La bourse accueille un géant aux pieds en béton. Le groupe Addoha a décidé de s'inscrire à la cote en cédant 35% de son capital. Il est déjà leader du secteur avec 9.100 logements par an et compte en construire 61.000 dans les cinq années à venir. L'entreprise, qui réalise déjà 600 millions de dirhams de bénéfices, compte atteindre 1,6 milliards de résultat en 2010. Le béton vaut son pesant d'or. Apartir du 8 juin prochain, les investisseurs auront à souscrire aux actions de Douja Promotion Groupe Addoha qui a décidé d'institutionnaliser sa transparence en s'introduisant en bourse. L'actionnaire majoritaire, contrôlant jusqu'ici quelque 95% du capital, Anas Sefrioui, a décidé de céder pratiquement 33,5% de ce même capital, au prix de 585 dirhams l'action soit 2.76 milliards de dirhams. Alors que les 1,5% du capital restants sont mis en vente par un autre actionnaire, homme de confiance du fondateur du groupe et son fidèle ami, à savoir Noureddine El Ayoubi, qui possède 5% avant l'introduction. Cependant, la question que nombre d'observateurs se posent est de savoir pourquoi le promoteur immobilier Addoha a décidé de s'introduire en bourse. Lors de la conférence de présentation de l'opération, la question est revenue pratiquement dans chaque intervention. La raison en est toute simple: les promoteurs immobiliers sont connus pour être les plus grands fraudeurs fiscaux du Maroc actuel. Alors que l'introduction en bourse signifie avant tout une décision de clarté et de transparence. La question n'irrite pourtant pas Anas Sefrioui, bien qu'il ait du mal à cacher sa passion quand il parle de l'entreprise, qu'il appelle son bébé. "Nous avons fait le choix de la transparence, parce qu'elle est plus rentable que la pratique du noir", explique-t-il d'emblée. "Mais pas seulement car, ajoutera-t-il, il est temps que le groupe Addoha soit institutionnalisé à travers sa cotation auprès des grandes entreprises comme des petites qui ont fait le choix de la transparence". Par la même occasion, c'est tout le secteur de l'immobilier qui est institutionnalisé. Mais, ce que Anas Sefrioui évite de dire c'est que cette introduction lui vaut la foudre de ses homologues promoteurs immobiliers. Depuis que la nouvelle est diffusée, son téléphone n'arrête pas de sonner, et les reproches de pleuvoir. Car désormais, on saura exactement ce que rapporte la promotion immobilière, et Addoha pourrait même servir au fisc pour repérer tous les promoteurs qui dissimulent une partie de leur chiffre d'affaires en demandant d'être payer au noir. Mais à présent que le vin est tiré, il faudra le boire. Transparence pour mieux vendre La transparence est aujourd'hui l'un des meilleurs arguments commerciaux du groupe. Les ménages marocains n'ont souvent pas la capacité de donner une partie du prix dans le noir. Ils préfèrent avoir un financement bancaire à 100%. Désormais, concernant le logement économique, le groupe Addoha est très loin devant la concurrence. Les chiffres sont éloquents. En 2005, les unités sociales et économiques réalisées par tout le secteur, opérateurs privés et publics confondus, se montent à quelque 113.223, dont 40% constitués d'auto-construction. Les logements réalisés par les opérateurs privés se chiffrent à 23.500 unités, dont 46% par le seul groupe Addoha. Même en intégrant les acteurs du public, Addoha reste leader avec quelque 33%, laissant à ses concurrents privés 38% et aux opérateurs publics 29% seulement. En poussant l'analyse un peu plus loin, on peut même signaler que quand Addoha vend 9.166 unités de logements en 2005, son plus sérieux challenger n'en écoule pas plus de 2000. Mieux encore, les ménages font de plus en plus confiance à Addoha. La progression de ses ventes en est la plus belle illustration. L'activité du groupe a évolué au rythme étonnant d'une croissance annuelle supérieure à 30% lors des trois dernières années. En effet, de 2003 à 2004, les contrats définitifs de vente sont passés de 5.300 à 7.050 logements, soit une hausse de 33,5% avant de réaliser un bond similaire de 30,2% pour atteindre quelque 9166 en 2005. Naturellement, cette excellente performance commerciale s'est traduite par un chiffre d'affaires et des résultats dont rares sont les sociétés marocaines qui peuvent s'en vanter. En 2005, le CA a atteint 2,13 milliards de dirhams, permettant de dégager un excédent brut d'exploitation de 638 millions et un résultat net de 611 millions de dirhams. Ce qui est encore plus étonnant, c'est que le Groupe Addoha estime que son activité est loin de s'essouffler et s'inscrira dans une folle progression durant les 5 années à venir, en produisant une moyenne annuelle de 15.000 logements. En effet, le chiffre d'affaires du groupe devrait atteindre en 2010 quelque 5,64 milliards de dirhams. Alors que le résultat net sera de 1,56 milliards de dirhams. Pendant ce temps, Addoha promet de distribuer régulièrement des dividendes très généreux à ses