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Entretien avec Moussa Abou Marzouk, vice-président du mouvement Hamas : «Nous demandons au Président palestinien de cesser ses menaces de dissoudre le gouvernement Hamas »
Moussa Abou Marzouk est le vice-président du mouvement de résistance islamique Hamas qui dirige aujourd'hui le gouvernement palestinien. Dans cet entretien exclusif qu'il a accordé à La Gazette du Maroc, il aborde un certain nombre de sujets d'actualité tel que le boycott dont fait l'objet le Hamas de la part des pays occidentaux et le blocus subi par l'Autorité palestinienne depuis que le mouvement a accédé au pouvoir. La Gazette du Maroc : Où en est l'autorité palestinienne aujourd'hui sous la direction du Hamas, notamment après le boycott du nouveau gouvernement par les pays occidentaux et la crise financière qui perdure depuis de longues semaines.? Moussa Abou Marzouk : D'abord, je dois préciser que l'autorité palestinienne est composée de trois instances, le Conseil législatif (Parlement), le gouvernement palestinien et la présidence de l'Autorité. Hamas a remporté les élections législatives, il dispose de la majorité des sièges au Parlement et il est tout naturellement désigné pour former le gouvernement que dirige le Dr. Ismael Henniyeh. Cependant, la responsabilité de l'exécutif est partagée entre gouvernement et présidence. Il est clair que le gouvernement que dirige Henniyeh a consenti un effort exceptionnel pour gérer un certain nombre de dossiers sensibles, notamment celui des ressources financières destinées à appuyer la lutte du peuple palestinien. Le gouvernement a réussi à se procurer des fonds non négligeables qui sont actuellement sur le compte bancaire de la Ligue des Etats Arabes. Sans doute, une grande pression est exercée sur les banques arabes et internationales après les menaces proférées par Washington de les intégrer parmi les institutions bancaires qui soutiennent le terrorisme, au cas où ces fonds seraient transférés vers des banques domiciliés à Ramallah et à Ghazza. A mon avis, c'est une situation qui fait ressortir une double responsabilité. Celle des Arabes et des musulmans et celle de la communauté internationale dans son ensemble. Le premier volet concerne les responsabilités du citoyen palestinien et arabe face aux pressions américaines dans un dossier qui engage le destin de tous les Arabes, en particulier les Palestiniens. A cet égard, nous pensons que notre peuple qui continue de subir le blocus est conscient de ces manipulations. Cela ne nous a pas empêchés d'engager un dialogue démocratique et constructif entre Palestiniens, ce qui a été reconnu par le monde entier. Le peuple palestinien combattra tous les plans tendant à l'isoler et à l'asservir. Ce peuple ne courbera jamais l'échine. Il accuse ouvertement Israël et ses protecteurs américains. Il importe donc que les peuples arabes et musulmans se mettent du côté du peuple palestinien, matériellement, moralement et politiquement. Nous attendons que ces peuples se manifestent, qu'ils fassent entendre leur voix et exercent la plus grande pression sur cette Amérique qui se comporte comme si elle était l'unique puissance de ce monde. Le deuxième volet engage la responsabilité du monde entier face au comportement des USA. Washington poursuit sa politique agressive à l'égard de notre peuple. Elle soutient inconditionnellement l'entité israélienne. L'Amérique a usé 33 fois de son droit de veto entre 1982 et aujourd'hui. Elle protège Israël contre les résolutions internationales. Elle soutient également cette entité sur le plan financier en lui accordant une moyenne de 500 dollars par habitant alors que le revenu par habitant en Israël est équivalent à celui de la France ou la Grande-Bretagne. Tout cela sans oublier l'appui militaire à travers le transfert de technologie militaire et les arsenaux de guerre les plus sophistiqués. L'Amérique soutient Israël et l'aide à construire les colonies sans oublier le mur de séparation avant de concrétiser son plan tendant à isoler les Palestiniens. C'est une situation inacceptable. L'attitude des Américains est à considérer parmi les crimes de guerre commis contre le peuple palestinien Nous avons entendu le chef du gouvernement Hamas, Ismael Henniyeh, et Khaled Machâal, le leader de ce mouvement, dire que «le peuple palestinien peut avoir faim, mais qu'il ne capitulera pas». Jusqu'à quel point le mouvement Hamas peut tenir ce pari ? Ce n'est pas la première fois que le peuple palestinien affronte une telle situation. Nous sommes certains que ce peuple n'accorde aucun crédit à toutes ces manipulations, car c'est un peuple libre et digne. Il ne peut se contenter de brader ses droits légitimes contre des miettes. Il est largement en mesure de résister. A cette occasion, je voudrais attirer l'attention sur les fonds palestiniens toujours bloqués par les Israéliens. Tout homme libre et bien intentionné se doit d'exercer des pressions sur les Israéliens et les Américains pour libérer ces fonds. Or, c'est sur les Palestiniens et leur gouvernement, démocratiquement élu, que les pressions semblent s'amplifier. Pour tout dire, nous n'attendons pas que l'Occident nous fournisse son aide financière. Nous lui demandons seulement d'agir et d'effectuer les démarches nécessaires en vue de desserrer l'étau sur les Palestiniens. Pour que l'autorité palestinienne puisse disposer de ses biens conformément à tous les accords conclus jusqu'ici et qui accordent aux Palestiniens le droit de disposer des recettes des impôts. Nous n'attendons rien de l'Amérique et de ses alliés occidentaux. Nous ne réclamons que notre dû. Nous pensons, cependant, que la nation arabe et