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Zemzem... Que d'eau !
Publié dans Jeunes du Maroc le 05 - 05 - 2006

Au commencement il y avait de l'eau, beaucoup d'eau. L'eau coulait à flot certes, mais c'était de l'eau. Et puis on la versait sur des amis de jeu, des camarades de classe, etc. des enfants et rien que des enfants. Parfois, et par pure malice, on en versait sur les filles pour les entendre crier. On se cachait pour surprendre sa victime ou bien on en versait par la fenêtre. Zemzem se limitait principalement à une matinée où on faisait les fous avec de l'eau et où tout le monde rentrait trompé chez lui pour se torcher et se changer en des habits propres pour l'après midi. Il était interdit de verser de l'eau sur quelqu'un qui s'est déjà changé en habits propres. Quand il passait et qu'on voulait tout de même l'effrayer, on le menaçait et on se réjouissait au fait de le voir demander grâce. Celui-ci s'en tirait quand même avec une main mouillée qu'il voulait bien tromper dans le récipient.
Petit à petit, l'eau prenait des couleurs. Tout d'abord on y versait du qetrane et elle était noire et partait difficilement. Ce n'était plus de la malice, mais une volonté de nuire, principalement aux filles. Le récipient fut remplacé par des ballons en latex remplis d'eau d'une couleur douteuse. Là on ne se cachait plus. On se tenait là à vous dévisager en tenant en main ledit ballon. Si on s'avisait à fuir, l'individu avec le ballon d'eau vous poursuivait. Il était habillé pour l'occasion d'espadrilles pour rattraper les proies qui croyaient trouver le salut en prenant leurs jambes à leur cou. Vaine tentative, on prenait l'eau au qatrane sur les vêtements et on maudissait en silence le type sans oser proférer une quelconque insulte. Il fallait garder le sourire sinon on risquait de se faire tabasser, le type en question étant en général un quidam de la pire espèce qui trouvait en cette journée de Zemzem l'occasion rêvée pour exprimer son agressivité sans représailles (lesquelles représailles il ne redoutait pas de toutes les façons). On rajoutait aussi de l'eau de javel et, tenez-vous bien, de l'urine. Mais le pire de tout à ce stade liquide, c'est quand on y ajoutait de l'acide nitrique. Une petite goûte dans chaque ballon d'une teneur de 3/4 de litres et splash, sur les vêtements qui n'y résistaient pas et se déchiraient en fin de journée. Là Zemzem était devenu toute la journée. On rentrait chez soi en fin d'après midi en faisant attention à ne pas recevoir du liquide (quel qu'il soit) et on finissait toujours par en recevoir quand même.
Vint alors ce que j'appellerais l'époque solide, l'époque des oeufs. Oui, les oeufs ! Je ne sais pas qui en a eu l'idée en premier, mais au lieu de verser de l'eau (même sale et destructrice) on t'assommait carrément avec un oeuf qui se cassait sur ton crâne comme cible privilégiée. Sinon tu le recevais sur tes épaules, ton dos, tes jambes. Bref, n'importe quelle partie de ton anatomie faisait l'affaire du moment que ça te faisait mal. Là c'est devenu pratiquement une guerre. Les écoliers qui ne veulent pas se prêter à ce jeu débile ne partaient tout simplement pas à l'école et rataient ainsi leurs cours pour se protéger. Les filles qui s'aventuraient hors de chez elles en cette journée étaient les cibles de choix des lanceur d'oeufs. Le même individu agressif et sans aucune vergogne, sortait tôt le matin acheter une vingtaine d'oeufs qui lui servaient de munition et allait se placer à un coin de rue, pas forcément à côté de chez lui pour ne cibler que les gens qu'il connaissait. Il pouvait parcourir des lieues et des lieues pour venir se placer à côté de chez vous. Et là, sans connaissance préalable entre vous et lui, et sans crier gare, vous vous retrouvez dans sa ligne de mire. Si l'oeuf vous rate et qu'il va se casser sur le mûr d'un immeuble en y déposant une tâche indélébile, il y mettait un point d'honneur à réparer son erreur de trajectoire et à vous en balancer un deuxième, voire même un troisième, jusqu'à ce qu'il vous atteigne.
Et les forces de l'ordre dans tout ça. Il est vrai que ces derniers temps on voit de plus en plus de voitures de police dans nos rues en cette journée. Mais comme par enchantement, ils disparaissent quand on a l'individu qui a évolué de lanceur d'eau salle et infectée en lanceur d'oeuf en face de soi. C'est bien connu, les policiers ne sont jamais là quand on a besoin d'eux. Dieu seul sait quelle évolution cette tradition de Zemzem connaîtra-t-elle encore, mais quelle qu'elle soit, Dieu nous en préserve puisque le comportement des nos CONcitoyens ne présage rien qui vaille.


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