Les clubs marocains de première et deuxième division ont actuellement le statut d'associations sportives. La FRMF sous la pression du Ministère de la Jeunesse et des Sports, souhaite que ces clubs deviennent des sociétés anonymes à partir de la saison 2018/2019. Mais les dirigeants ont du mal à admettre une réforme qui prône la transparence. Faouzi Lekjaa, le président de la Fédération royale marocaine de football, avait fixé un deadline jusqu'au 6 septembre dernier afin que les clubs de Botola 1 et 2 se conforment à la loi sur les sociétés sportives. Plus d'un mois après, aucun club n'a fait les démarches nécessaires pour passer du statut de l'association à celui de la société anonyme. Les dirigeants rechignent à dépasser ce stade amateur soit par manque de transparence, soit par crainte du changement. « La plupart d'entre eux estiment que cette transformation est dangereuse pour leur pérennité et considèrent que la réforme est inapplicable », nous explique Salim El Malki, qui vient d'écrire une thèse sur le sujet. La Fédération royale marocaine du football appuyé par le gouvernement souhaite changer le statut juridique de ses clubs. Avant cela, les clubs doivent accomplir quatre étapes pour assurer cette transformation. Il s'agit de l'établissement des statuts de la nouvelle société, de l'apport du patrimoine professionnel, de l'établissement de la convention légale qui devrait régir la relation entre l'association support et la société créée, ainsi que l'entrée des investisseurs privés dans le capital. « Or, du point de vue de Talbi Alami, la majorité des clubs souffrent de non-conformité à la loi n° 30-09 relative à l'éducation physique et aux sports qui régit cette transformation », nous éclaire-t-il. Une réforme positive pour les clubs Selon notre interlocuteur, « ce nouveau statut aura des conséquences positives sur la gestion des clubs et de la FRMF ». Pour assurer la survie de la Botola pro, la FRMF a toujours subventionné les clubs. « Grâce à cette réforme, ils seront plus au moins indépendants dans la recherche de leurs ressources financières. Les équipes seront ainsi assignées à payer l'impôt sur les sociétés à un taux de 17,5 %. Tandis que les joueurs évoluant dans la Botola pro, profiteront d'un abattement de 40 % sur l'impôt sur le revenu », renchérit Salim El Malki. En revanche, depuis la promulgation de la loi 30/09 en 2008, la FRMF a du mal à passer à l'acte. Certains clubs cherchent même à reporter, indéfiniment, la mise en application des textes de loi. « La FRMF sait que cette transition ne sera pas facile surtout qu'une bonne partie des clubs sont lourdement endettés », affirme notre consultant. La loi 30/09 qui a été approuvée par toutes les instances, exécutives et législatives, visent à restructurer la gestion du football national en attirant davantage d'investisseurs marocains et étrangers. Sauf que les dirigeants des clubs ont du mal à accepter cette réforme. Le Wydad déjà recalé Pour l'heure, il y a bien quelques clubs qui ont décidé de franchir le pas comme le Wydad Athletic Club de Casablanca. Sauf que les statuts de la S.A. du WAC n'ont pas été validés par le ministère de la Jeunesse et des Sports. La décision de recaler le dossier des Rouges indique l'ampleur les zones d'incertitudes autour de cette transition délicate. En effet, « la transition vers le statut de société anonyme passe d'abord par l'harmonisation des statuts des clubs avec les statuts types publiés par la FRMF au début de ce chantier, enclenché en 2016 », précise Salim El Malki. Ce n'est qu'après l'obtention de l'agrément délivré par le ministère de tutelle que le processus de création d'une société anonyme peut commencer. Cependant, certains clubs connaissent des difficultés rien qu'à franchir la première étape de conformation. L'année précédente, la FRMF avait fixé le 31 août 2018 comme date butoir aux clubs de la D1 et D2 pour se conformer aux mêmes exigences. « Sur les 24 clubs dépositaires de demandes d'agrément, 13 avaient pu obtenir leur quitus auprès du ministère de tutelle », nous informe-t-il. Des cabinets de conseil pour accompagner les clubs À maintes reprises, la Fédération s'est dite consciente que le changement prend du temps. Elle avait précédemment sélectionné six cabinets de conseils pour accompagner les clubs dans ce processus. Ces cabinets sont investis de trois missions. La première est d'assister les clubs pour la mise en conformité de leur statut avec ceux types édictés par le ministère, et de les accompagner pour l'application d'un plan comptable. La deuxième est l'assistance pour la création de la société sportive en question. La troisième est l'accompagnement pendant le premier exercice d'activité des nouvelles entités. « Techniquement, il y a des clubs comme le FUS de Rabat ou le Difaâ d'El Jadida qui sont préparés », nous indique notre source, mais il y a plusieurs éléments qui peuvent expliquer que ces entités n'aient pas envie d'essayer les plâtres. « Si un club décide de passer en S.A., il y aurait une sorte de distorsion de concurrence », explique El Malki pour qui « des exigences, notamment sur les plans financiers et managérial, seraient imposées à une entité et pas aux autres », selon notre spécialiste pour qui « tous les clubs souhaitent passer en même temps pour qu'il y ait une sorte d'égalité au niveau de ces exigences ». L'exception AS FAR Un seul club dans le paysage footballistique marocain est exonéré de cette évolution. L'AS FAR sera exempté de la transformation des clubs de la Botola en société sportive. Une décision motivée par ses particularités et sa culture, même si le club a entamé une marche vers l'ouverture sur les médias et la modernisation de sa gestion. « La nature intrinsèque du club militaire ne lui permet pas de se transformer en société sportive conformément à la loi n° 30-09 relative à l'éducation physique et aux sports », confirme Salim EL Malki. En cause, le statut de la société sportive ne permet à aucun cadre du club d'appartenir au corps de l'armée, et encore moins de siéger au conseil d'administration du club. D'un point de vue financier, l'armée étant le principal bailleur de fonds du club, elle serait dans l'incapacité d'assurer cette mission dans le cadre d'une société sportive. « Je tiens à remercier le législateur marocain qui a pris en considération les spécificités d'un club comme l'AS FAR, ainsi que le ministre de la Jeunesse et des Sports, Rachid Talbi Alami, qui a déclaré officiellement et à plusieurs reprises que notre club est une exception dans le football marocain », s'est félicité Taib Bennani, secrétaire général du club. Plus de trois ans après avoir annoncé cette réforme des clubs, la FRMF se trouve encore dans l'embarras. Problèmes juridiques inextricables, manque d'investisseurs, absence du public et des sponsors... tels sont, parmi d'autres, les obstacles qui freinent toujours le passage des clubs marocains au statut de société anonyme.