Pendant plus de 13 années, les relations entre Rabat et Pretoria étaient au froid. En cause ? Le soutien apporté par l'ancien président Thabo Mbeki aux aspirations indépendantistes au Sahara. Mais depuis le retour du Maroc au giron africain en 2016, et la rencontre du Roi Mohammed VI avec l'ancien chef de l'Etat, Jacob Zuma, une volonté commune de normalisation s'était manifestée, suivie d'un échange d'ambassadeurs, une opération interrompue depuis 2006. Toutefois, et à contre-courant, le président du parti au pouvoir, l'African National Congress (ANC) et de l'Etat, Cyril Ramaphosa, a fait une sortie des plus inattendues. Intervenant, samedi soir à Durban, lors d'un meeting populaire marquant le 107e anniversaire de la création de l'ANC, le chef de l'Etat sud-africain, a promis un « soutien fort » à la thèse séparatiste du polisario. Ramaphosa a, ainsi, réaffirmé sa volonté de mettre à profit le mandat de son pays au Conseil de sécurité pour « l'indépendance » du Sahara. Cette promesse avait déjà été faite, par deux hauts responsables sud-africains, à savoir le Premier Secrétaire politique à l'Ambassade sud-africaine à Alger, Mzi Botha, et la ministre sud-africaine des affaires étrangères, Lindiwe Sisulu. Lire aussi: Sahara: Cyril Ramaphosa promet un soutien « inconditionnel » au polisario Tous deux avaient exprimé la volonté, voire l'intention, de Pretoria de mettre à profit son entrée au Conseil de sécurité qui a pris effet le 1er janvier 2019, pour agir dans le sens de « l'indépendance du Sahara ». Retour à la raison Et pourtant, dans un moment de lucidité politique et de soutien à la légalité et la légitimité, Jacob Zuma avait décidé de tourner le dos à l'un des axes forts (et factices) de la diplomatie de l'ANC. « Le Maroc est une nation africaine, il est normal d'avoir des relations diplomatiques avec eux », disait-il au moment (2017) où les deux pays décidaient de renouer et de rétablir leurs relations diplomatiques. Jacob Zuma avouait d'ailleurs n'avoir jamais eu de problème avec ses homologues marocains, qui tenait-il à rappeler, avaient pris l'initiative de la rupture en protestation contre une politique à laquelle il avait décidé de s'inscrire en faux. Néanmoins, ce retour à la raison ne fait apparemment pas l'unanimité au sein d'une frange radicale de l'ANC, nostalgique des temps de la guerre froide et restée fidèle à sa position pro-polisario. La nouvelle direction s'est donc empressée d'opérer le retour en arrière pour réaffirmer son soutien à une cause séparatiste, soit une attitude condamnée au sein même du parti, dont la chargée des relations internationales a déploré « un retour en arrière et une décision qui va peser avant tout sur l'avenir » de la région. En se rangeant donc du côté des séparatistes, Pretoria se met en contradiction avec ses cadres mêmes, sa population et la majorité des pays africains. Et pourtant l'histoire… Cette position est également à contre-courant de l'histoire même de l'Afrique du sud, et de tout le continent. Zuma a rappelé à cet égard que le Maroc a été l'un des pays où l'ancien président Nelson Mandela s'était rendu pour chercher un expérience militaire au début des années 1960 et pour former les militants d'Umkhonto we Sizwe, l'aile armée de l'ANC. Les Marocains les ont beaucoup aidés, et « c'est pour ces raisons que Mandela a senti, après sa remise en liberté (en 1990), qu'il était nécessaire de se rendre au Maroc pour remercier les Marocains », a-t-il dit. Cette main tendue avait d'ailleurs été rappelée par Mohammed VI dans le message de condoléances adressé à Pretoria au décès de Mamdela en 2013. « Le défunt a développé une relation toute particulière avec mon pays qui l'a soutenu, dès la première heure de sa lutte contre l'Apartheid. Feu Mandela a, ainsi, effectué de longs séjours au Maroc, au début des années 60, au cours desquels le regretté a bénéficié d'un appui pionnier, politique et matériel à son action », avait notamment souligné le roi. Un choix regrettable Toutefois, Pretoria semble avoir choisi le retour en arrière en totale rupture avec les espoirs nés du réchauffement des relations bilatérales, qui était tout prédestiné à «briser la glace» entre les deux pays. Pretoria a opté pour l'hostilité, alors que le Maroc et l'Afrique du Sud, deux puissances continentales, et deux pôles importants de stabilité politique et de développement économique, de l'extrême nord et l'extrême sud du continent, ont tout intérêt à travailler ensemble, main dans la main, pour se projeter dans un avenir prometteur.