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Prison centrale de Kénitra : Mankouch et les 150 dirhams
Publié dans La Gazette du Maroc le 31 - 07 - 2006

Thami Mankouch est né en juillet 1971. Le jour ? "Je ne sais pas, je ne suis même pas sûr du mois, mais c'est ce que j'ai cru comprendre par ma famille. Quoi qu'il en soit, je suis né au moment de la chaleur, donc en été.". Logique déduction qui pourrait aussi englober mai, juin, août, septembre, mais pour Thami, c'est juillet. C'est donc par les grandes chaleurs à Drissia, quartier populaire à Casablanca qu'il a vu le jour de son père Mohamed et sa mère Fatna. A Drissia, aujourd'hui, on ne se rappelle pas beaucoup de lui, juste un vague souvenir d'un gamin qui a quitté le quartier très jeune. De la famille, rien de plus à dire : "des gens normaux, comme nous tous, pauvres aussi, mais sans trop de problèmes". A l'âge de six ans, Thami et sa famille larguent les amarres. Finis le quartier et les copains de première heure, finies l'insouciance et la joie de vivre. Il y a l'école qui l'attend et un nouveau derb, moins sympathique que l'autre, moins familier, moins hospitalier. La famille Mankouch débarque à Hay Lalla Meryem. Dans le tas, il y a Thami et ses frères et sœurs Mohamed, Noureddine, Brahim, Fatéma et Abderrahim. Les aînés de Thami ne sont pas plus heureux que lui : ce changement de décor n'était pas le bienvenu et surtout la promesse de l'école qui pointait du nez faisait glacer les veines au futur écolier. "Je n'ai jamais aimé l'école. Je ne supportais pas les cours de classe, les leçons et toute l'ambiance. J'aimais sécher les cours très tôt parce que je n'étais pas fait pour ça. Je n'avais aucune envie de faire des études. Bien sûr, on m'a frappé, on m'a fait ma fête parce que je n'allais pas à l'école, mais c'était plus fort que moi". Il ira pourtant sur les mêmes bancs de l'école au nom très encourageant : Lebrarek (les bidonvilles). Et son calvaire ne fait que s'accentuer, prendre de l'ampleur. Thami est aux abois, il ne sait pas comment dribbler, jouer avec la vigilance d'une mère très à cheval sur les études de son môme et qui rêve pour lui d'un avenir brillantissime. Lui, de son côté, n'a que faire de cet avenir. "Et qu'est-ce qu'ils ont fait tous ceux qui ont fait des études ? Rien. Absolument rien. Je les vois chômer et faire les cents pas dans le derb. Ils ne sont ni docteurs, ni ingénieurs. Je savais dès le début que je n'irai pas loin parce que je n'étais pas fait pour aller loin dans les études. Maintenant, je pense que toutes ces années à l'école étaient perdues. Il aurait mieux valu les exploiter dans autre chose, un métier fiable sur lequel on peut s'appuyer pour vivre".
Nous sommes tous seuls
L'école Lbrarek est un très mauvais souvenir. Aujourd'hui, personne ne se souvient d'un élève dénommé Thami. Non, absolument personne. C'est à croire que Thami nous a sorti un gros mensonge. Pourtant il y a été, il a eu des notes catastrophiques et d'autres moins médiocres. Il s'est bagarré plus d'une fois avec des copains, il y a fait les quatre cents coups, bref, Thami a eu son lot de vie d'écolier avec tout ce que cela suppose comme frustration, humiliation, coups de pieds au ventre, pensums, engueulades, gifles…etc. Il faut dire qu'il en garde aujourd'hui un très mauvais souvenir. Il revient souvent sur cet épisode de sa vie avec amertume et une colère ravalée.
