La préparation de la jeunesse à la retraite, les défis et les problèmes de la retraite au Maroc, la prise en charge des aînés, beaucoup de questions ont été soulevées lors du forum CDG Prévoyance organisé, lundi 24 juin, à Rabat, sous le thème « Notre rapport à notre retraite et à nos aînés », en présence d'Abdellatif Zaghnoune, directeur général de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), d'Ahmed Réda Chami, président du Conseil économique et social et Environnemental (CESE) et de Hassan Boubrik, président de l'Autorité de contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS). Les enjeux sociétaux et économiques ayant un impact sur les retraites ont été au centre des débats des panélistes, car, au Maroc la tendance du vieillissement de la population est un phénomène qui pointera le bout de son nez dans les années à venir, au moment où le système des retraites connait des dysfonctionnements comme la faiblesse de la couverture retraite et santé, le manque de sensibilisation ou encore la modeste pension accordée aux retraités. « Notre relation avec la retraite et également notre relation avec nos aînés, aujourd'hui c'est une équation à deux impératifs qui semblent contradictoires mais en fait ils sont complémentaires », estime Abdellatif Zaghnoune, le directeur général de la CDG. Alors que le Maroc a toujours été considéré comme un pays « jeune » grâce à son taux de natalité important en 2018, les chiffres continuent de contribuer à cette tendance puisqu'un marocain sur trois a moins de 18 ans. En ce moment, le pays est en période de transition démographique. En effet, ces chiffres connaîtront une tendance inversée les prochaines décennies notamment à cause du vieillissement de la population, considéré comme « la caractéristique démographique la plus spectaculaire que connaîtra le Maroc dans les trois ou quatre prochaines décennies », selon le Haut Commissariat au Plan. « Les défis d'anticiper (le dialogue sur les retraites) partent d'un constat d'une caractérisation de la situation établie par le haut commissariat au plan. En effet, nous serons en 2050 plus de 43 millions au niveau de la population et aujourd'hui on est à peu près à 34 millions d'habitants », ajoute le directeur général de la CDG. Selon les chiffres du Haut Commissariat au Plan, cités par Abdellatif Zaghnoune, en 2050, près d'un Marocain sur quatre aura plus de 60 ans, soit un peu pus de 10 millions de personnes, contre 3,7 millions de personnes en 2018 représentant 10% de la population actuellement, « soit un ratio d'à peu près autour de 24% contre un ratio de 9% en 2014 et 7% en 1994 », ajoute Zaghnoune. Un problème démographique lié à plusieurs facteurs, notamment sociaux comme l'éclosion des familles, l'apparition des familles monoparentales, l'effondrement du système de solidarité familiale, le faible taux de fécondité et l'entrée de plus en plus tardive dans la vie active. « Un contexte où la solidarité et l'entraide familiale sont importantes, les personnes âgées sont prises en charge par les familles, par les enfants », fait remarquer le directeur général de la CDG, notant « une solidarité entre générations », sauf que « la question qui se pose est si cette solidarité va perdurer et comment préserver les valeurs de la société marocaine », ajoute-t-il. Un taux d'activité au plus bas D'autres chiffres sont plus alarmants sur la situation au Maroc où le taux d'activité est au plus bas, selon Ahmed Réda Chami, président du Conseil économique et social et Environnemental (CESE). Il estime que le pays devrait tirer profit de la fenêtre d'ouverture estimée à une vingtaine d'années tout au plus, où le nombre des personnes actives va être élevé. En effet, le taux d'activité est estimé à 46,2% et le taux d'emploi de 41,5% selon les propos de Chami, qui explique que cela veut dire que « seulement 40% de la population en page de travailler contribue, donc 59% ne contribue pas », appelant le Maroc à redoubler d'efforts pour exploiter cette fenêtre temporelle, selon les prévisions, qui « devrait rester ouverte jusqu'en 2038 ». « Cette situation offre un potentiel de croissance économique inestimable à condition toutefois d'œuvrer au renforcement effectif du poids des actifs et d'adopter des politiques appropriées », a déclaré l'ancien ministre du Commerce et de l'Industrie, sauf que le Maroc « n'arrive toujours pas à exploiter ce dividende puisque son taux d'activité demeure insuffisant et figure parmi les plus bas au niveau mondial », ajoute-t-il. Au niveau des retraites, le système de protection sociale actuel ne couvre que de façon très limitée la population âgée et « fait déjà l'objet de dysfonctionnements qui menace sa pérennité », estime le président du CESE. « Le montant des pensions allouées d'une partie importante des pensionnaires est inférieure au SMIG, la moitié des retraités de la CNSS touche une pension mensuelle inférieure à 1534,5 dirhams », fait observer l'ancien ministre. De plus, « à peine 24,5% des personnes âgées de plus de 60 disposent d'une couverture retraite, soit un effectif de 868.000 personnes pour une population totale de près de 3,5 millions d'individus », déclare Ahmed Réda Chami citant les chiffres de l'Autorité de contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS). « Ces chiffres devraient nous faire peur à tous », estime-t-il. Pour favoriser la cohésion sociale, Reda Chami a fait part de la nécessité de mettre la solidarité comme élément clé. A cet effet, il préconise l'instauration d'un « revenu minimum vieillesse » parce qu' »il ne peut y avoir qu'un seul Maroc, il ne peut pas y avoir deux Maroc. Un Maroc où les gens sont couverts, un Maroc où des gens peuvent couler une retraite tranquille et d'autres qui ne peuvent pas », estime-t-il.