Carlos Ghosn n'est pas au bout de ses peines. Placé en détention au Japon pour malversations financières, il voit impuissant les accusations se succéder, entravant à chaque fois ses possibilités de libération. Les démêlés judiciaires de Ghosn ont aussi des implications...jusqu'en France, où le constructeur Renault, partie de l'alliance que conduisait le franco-libanais, peine à sortir de la situation où il s'est retrouvé et s'attèle à trouver une issue. Dans ce sens, Paris a demandé, dimanche 20 janvier, à Nissan d'envisager une fusion entre Renault et le constructeur japonais. Ce qui reviendrait à une sorte d'absorption, et automatiquement un changement de direction. Si cette proposition de fusion, effectivement mise sur la table par les partenaires français, bénéficie du soutien d'Emanuel Macron, l'Etat français étant détenteur de 15,01% de Renault, elle n'est pas du tout du goût d'un certain Hiroto Saikawa, actuel PDG de Nissan qui a renversé son mentor Carlos Ghosn pour s'emparer de la présidence du constructeur. D'ailleurs, Nissan a du mal à accepter le jeu de pouvoir entre lui et Renault, qu'il juge non équilibré. Plus encore, le ministre français de l'Economie, Bruno Le Maire, a clairement déclaré que Renault cherchait un nouveau PDG pour remplacer Carlos Ghosn à la tête du constructeur au losange. Il a, de même, réaffirmé son soutien à la présomption d'innocence. Pour Hiroto Saikawa, le message est clair, il est indésirable dans l'alliance. Qui est Hiroto Saikawa ? Le tombeur de Carlos Ghosn n'est autre que son mentor, qui faisait office de chef exécutif du constructeur depuis 2017. Arès la chute de son ancien patron, à laquelle il a grandement contribué, il s'est retrouvé seul maître à bord. Mais apparemment plus pour longtemps. Et pourtant Hiroto Saikawa a tout fait pour déloger Ghosn, n'a reculé devant rien, même pas la trahison. Celui dont Ghosn avait fait son poulain, lui a tourné le dos, et plaidé, avec acharnement sa destitution, aussi bien devant la presse, que lors des réunions avec les actionnaires. Dès le déclenchement de cette affaire de malversations, il était monté au créneau pour fustiger le « côté obscur » du règne de Ghosn, sur la base des conclusions d'une enquête interne et sans même attendre les résultats des investigations judiciaires. « Je ressens une profonde déception, de la frustration, du désespoir même. De l'indignation et du ressentiment », avait-il lancé devant le conseil d'administration, balayant d'un revers de la main une relation longue de 20 ans. En 2017, Ghosn avait décidé de le propulser encore plus haut dans la hiérarchie, en lui passant les commandes exécutives du groupe « pour se consacrer à la consolidation de l'alliance ». « Vient un temps où il faut passer le relais à quelqu'un d'autre. J'ai toujours dit que je voulais qu'un Japonais me succède et cela fait des années que je prépare M. Saikawa », avait fièrement déclaré le Franco-Libanais-Brésilien. Fort d'une carrière exemplaire de 40 ans chez le constructeur japonais, Saikawa était surnommé le « Brutus » de Carlos Ghosn. En « fidèle » lieutenant, il avait œuvré pendant 15 ans à ses côtés à redresser Nissan dont il est un pur produit. Entré chez le constructeur japonais à à peine 24 ans, fraîchement diplômé, Hiroto Saikawa a patiemment gravi tous les échelons, pour devenir PDG en avril 2017. En le nommant, Ghosn n'avait pas tari d'éloges sur celui qui « a vécu avec moi tout le processus de transformation de Nissan. Je lui fais entièrement confiance. Il pense ce que je pense ». Pas vraiment ! Si Saikawa a concédé, du bout des lèvres, qu'il « ne faut pas oublier tout ce que M. Ghosn a fait pour le groupe », il ne l'en a pas moins chargé avec véhémence jusqu'à obtenir la destitution, et comme bonus, le fauteuil de celui dont il supportait de moins en moins l'autorité (et la notoriété). Mais jusqu'à quand ? Les Français semblent déterminés à prendre les choses en main, et ils sont bien placés pour le faire. En effet, Renault est actionnaire à hauteur de 43% de Nissan, qui a été sauvé par Carlos Ghosn de la faillite en 1999, mais à présent le chiffre d'affaire du constructeur japonais est bien plus important que celui du Français, ce qui dérange le PDG actuel de Nissan, Hiroto Saikawa. Nissan est également actionnaire chez Renault, mais à seulement 15% sans avoir de droit de vote et, possède également 34% de Mitsubishi, également sauvée d'un scandale de falsification par Carlos Ghosn à l'époque. Dans le cas de la réalisation du scénario proposé par Paris, Nissan et Mitsubishi seront encore plus sous la coupe du gouvernement français, qui ne laisse rien filtrer du sort qui pourrait être réservé Hiroto Saikawa.