Antoine, 17 ans, trouvé mort, pendu dans une forêt proche à Madrid. Oui cela fait peur en effet, mais aurions-nous pu empêcher cela ? Sûrement que oui. Les responsables ? La société intolérante et hypocrite. Il avait 9 ans quand je l'ai connu, un beau garçon, bon étudiant, caractère timide, triste et absent. Sa mère, une nouvelle voisine, me dit un jour qu'elle était fortement préoccupée par le comportement de son fils, qu'il n'aimait pas être avec d'autres enfants de son âge et qu'elle venait de le surprendre entrain de regarder ses vêtements à elle, de son armoire. Jusqu'ici rien d'important en principe, si l'on veut croire que son comportement est celui d'un solitaire ou, que les amis qu'il a ne lui plaise pas, pour quoi que ce soit l'histoire, mais il fallait l'observer. Nous allions les dimanches à un club pour bavarder entre femmes, les hommes jouaient aux cartes et les enfants s'amusaient sur l'espace vert du club. Nos nouveaux voisins commencèrent aussi à fréquenter le lieu, tout était au mieux, rien à signaler. Antoine était assis auprès de sa mère, il ne bougeait pas. Nous, les mères des autres enfants, l'encouragions pour qu'il se joigne aux autres enfants qui sautillaient comme des chèvres par-ci par-là. Il était timide, mais avait très envie de jouer avec tout le monde. Il décida d'aller voir ce que faisaient les autres. Il y avait deux groupes, comme toujours, un de garçons et un autre de filles. Les garçons jouaient au foot, les filles à habiller et déshabiller leurs poupées. Antoine fît sont choix et se mis à jouer avec le groupe de filles. Il désirait toucher la poupée, mais il n'osait pas, il restait là, à observer. Une des fillettes lui demanda de lui prendre un moment sa poupée pendant qu'elle va chercher une chose près de sa mère, les yeux d'Antoine clignotaient de plaisir de rêve, ses lèvres sans le vouloir furent un bref sourire, il pensait à quoi ? La rigolade des hommes le fait réagir, son père de grosse voix disait en signalant Antoine, « regardez mon fils malin lui hein ? Il est comme son père, là où il voit une jupe, là qu'il se met ». Le père était-il du genre innocent ? On pourrait le croire, mais en réalité, sans le vouloir, il présageait déjà quelque chose. Les parents d'Antoine étaient instituteurs dans une école primaire. Très religieux, ils ne manquaient jamais la messe du dimanche, même chez eux ils lisaient parfois la Bible en famille. Le père était un instituteur respectueux des règles et des normes. L'homme que toute femme aurait voulu avoir comme mari : il aidait à la maison, il hurlait à chaque instant en public son amour pour sa femme et ses enfants, il aimait chanter, il faisait partie de la chorale de l'église, il aidait ses deux enfants à faire leurs devoirs. Mais sa voix d'un ton grave, envahissait parfois ma maison, le bruit des chaises, les coups de poings sur la table et les cris et paroles les plus insultantes envers tout ce que selon lui n'appartenait pas à la morale et qui ne suivait pas la norme sociale, en fait, c'était presque tous les jours. Moi, jamais je ne l'aurai voulu comme mari. Jusqu'au jour où je suis parvenue à écouter le mot magique, « pédé de merde ». Le père d'Antoine était intelligent, ses plaisanteries, ses blagues envers le comportement de mâle exemplaire qu'il disait de son fils, n'était qu'une façon de cacher la vérité, mais quelle vérité ? Celle que lui n'acceptait pas ? Celle que lui ne voulait pas ? Antoine avait droit à beaucoup de cours de comportements, des cours de moralité, mais tous sous la menace du devoir et de l'obligation de changer sa faiblesse, de changer sa vie, il devait être guéri au plus vite. Il manquait les cours primordiaux, ceux de l'amour , la compréhension et la tolérance, sans oublier celui du respect d'autrui. Un jour je me suis permis de donner un conseil aux parents d'Antoine, d'aller visiter un Psy, tous les trois, père, mère et fils, la réponse était claire et je m'y attendais, "ne t'en mêle pas ! Puis, il va « guérir »". Mais guérir de quoi ? A-t-il une maladie ? Un virus ? Existe-il un médicament ? Une aspirine peut-être ? Non, simplement Antoine était homosexuel, rien de plus. Deux mois avant le jour tragique, c'était le carnaval, on était tous allé au club, parents, amis, filles et garçons. La fête était à l'heure, certains étaient déguisés, d'autres portaient le masque de tous les jours. Antoine vint me voir et me demanda conseil : il ne savait pas quoi mettre pour se déguiser. "En clochard peut être ? Ou prince ?" disait-il en riant, moi je lui dis qu'il fasse un choix et que j'essayerai de l'aider, il sourit, car lui il savait ce qu'il voulait, tout de suite j'ai su en quoi il voulait aller à la fête. J'avais peur pour lui, mais je ne pouvais pas lui dire non, je savais ce que cela allait lui coûter. Avant je lui demanda qu'il me laisse appeler sa mère pour le lui dire, celle-ci me dit "oui et mille fois oui, fait-le." Aujourd'hui encore, je me souviens de la lueur de plaisir dans les yeux d'Antoine, avec un fard à paupières bleu, du sourire éblouissant de ses lèvres, rouges par le rouge à lèvre, ses joues rosées de poudre.. Son regard satisfait qui parcourait son corps, corps enveloppé d'une robe volante, une robe de danseuse de flamenco qu'il m'avait vue porter à une occasion et que j'avais chez moi. Antoine avait voulu aller seul à la fête, faire son entrée spectaculaire, son triomphe malgré ce que cela allait lui coûter de chagrin, à lui et à ses parents et principalement son père. En effet, l'entrée d'Antoine fut triomphale. Un pensionnat de main dure l'attendait pour qu'il devienne un homme, c'était la réponse à son triomphe, mais pour Antoine cela n'importait pas, il avait fait ce qu'il désirait, il avait gagné sa partie, il était satisfait et heureux et demandait pardon pour ne pas être le fils idéal pour son père. C'est ce que disait la note qu'il laissa à ses parents avant de disparaître. Cela va faire 20 ans depuis qu'Antoine décida de se pendre d'un arbre à ses 17 ans. Nous devons réfléchir, nous tous, pour qu'aucun Antoine de plus, ne choisisse un arbre pour se pendre