islamique, peuples et gouvernements, peuvent combler le vide laissé par l'Amérique et ses alliés. Parmi les problèmes que connaît le gouvernement Hamas, l'anarchie qui caractérise la prolifération des armes. Une situation qui, selon certains observateurs menace d'une guerre civile entre Palestiniens. Jusqu'où continuera-t-on à vivre une telle anarchie ? Il n'y a aucune anarchie. Ce qui s'est passé est quelque chose de très ordinaire qui arrive dans tous les pays du monde. Il s'agissait d'échanges de coups de feu qui n'ont pas duré plus de cinq minutes. Tout a été vite maîtrisé. Le peuple palestinien est armé et il a le droit de l'être pour pouvoir lutter contre l'occupation de ses territoires. Ceux qui misent sur une présumée guerre civile se trompent lourdement. L'avenir le confirmera. Comment envisagez-vous les relations entre la présidence et le gouvernement, particulièrement après les menaces voilées du Président Mahmoud Abbas de dissoudre le gouvernement s'il s'avère que sa continuité porterait préjudice aux intérêts du peuple palestinien ? Il n'y a aucune alternative fiable. Le Président de l'autorité et le gouvernement sont condamnés à trouver le moyen de coexister. Chacun d'entre eux exerce ses responsabilités dans le cadre des prérogatives qui lui sont dévolues. Il faut que cette mésentente cesse. Nous sommes sur le même bateau et nous devons trouver le moyen de nous entendre pour le conduire à bon port. Nous formons le même peuple, le sang qui coule est celui des Palestiniens et les droits bafoués sont aussi ceux des fils de ce pays. Notre cause n'est pas de nous affronter les uns contre les autres, mais d'affronter ensemble l'occupant et l'ennemi commun. Nous, au sein du Hamas, nous respectons scrupuleusement la présidence de l'autrorité. Nous pensons qu'il est temps d'instaurer des moyens civilisés dans les rapports entre présidence et gouvernement. En contre partie, nous demandons au Président palestinien de cesser ses menaces de dissoudre le gouvernement Hamas. Ces dossiers doivent être traitées calmement au niveau du gouvernement. On ne peut se permettre d'étaler nos problèmes sur la place publique. Parmi les problèmes posés au gouvernement Hamas, il y a aussi l'histoire des déclarations jordaniennes accusant votre mouvement de tentatives de déstabiliser le Royaume hachémite suite à l'introduction d'armes via les frontières syriennes. Je pense que les frères jordaniens se sont trop précipités. Le mouvement Hamas a démenti et rejeté toute tentative de ce genre. Notre orientation est connue. Notre champ d'action, ce sont les territoires palestiniens. Nous nous refusons de nous immiscer dans les affaires internes des autres. D'ailleurs, le Roi Abdallah n'a pas confirmé ces accusations. Je m'étonne, cependant, du fait que le Hamas n'a pas cru bon de confier ce dossier à un département chargé de la sécurité au lieu d'envoyer une délégation gouvernementale. Jusqu'à quel point peut-on dire que ces accusations sont fondées? Je pense, en tout cas, que la Jordanie s'est trompée en accusant le mouvement Hamas. Le style choisi pour aborder cette histoire n'était pas approprié non plus. Ce qui aurait été meilleur, c'est d'empreinter la voie diplomatique et ouvrir le dialogue avec l'Autorité palestinienne. Un dialogue fondé sur la franchise et la recherche de la vérité et non à travers les scandales médiatiques. Aucun membre du Hamas n'a été appréhendé ou pris en flagrant délit dans cette affaire. D'autre part, on ne pouvait annuler la visite que le ministre des Affaires étrangères, Mahmoud Ezzahar, s'apprêtait à effectuer en Jordanie. Même s'il se confirme que des armes aient pu être introduites en Jordanie, on ne peut, pour autant, rendre responsable le Hamas et punir son gouvernement. Vous venez de participer au 17ème Congrès Nationaliste Arabe qui vient d'avoir lieu au Maroc. Quelle place a été accordée à la question palestinienne lors de ces assises ? Je pense que la cause palestinienne est celle de tous les Arabes. Il est tout a fait naturel qu'elle ait bénéficié d'une attention particulière lors de ce congrès. A mon sens, l'attitude politique adoptée par ce congrès traduit fidèlement les aspirations du peuple palestinien. On a aussi parlé du refus des autorités marocaines d'accorder des visas d'entrée au Maroc aux représentants du mouvement Hamas participant à ce Congrès ? La délégation que le Mouvement Hamas a proposée s'est présentée au complet à Casablanca. Aucun de ses membres n'a été interdit d'entrer. Moi en particulier, j'ai été traité de façon très normale. A mon arrivée à l'aéroport international de Casablanca, personne ne m'a demandé de visa. J'ai été chaleureusement accueilli par toutes les personnes que j'ai rencontrées. Une dernière question. Nous les Arabes du Maroc, nous suivons de très près tout ce qui se passe sur la scène palestinienne. Peut-on dire, pour autant, que vous «Arabes de Palestine» vous suivez également tout ce qui se passe sur la scène politique marocaine ? Bien tentendu, nous suivons tout ce qui se passe sur la scène politique marocaine. Les préoccupations marocaines et arabes se doivent d'être celles de toute notre communauté. Nous espérons que tous les peuples arabes puissent progresser et évoluer vers l'alternance politique, le respect des droits de l'Homme, la liberté de la presse et le développement économique. Car cette évolution se répercutera positivement sur la question palestinienne. Nous sommes convaincus que toute stabilité politique et sécuritaire dans un pays arabe, comme c'est le cas du Maroc, ne peut avoir qu'un effet positif sur la question palestinienne. Entretien réalisé par Mustapha El Asri Traduit de l'arabe par Omar El Anouari