A l'école, il était turbulent, très porté sur les querelles. De vieux collègues de classe, aujourd'hui désoeuvrés, hitistes invétérés, se souviennent d'un gamin très coriace qui ne se laissait jamais faire : "Il était dur. Il n'acceptait pas qu'on lui fasse un coup. Même dans le jeu, lors d'un match de foot, il était très nerveux et aimait intimider et donner des coups". Pour un autre acolyte de ses années oubliées, Thami était un garçon vindicatif, capable de tout pour rendre un coup : "Il ne fallait pas lui tourner le dos. On ne savait pas à quoi on pouvait s'attendre. Quand il était en rogne, il pouvait frapper fort et pleurer avant celui qui avait reçu le coup". Joueur, il l'était, mais très mauvais perdant. Il lui arrivait de retenir sa rage, mais si l'occasion se présentait, il savait remettre le coup en rappelant à son "ennemi" qu'il n'avait pas oublié, mais juste laissé le temps passer pour mieux savourer la revanche. Lors des matchs de foot, il était littéralement une teigne, pas très bon joueur, il palliait son manque de technique par une hargne qui a marqué un peu ses anciens coéquipiers. Il évitait l'école et allait traîner aux alentours, à la recherche d'une occupation qui soit en parfaite adéquation avec ses affinités électives. Il vivotera d'une année à l'autre sans jamais faire d'effort, loin à l'arrière du train de la classe. Il arrivera comme par miracle au CM2. "Je ne sais pas comment, mais j'ai fait ce que je pouvais et puis je n'attendais que le moment de partir parce que je voulais faire autre chose. Alors j'ai commencé par apprendre la menuiserie et j'ai très vite su que j'étais doué. C'est pour ça que je dis qu'il ne fallait pas perdre tout ce temps à l'école pour rien". Thami est du genre coriace, il n'en démordra jamais : l'école est une grosse bêtise. C'est comme ça et rien ne lui fera changer d'avis. Quand on lui dit que ça l'a aidé tout de même pour prendre les mesures, noter les chiffres, les téléphones des clients, il répond : "mais j'aurai appris tout cela sur le tas sans aller à l'école. Il y a tant de gens qui n'ont jamais fait d'études dans leur vie et qui se débrouillent pas mal.". Oui, on n'a pas besoin d'aller à l'école pour apprendre à tenir une scie, faire des mesures et se rappeler du nom d'un client. Oui, c'est vrai. Pourtant, un métier et quelques rudiments scolaires, c'est encore mieux, mais Thami ne cèdera pas d'un poil.
Le grand voyage
"J'ai essayé de tenir dans la menuiserie, mais il a fallu pour des raisons personnelles changer de métier, j'ai donc appris la ferronnerie. Mais là non plus ça n'a pas duré. J'ai été obligé de revenir à mon premier métier". Il a été écrit quelque part que Thami devait être charpentier. Il ne construisait pas des maisons en bois, mais passait très vite pour un homme doué, un maâlem. "Oui, mais même quand tu es très doué et que tu as le métier dans le sang, il faut accepter de rester apprenti toute ta vie si tu n'as pas les moyens d'ouvrir ton propre magasin". C'est là que Thami fulmine, laisse entrevoir sa rage, sa volonté d'en découdre avec le mauvais sort. Il en veut au monde, le gamin humilié à l'école parce qu'il était incapable de faire une bonne soustraction, le gosse frustré de voir d'autres avaler des cahiers entiers alors que lui butait immanquablement sur les mêmes lettres. Le mécontent voulait prendre sa revanche sur la vie, les gens, les autres mômes. Mais l'argent manquait, le nerf des affaires, l'assise, le capital. "Je n'avais pas d'argent pour voler de mes propres ailes. J'ai accepté de passer d'une échoppe à une autre, de voir des maâlems incapables se remplir les poches alors que j'effectuais tout le travail. Bien sûr que j'étais mal, bien sûr que j'en voulais à la vie et au sort. Mais je me suis laissé faire, je n'avais pas le choix, jusqu'au jour où j'ai décidé de quitter Casablanca". Thami part alors pour le Nord après avoir partagé la vie de plusieurs menuisiers de la ville blanche qu'il ne porte pas dans son cœur. Mais avant ce voyage, il faut dire que ce n'était pas là une décision émanant d'une volonté de changer de décor. Non, Thami y était aussi obligé. Il venait de purger une peine de prison à Oukacha pour vol. Oui, en 1992, il est accusé par une femme dans la kissaria de Hay Mohammadi de lui avoir subtilisé son portefeuille. "C'était fou. Je roulais sur ma