En cette période estivale, réservée, en principe, au repos des sportifs après une saison souvent harassante, l'actualité reste largement dominée par des “faits” qui n'ont rien à voir avec l'exploit réalisé sur une aire de jeu puisque ces «coups d'éclat» portent, hélas, atteinte à l'esprit sportif et à l'éthique. Et le sport se serait bien passé de ce genre de commentaire grave et destabilisateur car personne ne sort gagnant de ce jeu de démolition. Vauvenargues, brillant et redoutable moraliste du XVIIIè siècle résumait superbement cette tendance des hommes à la perfidie : “C'est un malheur que les hommes ne puissent d'ordinaire posséder aucun talent sans avoir quelque envie d'abaisser les autres”. Ce ravalement de l'élite marocaine a eu lieu par deux fois dans le domaine de l'athlétisme non pas par un canal venu d'ailleurs mais par une voix respectée jusque là du pays, c'est-à-dire un sportif du cru et qui plus est, un symbole même de cette discipline disposant d'un statut planétaire. Les accusations de dopage du grand champion Hicham El Guerrouj à l'encontre des autres athlètes de son pays ont provoqué un vrai séisme dans le milieu des coureurs sans parler du malaise du public prenant pour argent comptant les propos du chef de file de l'athlétisme national. Plus grave, El Guerrouj a interpellé autorités et instances sportives nationales à ouvrir une enquête pour les acculer à sévir, c'est-à-dire à prendre des sanctions contre les tricheurs qui ternissent l'image de l'athlétisme marocain. Si aucun nom n'a été cité par le champion du 1.500 m, les allusions précises et répétées n'ont trompé personne sur la véritable identité du coureur visé et cela pour une raison fort simple : hormis Brahim Boulami qui vient de pulvériser pour la seconde fois le record du monde du 3.000 m steeple, aucun autre athlète marocain ne s'est signalé depuis l'effacement de tous les autres !… Et c'est vrai qu'en dehors de ces deux ténors aucun autre coureur marocain ne brille plus sur la scène internationale. On peut s'interroger sur les motifs et mobiles réels de cette brusque sortie d'El Guerrouj qui discrédite l'ensemble de l'athlétisme marocain au moment où cette discipline, déjà engluée dans d'inextricables problèmes dès le retour à la légalité de sa Fédération, n'avait nullement besoin de ce coup de poignard dans le dos. On empruntera la morale à Marcel Proust : “c'est étonnant comme la jalousie qui passe son temps à faire des petites supositions dans le faux, a peu d'imagination quand il s'agit de découvrir le vrai”.