Suite aux polémiques suscitées par le projet de nouveau mode de scrutin, ce dernier est toujours à l'examen et l'attitude des membres de la majorité gouvernementale est gagnée par l'incertitude. Cependant, dans la perspective de 2007, la question des alliances risque d'être plus décisive que celle des procédures électorales. La difficulté que rencontre depuis près de trois mois l'adoption par le gouvernement d'un nouveau mode de scrutin pour les élections législatives prochaines est assez révélatrice. Soumis enfin au conseil des ministres jeudi dernier, le projet reste à l'examen et on s'attend encore à des négociations et à des modifications éventuelles, cette fois au sein du parlement avant la phase d'adoption définitive. Au départ cependant le principe semblait admis d'une évolution par rapport au mode utilisé en 2002 et à tous les niveaux l'accent était mis sur la nécessité de surmonter l'émiettement du champ politique et de créer de grands poles distincts et représentatifs. Au sein de la majorité gouvernementale, seul le Mouvement populaire avait un moment rechigné en clamant sa préférence pour un retour au mode uninominal. Cependant il ne s'était pas fait longtemps prier pour rejoindre le point de vue «consensuel» d'un scrutin de liste plus sélectif. La formule qui fut élaborée au bout de longues tractations a soulevé un tollé des petits partis de gauche notamment ainsi que des divers partis de l'opposition et des groupuscules plus ou moins récents auxquels le PJD est venu apporter son aval protecteur alors que les dispositions du nouveau code ne devraient guère le gêner en principe. La raison invoquée à l'encontre de ce projet est qu'il comporte «l'exclusion» préalable de tous les partis n'ayant pas atteint 3 % des suffrages en 2002 et de tous ceux formés après cette date. Les petits partis de gauche ont protesté d'autant plus vivement qu'ils ont estimé insultante l'obligation de requérir les signatures d'au moins 100 élus, au besoin auprès des partis adversaires. Cette vive protestation des partis de la gauche «radicale» auxquels s'est joint le PPS a conféré à cette question une tournure assez inattendue. Ces partis qui se réfèrent à une histoire militante et à un apport continu aux débats politiques et idéologiques ont par cette vive réaction provoqué un temps d'arrêt, le projet n'ayant pas été présenté au conseil des ministres au début de l'été dernier. Polémiques et ouvertures Depuis il y eut une rencontre entre Fouad Ali Himma, le ministre délégué à l'intérieur et des dirigeants du Parti socialiste unifié au cours de laquelle la participation des petits partis dans le cadre d'alliances aurait été évoquée. Le ton n'est plus à la polémique ouverte avec l'USFP, celle-ci ayant au cours de son dernier conseil national décidé de «proposer une rencontre élargie des partis de gauche pour se concerter sur la meilleure formule relative au mode de scrutin». Laquelle devrait permettre de «moraliser la scène partisane et juguler les marchandages électoraux» tout en «limitant la balkanisation et en favorisant la participation des militants politiques véritables et honnêtes». Il s'agit, derrière cette formulation malaisée, d'une main tendue, Mohamed Elyazghi ayant déjà auparavant proposé la formation de listes communes aux prochaines élections. Alors que pour l'USFP le projet devait être maintenu et débattu au sein du parlement, on a vu s'opérer dans la majorité et dans la Koutla des mouvements vers un assouplissement du mode de scrutin proposé. Au lieu du seuil de 7 % des voix retenu initialement pour admettre une liste à l'attribution des sièges, on se contenterait des 5 % requis dans la loi des partis. Le PPS s'est aussi prononcé pour la suppression du seuil de 3 % (des voix de 2002) comme condition pour participer aux prochaines élections. C'est ainsi qu'après avoir été axée sur la nécessité de favoriser la formation de grands poles, la majorité et la Koutla ont buté sur la procédure concrète à adopter et, l'USFP mise à part, ne semblent guère avoir une nette conviction à ce sujet. Ceci laisserait-il mal augurer de la cohérence des alliances futures ? Il est évident qu'au-delà des aspects de procédure liés au code électoral, ce sont les questions de rapports de force et des marges de manœuvre de chaque parti qui restent déterminants. Il en découle que c'est finalement le chapitre des alliances qui devrait être davantage pris en compte. Face au PJD qui ne peut que tirer profit de la désunion et des incohérences de ses adversaire, l'ambiguïté ou l'absence d'alliances nettement définies avec des obligations claires en matière de «méthodologie démocratique» risquent d'avoir de graves conséquences pour la Koutla. Réconciliation à gauche ? Faut-il voir un signe dans le rapprochement effectué ces dernières semaines avec le PSU dont certains membres de la Koutla n'excluent plus son intégration au sein de celle-ci. Au sein de l'USFP des voix se prononcent pour une «réconciliation» avec les différents mouvements de la gauche. Ceci dans la foulée du débat sur le renforcement de l'ancrage à gauche et de la démocratie interne de ce parti. Compte tenu des risques de régression que fait peser l'ombre de l'intégrisme sur la société, peut-on s'attendre à voir la gauche surmonter ses vieilles querelles et s'engager dans des débats et des formes d'action pouvant réellement faire sens aujourd'hui ? Il est évident que cela n'ira pas sans remous ni remises en cause internes, comme l'indiquent encore les nouvelles péripéties des rapports entre direction et organisation de la Jeunesse Ittihadia ou l'annonce non encore confirmée de la naissance d'un courant qui se voudrait organisé au sein de l'USFP. Dans ce contexte, la Koutla est elle aussi au pied du mur. Elle est appelée à faire un bilan critique de cette législature finissante et à se prémunir contre la répétition des incohérences de 2002 et 2003. Une Koutla plus consciente des enjeux et des risques liés à la prochaine consultation serait moins vouée aux calculs à courte vue et aiderait à affirmer davantage un pôle d'alliance durable, qui aurait des effets structurants sur l'ensemble du champ politique. Pour surmonter ses incertitudes, la Koutla, noyau de la majorité actuelle, a besoin de cette vision autant sinon plus que d'un mode de scrutin rassurant.