moto quand une femme m'a sauté dessus en hurlant que je lui avais volé son sac. Je n'ai jamais rien pris et j'étais certain de m'en sortir. Quand les policiers sont venus alors que la foule nous encerclait, je leur ai dit de me fouiller et s'ils trouvaient de l'argent sur moi ou quoi que ce soit appartenant à cette femme de m'embarquer séance tenante. Ils m'ont fouillé, ils n'ont rien trouvé, pourtant j'ai été emmené au commissariat et j'ai écopé de six mois de prison que j'ai passés à Oukacha". Evidemment, Thami est très en colère en rappelant les faits de cette sombre histoire de femme folle qui lui a mis la perte de son sac sur le dos, lui qui était là de passage, pauvre innocent, la tête dans le vent et l'esprit tranquille ! Il jure ses grands dieux qu'il n'a jamais volé cette femme. Pourtant, les faits l'avaient confondu et les témoins avaient dit ce qu'ils avaient vu ce jour-là. La bonne femme aussi était très catégorique. C'est lui qui lui a pris le sac et personne d'autre. Il était sur sa moto, il roulait, il y avait un autre avec lui, ils ont tiré le sac, l'un des deux s'est fait la belle et Thami est resté comme si de rien n'était. Classique. Prévisible. C'est ce qui a fait que les policiers n'avaient pas beaucoup de mal à boucler l'affaire.Thami fait son séjour à Oukacha avec d'autres repris de justice, d'autres voleurs à l'arraché, des drogués, des violeurs et autres variétés humaines sur la carte du crime. C'est là qu'il parachève son amour pour les joints. L'herbe, le kif, la bonne odeur d'une première qualité introuvable ailleurs sinon dans les couloirs d'Oukacha. Le séjour était dur si l'on en croit les dires de Thami : "je n'avais rien fait et je me suis retrouvé au milieu d'une affaire où j'étais innocent. C'est là que j'ai compris que ma vie était perdue".
Chefchaouen, dernière escale
Thami sort de prison et ne peut plus retrouver son vieux boulot. Il tourne en rond. Surtout qu'aux autres soucis de la vie venait s'ajouter un goût très prononcé pour la bonne fumette. "J'ai essayé de retrouver du boulot, mais ma réputation était noircie par les racontars des uns et des autres. J'étais Thami le voleur et personne ne voulait travailler avec un voleur". Thami pique une légère crise, le menton collé à la cage thoracique très amaigrie, le regard noir et les pommettes saillantes donnaient à son visage un air diabolique. Il arrive à Beni Hmad, un village pas très loin de Chefchaouen où il trouve un menuisier qui le prend à l'essai. Très vite, le Bidaoui fait ses preuves, montre de quoi il est capable. Alors il est embauché, mais la vie ne lui plait pas : "je suis parti de Casa pour l'argent. Je suis arrivé là-bas et je me suis trouvé obligé de trimer encore pour que d'autres se remplissent les poches. J'étais malheureux. Il m'arrivait de temps à autre de pousser le pied vers la montagne, dans la région de Ketama pour changer d'air". Ketama, la belle Ketama, la généreuse qui guérit le mal et repose la tête. Thami aimait fumer, rouler des joints, se payer des aller simples pour le Nirvana. Ketama, les champs d'herbe étaient à deux pas, il fallait juste se mettre en état pour aller boire à la source du bonheur. Thami, lui, nous dira qu'il n'a jamais été attiré par Beni Hmad à cause de l'herbe. Non, c'est par hasard qu'il est arrivé là-bas entre deux montagnes, tout près des joints roulés et attendant qu'on les fume. Quoi qu'il en soit, si c'est vraiment le hasard, Thami a une sacrée dose de chance de jeter l'ancre là où il aurait aimé vivre, loin de la ville, du derb, des têtes connues, des pannes de fric, des engueulades et tout le reste. Il restera six ans à Beni Hmad, pourtant là-bas, il ne compte aucun ami. "C'est normal, j'ai changé de maâlem souvent, alors les gens t'en veulent pour ça. Evidemment aucune des personnes avec lesquelles j‘ai travaillé ne parlera en bien de moi". C'est en partie vrai ce qu'il dit, mais il est incroyable qu'il n'y ait pas une seule personne à avoir un bon souvenir de ce Bidaoui qui a travaillé pendant six ans sans jamais se lier d'amitié avec personne. Tout allait bien pourtant, malgré le changement de cadre, les sorties vers la montagne et les quelques nuits de noces improvisées au dernier moment. De cela, Thami ne voudra jamais parler. C'est à croire qu'il a passé six ans dans le Nord, aussi chaste qu'un moine tibétain.
