«Le Maroc ne doit plus continuer à seregarder dans le rétroviseur », aime à répéter leConseiller du Souverain, Abdelaziz Méziane Belfkih lorsqu'il incite les forces vives de la Nation à trancher entre un « Maroc passéiste » et un « Maroc possible ». Ce dernier apparaît comme un challenge collectif mobilisant toutes les solidarités nationales et sectorielles au moment où l'Etat a épuré ses « comptes politiques » en rompant le cordon ombilical avec les années de plomb. Et c'est à juste titre, d'ailleurs, que le Souverain a tenu, dans son allocution au mois de janvier 2006, à annoncer simultanément la décision de rendre public les deux rapports de l'IER et du cinquantenaire sur le développement humain. Le parallèle est opportun pour solder les abus du passé, cimenter la réconciliation nationale et lancer les fondements du projet de société d'un Maroc moderne, démocratique, respectueux des droits de l'homme, garant de l'Etat de droit et mobilisant ses atouts et moyens sur le développement durable et humain. A ce titre, il faut souligner le courage et la volonté des plus hautes autorités du Royaume en s'engageant à déterrer les cadavres d'un passé que nous voulons à jamais révolu. Non sans avoir assuré les garanties préalables à une indemnisation morale et matérielle et une réparation individuelle et collective, réhabilitation des régions touchées comprises, pour que pareils dépassements ne se reproduisent plus et que cesse définitivement l'arbitraire dans les pratiques politiques, judiciaires et policières de notre pays. Cet épisode récent de l'histoire contemporaine du Royaume a révélé que l'IER, instituée le 7 janvier 2004, et qui a réussi la très délicate tâche de remettre son rapport sur les violations des droits de l'homme au titre des cinquante dernières années, moins de deux années après, traduit la réalisation la plus marquante du renouveau du Maroc de la nouvelle ère. En effet, cette instance conduite, de manière totalement indépendante par d'anciens prisonniers politiques à l'instar de Benzekri et El Ouadie, a pu mener sa mission à bon port, dans le consensus général, en faisant face aux Cassandre et détracteurs de tout acabit qui ne cessaient de crier à la « mission impossible », à la «manip», à « l'intox », à la « récupération » ou encore à « l'instrumentalisation ». Et les Marocains ne sont pas prêts d'oublier le souvenir vivace de ces images fortes, scellant le « pardon collectif » lorsque le Souverain avait reçu les familles des victimes de la répression arbitraire ce même 6 janvier 2006 au Palais Royal de Rabat, en donnant une chaleureuse accolade aux parents éplorés, enfin libérés d'un poids qui pesait lourd sur les consciences. A l'évidence, l'IER, expérience unique du genre dans le monde arabe et africain, et qui a servi de référence dans les plus grandes chancelleries démocratiques du globe, a constitué un fondement solide du passage obligé de la transition démocratique vers la normalité politique. En établissant la lumière sur les exactions d'un passé arbitraire, en dénonçant, sans « chasse aux sorcières », les crimes des tortionnaires, en pratiquant la transparence à travers les auditions publiques organisées dans plusieurs régions du Royaume, en décidant de toutes les mesures de réparation sans rien laisser au hasard, indemnisation, réintégration, réhabilitation, restitution, préservation de la mémoire, garanties de non répétition, prise en charge des soins sanitaires…Bref, il faut bien le reconnaître, toutes les dispositions réparatrices ont été diligentées et le suivi de leur mise en œuvre dûment confié au CCDH qui reprend le flambeau de l'IER. En fait, l'IER a initié l'école marocaine des droits de l'homme dans la mesure où la démarche réparatrice a été dûment accompagnée de l'établissement sur les faits historiquement répréhensibles. Une démarche qui a conduit à la courageuse reconnaissance par l'Etat de sa responsabilité, tout en renforçant le dispositif des garanties de protection contre les violations des règles de droit et de la lutte contre l'impunité pour poser les bases nécessaires à la restauration définitive de la confiance des citoyens en leurs institutions. Si des zones d'ombre persistent alors que les investigations sont toujours en cours pour faire toute la lumière sur un passé de plomb, bien des étapes substantielles ont été franchies sur la voie de l'édification d'un Etat de droit. Il ne reste plus qu'à s'armer de la plus grande des vigilances pour barrer le chemin aux tentations de retour des démons du passé et pour consolider les acquis d'une transition démocratique qui ne cesse d'aligner des acquis remarquables. Comme l'avait souligné le président de l'IER Driss Benzekri : «Soulignant le saut qualitatif qu'a connu ce dossier épineux grâce à la détermination de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, nous réitérons l'espoir que les résultats auxquels ont abouti les travaux de l'instance, contribueront de manière décisive à l'histoire de notre pays et constitueront un jalon déterminant dans l'édification de l'Etat de droit».