Une ville qui se crée dans l'art, et se défait dans la plage ! Vous voilà donc à Asilah, Zelis. Une ville que jamais une autre ne saura gré à la culture, qu'elle. Il y a une vingtaine d'année, cette bourgade du nord, était tapie dans l'oubli, ruminant ses jours sablonneux et ensoleillés, et ses nuits calmes et étoilés; Aujourd'hui, Asilah est devenue une ville du monde. Où l'agréable le dispute à l'utile. Les célébrités y passent. Des quatres coins du mondes, des personnalités de renom défilent : artistes, hommes de lettres, penseurs, éminents politiques…et autres. Le forum d'Asilah est désormais l'Agora du nord. Cette place de choix, la ville la doit à son maire, Mohamed Benaïssa. Par ailleurs, ministre des Affaires étrangères. Coup d'envoi Le sourire blasé de l'intelligentsia locale a cédé la place à une reconnaissance, doublée de respect. La rencontre internationale d'Asilah a réussi le pari. Le reste est venu ensuite. Cette année, par exemple, elle a vécu une chose inédite : Dialogue américano-iranien. Certes, les conférences données par l'ex-ministre de la Culture iranien et l'ex-secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères américain, n'ont rien d'officiel. Mais, l'acte n'est pas passé inaperçu. L'iranien et l'américain ont respectivement exposé leurs visions du monde contemporain. Avec tact, et sans manquer de panache. Au bonheur des dizaines de personnes venues apprécier ce duel politico-culturel. La guerre des civilisations n'a pas eu lieu ce soir du 3 août courant, et Asilah en est sortie gagnante. L'un des moments forts des Forums aura été sans doute la conférence de Amr Moussa ; l'ex-ministre des Affaires étrangères égyptien et secrétaire général en exercice de la Ligue arabe. Fougue et sincérité, intelligence et érudition. A. Moussa a fait le tour d'horizons de l'actualité arabo-musulmane. De l'Irak à Al Qods, en passant par la culture et les médias, le SG de la Ligue arabe a dévoilé le fond de sa pensée Et son commentaire, aussi. “Le monde arabe, dit-il, est condamné à plus de coopération, de clairvoyance et de technologie”. Sans une vision globale, unitaire et audacieuse, assenne-il, nous serons en traine dans un monde mondialisé. Le passage de Amr Moussa est aussi une image. Reprise par les médias, la photo de Amr Moussa, avec l'ilot Leila comme fond, est un message. Une déclaration publique d'amour et de solidarité. Les Marocains lui en seront reconnaissants. Comme aux autres artistes et intellectuels arabes qui ont fait le déplacement au village Bel Younesh. Leïla Ouloui, l'actrice, Inas Dghidi la réalisatrice et les autres ont voulu émettre un message. Le même que celui du SG de la Ligue arabe : Leïla est marocaine. Là, la mer les attendait dans un silence austère. Mais, très éloquent; L'actrice égyptienne s'est même moquée, malicieusement, de l'esprit obtus des Espagnols : “Je peux atteindre l'île à la nage; Comment osent-ils prétendre qu'elle n'est pas marocaine” ? Un beau voyage, c'est aussi une œuvre d'art. Avant ce détour, les artistes arabes ont animé une rencontre avec le public. L'affluence était hors pair ; une foule inombrable est venu écouter, et se faire des photos, avec ces enfants terribles du cinéma et de la télévision. Un ratage, cependant. Les artistes marocains ont fait pâle figure. Las ! “On aurait invité, lance un journaliste intransigeant, ceux parmi nos artistes qui connaissent leur métier”. Une fois, n'est pas coutume. Et puis, notre cinéma balbutie encore; L'avenir saura-t-il peut-être emblématiser certains jeunes loups de l'écran national. L'été à Asilah, n'en sera que plus beau. Saison littéraire L'été à Asilah est également une saison “mentale”. Littéraire, précisément, Zélis la romaine, mêle l'utile à l'agréable. Elle charme le visiteur en l'instruisant. Là-dessus, le plaisir est tant dans la nouveauté que dans l'habitude. L'habitude d'abord. Certains hommes (et femmes) de lettre, d'ici et d'ailleurs ont pris l'habitude de faire chaque année le voyage à Asilah. Tel Hassouna Misbahi, le remancier tunisien vivant en Allemagne. La nouveauté ensuite. La session de cet été a connu la présence de romancières arabes, qui ont défrayé la chronique cette année. Le cas de la Kuwetienne Leïla Al Othmane qui a subi les foudres des barbus de son pays; Car accusée de libertinage littéraire et dévergondage ! La littérature aurait perdu l'estime de soi, s'il n'y avait pas Asilah. Elle a réhabilité l'honneur de l'écrivain. C'était l'occasion d'ailleurs pour débattre de l'écriture au féminin lors d'une soirée animée par des écrivains. S'y sont succédés témoignages, critiques et échanges d'idées. Les participants et participantes sont venus du Liban, d'Egypte, de Syrie. Plus le Maroc bien évidemment. Deux faits littéraires saillants : le prix Mohamed Zafzaf pour le roman décerné à Taïeb Salah…et la célébration de l'œuvre de Mohamed Choukri. Le romancier soudanais a reçu 10 mille dollars, le montant du prix, pour son œuvre complète. Le romancier marocain, l'auteur du célèbre “pain nu” a été honoré pour la même raison. Les deux «écrivains maudits» ont d'ailleurs un trait commun : Ils ont fait du corps-tabou un plaisir et de la noblesse des lettres un devoir. Cinéma, théâtre, art plastique ont aussi été de la fête. Le paysage de ces artistes venus de partout dans le monde était un vrai état de l'âme. Un spectacle infiniment agréable que seul celui de la mer rivalise avec. Belle fonction : celle d'annoblir, par la couleur et le pinceau, les murs habituellement insignifiants. Ce qui a fait d'Asilah un grand atelier - national - où le beau prend forme. Où le bleu et le blanc sont couleurs ! Dernier acte Le choix était judicieux : Asilah ne peut se refaire sur elle-même. Il fallait rénover, et mener la rénovation sur des aires plus larges. Non sans cause. Car mêler l'art, la culture et l'esprit est un chemin sûr de l'urbanité. Le premier pas se fait dans…le goût. Maintenant, la ville berce dans une extrême délicatesse. Des ruelles qui rappellent l'Andalousie édenesques, des places très agréables et un échange qui profite à la population. La beauté fleurit dans cette ville doucement incurvée dans une ambiance côtière, feutre et bleuâtre. Elle s'offre à l'Océan comme un songe d'une nuit d'été. Des nuits d'été; Avec une âme si riche que chaque estivant peut communier avec elle. La culture n'est-elle pas ce qui reste quand tout s'oublie ?