milite à tout le moins pour des marchés pertinents qui, en fait, donnent de meilleurs résultats en termes d'efficience que les marchés parfaits. Le droit de la concurrence aux Etats-Unis a été le détonateur vers l'éclosion de cette efficience. Son instauration a créé la déréglementation des télécoms qui a favorisé le marché du numérique à travers les fusions et les ententes d'où le besoin ressenti cette fois en aval du droit de la conncurrence pour réguler un marché qui a trop tendance à se concentrer par le jeu des pratiques anticoncurrentielles. Et la boucle est donc bouclée dans l'intérêt de la collectivité et de l'efficacité économique. Egalité des chances contre prédation Au Maroc, le monopole naturel se justifiait amplement pour les Télécoms et l'introduction de la concurrence avant 1980 devait être conçue comme étant contre-nature. Normal, la technologie ne s'y prêtant guère, tout ce qui relevait de l'analogique ne permettait pas l'interconnexion. Il aura fallu attendre le progrès des sciences des télécoms pour prétendre à la connexion de réseaux d'opérateurs différents dans un même pays. Aux Etats-Unis, la FCC, l'équivalent de l'ANRT, a dû essuyer un échec en établissant d'entrée de jeu une réglementation de l'interconnexion. L'avènement du numérique a donc fait table rase du monopole naturel. Mais les bienfaits de l'introduction de la concurrence, ne s'arrêtent pas en si bon chemin, loin s'en faut. Quand on est dans une configuration de concurrence, les entreprises sont condamnées à se mettre au diapason des dernières innovations technologiques. D'ailleurs ne compte-t-on pas seulement quelques mois de décalage entre l'innovation et sa commercialisation au Maroc? La compétition joue donc résolument le rôle de rampe de lancement pour l'innovation vers sa transmission rapide. Le régulateur est perçu comme étant le meneur du jeu concurrentiel. C'est en tout cas le credo martelé par l'équipe à l'oeuvre au sein de l'Agence : "Les règles techniques en la matière sont souvent antinomiques au droit de la concurrence d'où l'importance d'une régulation rapide et efficace. La garantie d'accès doit être assurée à tout abonné quel que soit le réseau utilisé. Il faut aussi une délimitation des marchés pertinents dans un contexte d'innovation technologique permanente, le démantèlement des positions dominantes et des abus comme la prédation et les effets de ciseau (squeeze), une gestion des ressources rares comme les fréquences, la numérotation, le service universel, .. Le tout agrémenté d'une égalité des chances à garantir entre l'opérateur historique et l'entrant dans le secteur" conclut Ahmed Khaouja