Le 17 janvier 2003
Les gendarmes débarquent dans la maison de Thami et lui passent les menottes. Il ne bronche pas, se laisse faire et c'est plus tard qu'il dira qu'il est innocent. Thami est convaincu que ce qu'il dit est la vérité, sa vérité et ceci l'arrange. Pourtant il y a une autre vérité qui a plongé toute la région de Chefchaouen dans une psychose sans nom. Beni Hmad, patelin paumé du Nord se réveille un matin avec le bruit qui court à propos d'une famille, que l'on dit juive, qui a été massacrée par des tueurs. "Oui, les gens au début parlaient de plusieurs tueurs qui sont venus d'un autre village pour dévaliser cette famille. Mais très vite, le bruit a circulé que c'était le menuisier qui avait tué tout le monde", se souvient un homme du coin qui s'est rappelé de la dégaine du Bidaoui. Thami nie tout cela en bloc. Il dit que lui aussi avait entendu parler pendant trois jours de ce crime et qu'il était resté dans le village, certain de son innocence. "Si j'avais fait quoi que ce soit, je me serais tiré très vite pour ne pas me faire prendre. Pourtant, je suis resté et j'ai attendu jusqu'à ce que les gendarmes soient venus me prendre". Ce que Thami ne dit pas, c'est qu'il était appelé à travailler chez cette famille. Il est venu, il a fait ce qu'il devait faire, mais il avait cette certitude que l'argent pouvait régler tous ses problèmes. Oui, le même argent pour lequel il en voulait à tous ceux avec qui il a bossé et qui se remplissaient les poches alors que lui trimait comme un damné. Il repère le coup, l'étudie et revient après pour une réparation. Et c'est là que la famille est surprise par un assaillant qui liquide tout le monde à coups de couteau. Cinq cadavres, homme, femme, enfants et grand-mère. "Quand on m'a arrêté, j'avais 150 dhs en poche. De quel argent s'agit-il alors ?" Mais ce qu'il oublie encore, c'est que le coup aussi macabre, aussi horrible soit-il, ne lui a rapporté que 150 malheureux dirhams. Et c'est cela le comble de la misère. Tuer toute une famille pour une misère. Thami n'y a vu que du feu. Il est enragé de s'en tirer avec un aussi maigre butin. Pourtant, il ne peut pas partir du village. Son départ éveillera les soupçons. Alors, il fait semblant, écoute les bruits qui courent dans le village et ne se doute de rien. Pour lui, il n'y a pas de témoins, donc personne ne le prendra pour ce quintuple meurtre. Alors il vit sa vie, faisant semblant d'être surpris par ce crime odieux. Dans le village, on se souvient : "c'était lui, tout le monde l'a compris. Il avait l'habitude de rôder là et de demander qui étaient ces gens. Et un jour il a eu la chance d'aller faire une bricole. C'est là qu'il a décidé de faire ce qu'il a fait. Mais les gens disent qu'il a volé beaucoup d'argent, toujours caché quelque part, ici dans le village ou dans la montagne". Les gendarmes n'avaient pas eu beaucoup de mal d'en tirer tout ce qu'il savait. Thami finit par tout avouer et l'affaire est close. Pourtant, aujourd'hui encore les gens racontent l'histoire de ce jeune bidaoui qui a massacré une famille pour une grosse somme d'argent qu'on n'a jamais retrouvée. Thami, lui, insiste sur le fait qu'il soit resté dans le village, trois jours après l'affaire : "j'aurais pu partir, je ne l'ai pas fait". Remords, regret d'avoir cru qu'il allait s'en tirer ? Impossible de savoir. Reste que le crime, il le porte comme toutes ces dizaines de cicatrices qu'il a sur les bras. Des balafres alignées comme des coupures soigneusement infligées dans des moments de grand Nirvana. Il aura beau nier, jurer, il sait que les cinq têtes sont là tous les soirs à lui demander des comptes. Mais lui ne sait pas que cette autre cicatrice a pris sa place au milieu des autres scarifications de sa vie pour toujours.


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