2ème Sommet de la Terre Si toutes les voix s'élèvent pour fustiger le Sommet de la Terre qui, estime-t-on, s'échève en queue de poisson, Taha Balafrej, cet expert en matière d'environnement, se positionne à rebrousse-poil et démontre le bien-fondé de ce genre de méga-réunion. Amertume, arrière-goût d'inachevé, sentiment d'échec. Chacun y est allé de son commentaire pour qualifier les frustrations qui ont jalonné la clôture des travaux du sommet de Johannesburg. Sans plus distinguer dans la mêlée l'intérêt suscité par sa tenue aussi bien pour la communauté internationale que pour chaque pays pris à part. Le Maroc, comme tous les autres pays signataires de l'accord, y a trouvé son compte en dépit de tous les procès d'intention qui ont fusé de tous bords. C'est en tout cas le discours tenu par un expert de la question qui occupe au Département de l'environnement la fonction de directeur du partenariat, de la communication et de la coopération, Taha Balafrej. Et ce dernier de tempérer :“on peut dire qu'au bout de dix ans après Rio, les gouvernements sont devant un diagnostic clair, négatif et très préoccupant sur le devenir de l'humanité. Que représentent dix années soustraites à la vie de l'humanité pour appréhender d'un seul trait tous ses problèmes ?. Peu de chose probablement”. Le Plan d'action et la déclaration finale de Johannesburg constituent les principaux documents de ces assises qui se sont tenues 10 ans après celles de Rio de Janeiro, au Brésil. Tout compte fait et bien que de l'avis de nombre d'observateurs plusieurs dossiers soient restés dans les tiroirs, il faut dire que les chantiers sur lesquels Johannesburg était attendu au tournant ont été honorés. Primo, une déclaration politique a été signée qui met la balle dans le camp des gouvernements pour faire en sorte qu'au fait de l'application les conditions s'y prêtent. Et aux yeux de Taha Balafrej le Maroc doit saisir cette opportunité pour se mettre à jour sur le plan de la protection de l'environnement. Secundo, un plan d'action âprement négocié à Rio et qui est une compilation des engagements pris alors pour préserver la terre des effets funestes du développement, d'où le terme générique de développement durable. Et comme toute lutte contre la pauvreté implique l'accès à l'énergie, celle-ci y figure résolument en bonne place. Or le sommet de Johannesburg a jeté une lumière crue sur un paradoxe pour le moins étonnant : la notion d'énergie renouvelable est ambivalente à celle de développement durable. Si les conventions stipulent que d'ici 2015 tous les pays sont tenus d'avoir 10 à 20% d'énergie renouvelable, un tel postulat n'est pas sans mettre en péril les intérêts des pays producteurs de pétrole et donc la création même des richesses et le développement. Pas étonnant donc que le protocole de Kyoto suscite autant de remous. Son application implique in fine une refonte des modes de vie d'où les résistances opposées à son encontre. Johannesburg a également eu le chic de s'illustrer par une idée tout a fait inédite pilotée par les Nations Unies. Elle décrète un partenariat de type 2 associant secteur privé et société civile au processus de développement durable. Organisateurs et pays signataires se targuent d'emblée de résulats reluisants sur ce registre: on décompte quelque 200 initiatives dans le monde qui touchent aux thèmes majeurs: l'eau, l'énergie, la santé, l'agriculture et la biodiversité, qui composent le Wehab : water, energy, health, agriculture, biodiversity. Le Maroc s'est avancé pour déclarer qu'il est prêt à accueillir une rencontre internationale favorisant un partenariat de type deux pour l'une des composantes du Wehab, ce qui a été salué comme une initiative louable. Le Maroc s'est également illustré par son assiduité à tenir ses engagements à l'international en matière de développement durable. N'avons-nous pas signé neuf accords et conventions sur les douze lancés par les Nations Unies après Rio? Deuxième épreuve de force dont il faut mesurer l'ampleur : l'engagement tenu par le Maroc de faire le bilan de ses activités en matière de développement durable. Et Taha Balafrej de lancer à titre comparatif :“un tel engagement ne fait pas toujours recette. Tous les pays ne l'ont pas tenu, soit à peu près plus de la moitié du globe ”. Les subventions contrebalancent l'aideQuant à l'après-Johannesburg, l'équipe à l'oeuvre au sein du Département de l'environnement prévient contre toute attitude schizophrène. D'abord le Maroc s'inscrit dans le G77 et doit donc se départir de toute position maroco-marocaine pour prendre à bras-le-corps les synthèses qui se profilent et les compromis qui s'imposent. De même qu'on ne peut d'emblée réclamer des chiffres réalisables ou des calendriers précis. Tout au plus les engagements sont-ils mis sur le tapis et ont du moins la vertu de faire office de rampe de lancement vers le développement durable : renflouement du Fonds mondial pour l'environnement (lutte contre la désertification, préservation des ressources halieutiques, réalisation de l'objectif assigné en matière d'énergies renouvelables). Si contre toute attente le Maroc campe sur une position honorable au sein de la communauté internationale, des voix s'élèvent pour mettre à l'index le peu de moyens mis à disposition devant l'immensité de la tâche : “si l'on veut éviter tout désaveu politique des négociations il ne faut pas lésiner sur les moyens. Peut-on encore tolérer que le département de l'environnement qui suit tous ces problèmes à la fois, puisse compter moins de 100 cadres ?”s'indigne Taha Balafrej qui se rembrunit à l'évocation de la note peu réjouissante de l'aide au développement qu'il taxe de grande hypocrisie des pays de l'OCDE : “cette aide est évaluée aujourd'hui à près de 55 milliards de dollars. Or ce chiffre est sans commune mesure avec les subventions accordées par les pays riches à leurs agriculteurs, les 300 milliards de dollars par an, soit 5 à 6 fois l'aide. Si on continue sur cette voie le Malien n'aura aucune chance de rivaliser avec l'Européen, d'exporter son maïs par exemple”