Seuls la Pologne et le défunt Empire austro-hongrois partagent avec le Maroc la malédiction du dépeçage systématique et systémique. Au XIXème siècle, les frontières marocaines allaient, au sud-ouest, jusqu'à Aoulil, aux confins de Dakar ; au sud-est jusqu'à Gao, au nord-est bien au-delà de Timimoun. En ces temps-là, Tindouf se trouvait…au centre du Maroc. Créé artificiellement par l'Algérie, le conflit saharien s'inscrit dans le droit fil des assauts répétés et successifs lancés par les forces hégémoniques contre le Maroc depuis le crépuscule du XIXème siècle. Aussitôt libérée d'un joug colonial qui, au passage, l'a gratifiée de toutes sortes de « rallonges territoriales », l'Algérie prit la relève anti-marocaine au moyen d'une attitude haineuse dont les gouvernants d'Alger n'arrivent pas à se départir à ce jour. Face à un tel volume de haine, Mohamed VI a eu l'intelligence de construire un bouquet politique global destiné à riposter adroitement aux sempiternels appétits algériens et à créer les conditions d'une validation universelle de l'immunité territoriale quasi-totale du Royaume. Le projet d'autonomie élaboré par le CORCAS et soumis à l'appréciation du Roi, avant d'être mis entre les mains de la communauté internationale, constitue une pièce maîtresse du bouquet politique royal. Le Maroc s'apprête, en effet, à enfanter un modèle inédit de résolution des conflits territoriaux. L'approche participe d'une vision globale incluant toutes sortes d'outils institutionnels, géostratégiques, économiques, sociaux, politiques et culturels. À une gestion opaque et réactive, marquée du sceau de l'improvisation, a succédé un traitement multidimensionnel : meilleure maîtrise des protocoles de gestion des revendications sociales, abolition de l'exclusivisme représentatif polisarien des Sahraouis au moyen de la création du CORCAS, affinement de la gestion diplomatique du dossier, intensification de la coopération entre le Royaume et le monde subsaharien, reprise de l'initiative sur l'arène onusienne…etc. Un «discours de la méthode» Le coup de grâce fut donné par le Souverain l'année dernière. Un discours fondateur a montré la voie de sortie du traquenard algérien. «Discours de la méthode», en vérité : «Notre attachement à la marocanité de notre Sahara n'a d'égal que Notre volonté de trouver, pour le conflit artificiel suscité autour d'elle, une solution politique négociée qui confère à nos provinces du Sud une autonomie permettant à leurs populations de gérer leurs propres affaires régionales dans le cadre de la souveraineté du Royaume, de son unité nationale et de son intégrité territoriale. Les efforts que Nous ne cessons de déployer pour parvenir à une solution consensuelle et définitive, participent de notre attitude positive à l'égard des recommandations judicieuses des Nations unies et de leurs bons offices(…) Nous l'avons (l'envoyé spécial du Secrétaire général de l'ONU) assuré de la disponibilité de notre pays pour s'engager dans des négociations sérieuses et responsables et pour prendre des initiatives positives à même de conduire à un règlement juste de ce différend créé de toutes pièces, et ce, dans un esprit de confiance et de responsabilité, et suivant une vision prospective clairvoyante», asséna le Souverain. Il s'agit là d'une articulation magistrale associant à la fois : 1) Le souci de l'intégrité territoriale ; 2) La conceptualisation d'une autonomie novatrice et crédible ; 3) Le respect du droit international tel que défendu par l'ONU ; 4) Réaffirmation solennelle de la volonté sincère d'aboutir à une solution politique définitive par la voie de la négociation ; 5) La référence à une vision prospective ménageant le rêve intermaghrébin. Baroud d'honneur… Malgré les escarmouches désinformationnelles inspirées par l'Algérie, le Polisario et leurs appendices locales, la paix est revenue sur toute l'étendue des provinces sahariennes. Tifariti n'y put rien ; pas plus que les provocations préméditées de certains groupes de compatriotes originaires du Sahara. Tout cela représente-t-il plus qu'un baroud d'honneur, à l'heure des rendez-vous inéluctables imposés par la mondialisation et l'économie de marché ? Car, le conflit en question, pour être né au faîte de la guerre froide, est non seulement « périmé », mais il devient lassant pour les Maghrébins, les Nord-méditerranéens, les Américains, les Chinois et même les Russes. Que s'est-il passé en 1975, sinon qu'un véritable plan de claustrophobie forcée ait été opposé à l'identité africaine du Maroc ? Couper ce dernier de ses racines africaines revenait à l'acculer à l'obscurité civilisationnelle. Le coincer à l'est et l'isoler au sud, cela revenait à en faire un bantoustan culturellement atone, politiquement incolore et géopolitiquement insipide. Le Pays est fort de son Etat plus que millénaire, de son histoire foisonnante, de sa culture mosaïque sereinement assumée et, d'abord, des promesses de sa proximité avec l'ensemble européen. De plus, son voisinage avec l'Algérie l'accule à subir les inconvénients de la douloureuse édification de la nouvelle nation algérienne. L'Algérie des militaires en a décidé ainsi : construire l'identité plurielle de la nouvelle nation léguée par la France au moyen d'un semblant de référendum dans l'opposition au vieux Royaume du Maroc. Un saut qualitatif La parade autonomique apparaît aujourd'hui comme une voie permettant à l'ensemble des protagonistes de sauver la face. En réalité, l'autonomie interne accordée à l'espace saharien marocain représente un saut qualitatif historique quant à l'édification de l'Etat de droit marocain lui-même. Le fait même d'inscrire cette autonomie interne dans la constitution marocaine constitue une révolution institutionnelle tant dans la sphère régionale qu'au niveau continental ou arabe. Quels que soient l'ampleur, les contours et les outils politiques de ladite autonomie, elle constituera à n'en point douter un défi modernitaire pour le régime algérien lui-même et, au-delà, pour nombre de nations maghrébines, africaines et arabes. En cela, Mohamed VI aura contribué à l'éveil d'un monde sud-méditerranéen atterré par des décennies d'errances idéologiques, démagogiques et belliqueuses. L'autonomie interne du Sahara marocain aura des répercussions incalculables quant au devenir de notre région, notre continent et notre aire arabo-musulmane. C'est pour cela qu'elle mérite d'être qualifiée de révolutionnaire. Pour une monarchie qu'on disait anachronique…