actionnaires. L'évolution absolue des capitaux propres est en effet inférieure à celui du cumul des résultats nets. Par exemple, entre 2005 et 2006, les capitaux propres passent de 1,76 à 1,86 milliards de dirhams soit une augmentation de 100 millions de dirhams, alors que le résultat net de 2005 aura été de 611 millions de dirhams. Cela veut dire que le groupe Addoha servira à ses actionnaires 500 millions de dirhams. En réalité, une telle politique ne peut s'expliquer que par la santé financière de la société. D'ailleurs, à plusieurs reprises, Anas Sefrioui le rappellera : "Addoha ne part pas en Bourse pour lever des fonds". Le groupe n'en a pas besoin pour le moment. Sa trésorerie nette est positive, avec pratiquement autant passif que d'actif, alors que sa capacité d'endettement est intacte. En effet, l'entreprise ne compte dans son bilan aucune dette à long terme et elle compte maintenir un tel niveau dans les 5 années à venir. Capacité d'anticipation En réalité, le groupe Addoha fait preuve d'une surprenante capacité d'anticipation. Dans les cinq années à venir, la réserve foncière nécessaire à l'édification de 15.000 logements par an est déjà constituée. C'est dire que le risque de spéculation qui pourrait freiner son élan et entraver ses prévisions est entièrement couvert. De même, en acquérant cette réserve foncière, aujourd'hui, le groupe fait entrer tous les logements construits sur ces terrains dans le cadre de la convention signé avec l'Etat au titre de l'article 19 de la loi de finance 1999-2000. Il faut rappeler que c'est ce dernier qui est la clé du succès puisqu'il accorde de nombreux avantages fiscaux aux promoteurs. Ainsi, seuls les coûts de construction pourraient légèrement hausser, restant cependant à un niveau qui ne risque pas d'entraver le résultat prévisionnel de l'entreprise. Addoha, il faut le rappeler, est sorti de Casablanca pour se diversifier. Et aujourd'hui, selon Anas Sefroui, le groupe vend deux fois plus de logements à Tanger qu'à Casablanca. C'est aussi le même constat pour Marrakech et Agadir. L'objectif est de mettre en place des guichets uniques comme à Casablanca et d'aller peut-être vers des pays de la sous-région comme l'Algérie, mais aussi le Sénégal. Les demandes d'officiels de ces deux pays auraient déjà étaient formulées l'invitant à y aller investir. Risque d'abrogation de l'article 19 'activité d'Addoha est essentiellement basée sur la construction de logements sociaux qui entre dans le cadre de l'article 19. Ainsi, les projets non conventionnés, qui représentaient quelque 15% en 2003, ne font plus que 4% du total. Cela s'explique par le fait que l'article 19 exonère les promoteurs conventionnés de tous les impôts et taxes qu'ils soient locaux ou nationaux, comme l'IS, l'IGR, la TVA, les droits d'enregistrement, etc. Cependant, il n'est pas théoriquement impossible qu'il soit abrogé, mettant le groupe Addoha dans un environnement défavorable. Sauf qu'il est improbable que l'Etat le fasse pour plusieurs raisons. Car, le déficit actuel au niveau national est estimé à 1.240.000 logements. De plus, comme le fera remarquer Hassan Ben Bachir, conseiller d'Anas Sefrioui, toutes les études montrent que le trésor public n'a pas perdu d'argent avec l'article 19. Il n'a fait que doper l'activité économique. Les banques accordent plus de crédits et donc récupèrent plus de TVA et payent plus d'IS qu'auparavant. L'encours des crédits immobiliers qui était inférieur à 30 milliards, il y a cinq ans, a atteint 57 milliards de dirhams en 2005. Les promoteurs font travailler plus de personnes et plus de sous-traitants qu'auparavant. De sorte que l'Etat reçoit au final 5 fois plus d'impôts dûs indirectement à la promotion immobilière qu'avant l'avènement de l'article 19. Son abrogation n'est donc pas à l'ordre du jour. Que fera Anas Sefrioui de ses 2,7 milliards de dirhams ? a question que se posent beaucoup d'observateurs est de savoir ce que fera Anas Sefroui de ses 2,7 milliards issus de la vente des 35% de son entreprise. L'homme ne veut pas donner de détails sur la destination de son argent, mais il assure qu'ils ne dormiront pas longtemps dans un compte bancaire. L'objectif est de les réinjecter dans l'économie nationale. "Bientôt, vous entendrez parler de moi", assure-t-il. L'homme d'affaire est très discret, mais il est définitivement sorti de son silence en s'introduisant en bourse. Au passage, il a rappelé les nombreuses participations qu'il possède ici et là. Il possède la seule société, qui produit au Maroc, du carbonate de Calcium, plus connu sous le nom de chaux et qui entre dans la fabrication de la peinture. De même, il est le principal fournisseur des cimentiers en sac en papier. Il possède également une société de transport maritime et des participations dans Maroc Assistance aux côtés de la Banque populaire. Alors, quand il dit qu'un investissement imminent s'annonce, il faut le croire sur parole.