Face à des soupçons de mauvaise gestion des fonds publics, la Cour des comptes a lancé une vaste opération d'audit ciblant les prêts contractés par certaines collectivités territoriales auprès de la Banque de développement des territoires. Des rapports signalent un gaspillage de fonds dans des projets inachevés et des dépenses non productives, contribuant à l'endettement des collectivités bénéficiaires. L'enquête révèle également l'implication d'anciens élus, aujourd'hui parlementaires, dans des pratiques douteuses liées à l'attribution des marchés publics. Des sources bien informées ont confié à Hespress que la Cour des comptes a récemment redéployé les missions de ses équipes régionales d'inspection, relevant des Chambres régionales des comptes de Casablanca-Settat et de Marrakech-Safi. Sur instruction centrale, ces équipes procèdent à un audit approfondi des prêts contractés par certaines collectivités territoriales auprès du Fonds d'équipement communal, désormais appelé « Banque de développement des territoires ». Cette initiative fait suite à la réception de rapports accablants signalant un gaspillage considérable de fonds dans des projets inachevés ou en difficulté, ainsi que dans des dépenses non productives, contribuant ainsi à l'aggravation de l'endettement des collectivités bénéficiaires. Les premières analyses ont d'ores et déjà mis en évidence de graves irrégularités dans la gestion des marchés publics et des bons de commande au sein de ces collectivités. Les inspecteurs se concentrent notamment sur le suivi des financements alloués à des projets d'infrastructure, tels que l'élargissement des routes, l'amélioration de l'éclairage public et la construction d'équipements de services, financés par des emprunts auprès de la Banque de développement des territoires. Les premières investigations ont révélé d'importantes anomalies dans les dossiers de demande de prêts, en particulier concernant la situation financière et comptable des collectivités bénéficiaires. L'analyse des budgets a fait apparaître des contradictions flagrantes : une hausse alarmante des dépenses, y compris des besoins de financement, contrastant avec une diminution préoccupante des ressources, notamment les recettes non recouvrées inscrites sous la rubrique « reste à recouvrer« . Les sources du journal rapportent également que "les magistrats de la Cour des comptes se sont appuyés sur des rapports et des signalements impliquant d'anciens présidents de collectivités, aujourd'hui députés, qui détiennent des entreprises spécialisées dans les travaux et l'équipement". Ces derniers auraient exploité les prêts accordés par la Banque de développement des terroirs pour orchestrer des marchés publics et des bons de commande en leur faveur, générant ainsi d'importants profits en dehors du cadre légal. De plus, les rapports mentionnent qu'ils "auraient exercé des pressions sur des présidents de groupes parlementaires et de commissions, notamment celles de l'Intérieur et des infrastructures, afin d'orienter les débats vers des sujets tels que la faillite des petites et moyennes entreprises, les retards de paiement ou encore l'inéquité dans l'attribution des marchés publics". L'article 214 de la loi organique 113-14 relative aux collectivités territoriales stipule que les finances des collectivités sont soumises au contrôle des Chambres régionales des comptes, conformément à la législation en vigueur sur les juridictions financières. Par ailleurs, leurs opérations financières et comptables doivent faire l'objet d'un audit annuel, réalisé par l'Inspection générale des finances ou l'Inspection générale de l'administration territoriale, soit indépendamment, soit conjointement, ou encore par un organe d'audit mandaté, dont les compétences sont définies par une décision conjointe du ministère de l'Intérieur et du ministère des Finances. Un rapport est ensuite établi et transmis au président du conseil communal, au gouverneur de la préfecture ou de la province concernée, ainsi qu'à la Chambre régionale des comptes compétente, qui prend les mesures qu'elle juge nécessaires en fonction des conclusions de l'audit. Le président du conseil communal est tenu de transmettre une copie du rapport au conseil, qui peut en débattre sans pour autant adopter une décision spécifique à ce sujet. D'après les mêmes sources, ces nouveaux audits visent à rassembler des données actualisées sur la situation financière et l'endettement des collectivités territoriales, afin d'optimiser les mécanismes de soutien et de financement de la Banque de développement des territoires pour l'année en cours. Cela concerne notamment les prêts en cours de demande ainsi que les parts de la taxe sur la valeur ajoutée transférées aux différentes collectivités. Par ailleurs, Abdelouafi Laftit, ministre de l'Intérieur, a adressé plusieurs circulaires aux responsables de l'administration territoriale (walis et gouverneurs), ainsi qu'aux présidents des collectivités, les appelant à renforcer l'efficacité du recouvrement des taxes locales, à rationaliser la gestion des contentieux judiciaires et à maîtriser les charges financières qui en découlent dans les budgets des collectivités.