La démagogie c'est le discours qui consiste à flatter la population en surestimant son EGO ou de tenir des promesses irréalistes ou irréalisables en vue d'attirer sa sympathie ou son soutien. Autrement dit c'est de caresser les récepteurs du discours le sens du poil. Vue ainsi la rhétorique actuelle sur le changement au Maroc conduit par les jeunes et certaines organisations politiques et des droits humains, est-il démagogique ou imprégnée de démagogie ? Analysons les revendications de ce mouvement. En tête de celles-ci, le mouvement demande une nouvelle constitution, qui fait de l'institution principale du pouvoir au Maroc une monarchie parlementaire et qui assure une séparation des pouvoirs claire et nette avec l'instauration d'un véritable Etat de droit. C'est là, la revendication essentielle du mouvement du 20 février, à laquelle se rattachent d'autres demandes liées soit au partage équitable des fruits de la croissance économique, soit à la moralisation de la vie publique, soit à l'accès égalitaire aux services publics . La demande centrale reste donc la réorganisation et l'exercice du pouvoir. Fondements de l'autorité arabe En fait du point de vue de la sociologie de l'autorité, les régimes politiques arabes restent dominés soit par des dictatures, avec un seul parti politique, dans les faits ou dans les textes ; qui exerce le pouvoir réel par le biais d'élections frauduleuses et de majorités fabriquées : la Tunisie, l'Egypte , l'Algérie, la Syrie et l'Irak de Saddam en sont les modèles. Soit par des monarchies avec une façade démocratique (Maroc, Jordanie Koweït) ou absolues (Arabie saoudite). Pour sa part, l'analyse anthropologique de ces régimes révèle qu'en fait, ils sont tous dominés par le patriarcalisme, c'est-à-dire la soumission à un chef qui s'identifie à la figure centrale du père. Dans ces sociétés, nous dit Sharrabi : « on préfère le mythe à la raison, la croyance religieuse à la vérité scientifique et la transmission à l'innovation. Au plan social la relation verticale prime sur la relation horizontale » .Au plan politique, il génère le despotisme sans place à de véritables contrats entre gouvernants et gouvernés. Enfin la communication dans ces sociétés est dominée par le monologuisme qui caractérise tous ceux qui en position de domination imposent le monologue aux dominés qui doivent se contenter d'écouter en silence : jeunes , femmes , gouvernés , pauvres . » . Ceci se traduit, souligne A Hammoudi « par des individus qui se montrent capables de 2 attitudes opposées : quand ils sont en position subalterne, c'est la soumission humble et totale, par contre en situation de commandement, ils entendent se faire obéir de façon absolue et cette volonté prime sur toute médiation légale de l'autorité ». Ni le choc avec l'occident, à travers la colonisation, ni les richesses pétrolières, ni l'amélioration relative du niveau de vie et de l'accès à l'éducation ; ne vont remettre en cause les véritables fondements culturels de la domination dans ces sociétés pour les faire entrer de plain pied , dans la modernité et partant, dans ce que Max Weber appelle : le pouvoir légal rationnel. Mondialisation, Communication et frustrations Cependant la chute du mur de Berlin , le triomphe du néolibéralisme ,l'hibernation du socialisme , la mondialisation avec ses corollaires de propagation de la culture des droits et surtout de la facilité des communications et l'accès à l'information par le biais des Tics et des chaines de télévision par satellite ;vont apporter des changements au niveau des structures de pensée des jeunes dans ces sociétés. Il faut dire aussi que l'invasion de l'Irak, avec le sentiment d'impuissance refoulé chez les masses, et le chômage des jeunes ont renforcé le sentiment de la Hongra chez les populations arabes et les jeunes en particulier. Enfin, l'Islam politique, a participé à l'éclosion des mouvement de contestation et des révoltes des jeunes en favorisant certaines valeurs de sacrifice et de lutte contre la peur et en leur apportant un soutien inconditionnel . Economie mondialisée et disparités sociales Mais le politique seul n'explique pas ces révoltes. En effet la mondialisation et le libre échange n'ont pas tenu leurs promesses. Stieglitz le dit clairement dans « la grande désillusion » : "l'Occident avait dit à ces pays (pays sous développés) que le nouveau système économique allait leur apporter une opulence sans précédent. Il leur a apporté une pauvreté sans précédent ". En effet, nous dit, il le nombre réel des pauvres s'est accru de 100 millions dans la dernière décennie du XXème siècle pendant que le revenu mondial a augmenté en moyenne de 2,5% par an. Il n'est plus à prouver aujourd'hui, que sur le plan économique, la mondialisation a approfondi le fossé entre le nord et le sud d'une part et les classes nanties et déshéritées dans le pays du sud d'autre part. Le renforcement de la dépendance, le chômage structurel, la domination de l'économie de rente en sont les conséquences visibles. Le monde arabe avec ses Etats à rente pétrolière sont touchés de plein fouet par ces r&percussions. Spécificités du Maroc, mouvement du 20 février et démagogie Après ce focus analytique global, le Maroc présente il des spécificités qui pouvaient le mettre à l'abri de ce Tsunami ? Il est indéniable que notre pays, de par son histoire politique ,, est en avance par rapport à d'autres pays sous développés en général et arabes en particulier dans le domaine des libertés publiques . Depuis l'avènement de Mohamed VI en effet, les marocains(es) respirent mieux et se sentent un peu plus citoyens que sujets… Mais après 2002 le pouvoir et les partis politiques sont tombés dans ce que J . Waterbury appelle « l'Immobilisme politique » en vidant toutes les institutions politiques de leur sens et de leur rôle. Conséquence : la confiance entre la société civile stricto sensu et l'Etat est introuvable. Les partis qui auraient joué leur rôle de courroie de transmission, sont conduits par des vieux attachés au système du Makhzen. Ce dernier se transforme et devient le néo Makhzen qui tout en s'appuyant encore sur « le fellah défenseur du trône » élargit sa base sociale à la bourgeoisie de rente tout en continuant à reproduire le même système de domination à travers une reproduction sociale de sujétion et de loyalisme. Aujourd'hui, ni l'administration territoriale, ni les partis, ni le pouvoir ne veulent répondre vraiment aux problèmes de notre société qui s'accumulent au risque de déstabiliser le pays. L'enseignement public ne marche pas et les étudiants(es) qui arrivent à émerger sont dévalorisés sur le marché de travail. La santé est sans aucune santé. La justice est injuste et corrompue… l'analphabétisme est pléthorique… et j'en passe. C'est en gros de cette analyse que le mouvement du 20 Février part. Il n'agit pas par, mimétisme, mais par conviction. Il reste persuadé que pour renforcer la monarchie, institution incontournable et bien enracinée dans la culture politique marocaine, il faut la réformer pour aller vers une monarchie parlementaire. C'est exact que la monarchie n'est pas la seule responsable de notre situation, nous sommes tous plus ou moins responsables par ce que A Laroui appelle le non dit et l'hypocrisie sociale. Certes, la monarchie parlementaire n'est pas une solution miracle. Cependant, elle est la clef de voute du développement politique qui nécessite à son tour une révolution culturelle ( Attitudes, comportements ,valeurs,….) que seule cette institution peut mener par plus de démocratie , plus de liberté, plus de responsabilité, moins de népotisme et plus de mérite, moins de rente plus de production et enfin plus de citoyenneté moins de sujétion et surtout plus de confiance. Alors ce discours est il démagogique ? A vous de juger encore et encore ! Mais certainement, l'Histoire y répondra mieux.