Île du Lido, dans la lagune de Venise. Sous un soleil de plomb, caractéristique des saisons estivales en Italie du Nord, les professionnels du cinéma du monde entier s'activent depuis le 28 août 2024 dans le cadre de la célèbre Mostra, le festival emblématique qu'accueille chaque année la cité des Doges. Parmi eux, une délégation marocaine nombreuse, présidée par le directeur du Centre cinématographique marocain (CCM), Abdelaziz El Bouzdaini, le nouveau champion en chef du septième art national, comme d'aucuns, dans le microcosme médiatique, désignent désormais ce haut fonctionnaire qui occupe, par ailleurs, le poste de secrétaire général du département de la Communication. À Venise, M. El Bouzdaini a d'ailleurs, selon les différentes sources consultées par nos soins, mis les petits plats dans les grands pour tenir sa réputation. Au deuxième jour du festival, ce 29 août 2024, il a été un des initiateurs d'un panel au cours duquel quatre maisons de productions marocaines ont eu l'occasion d'échanger longuement avec des interlocuteurs étrangers en vue de dénicher des opportunités susceptibles d'offrir des débouchés à la production cinématographique "made in Maroc". "Je pense que nos vis-à-vis ont été séduits", confie, malicieusement, une de nos sources, non sans laisser entendre que des accords seraient à l'étude pour être conclus ultérieurement. Nommé en janvier 2023 afin de jouer, au départ, un simple rôle d'intérim, M. El Bouzdaini s'est aujourd'hui bien installé à la tête du CCM, à la force d'un travail sans relâche mené essentiellement dans les coulisses, et en dépit de moyens pécuniaires limités – le budget du Centre n'a pas particulièrement augmenté au cours des dernières années -, pour faire trôner le cinéma marocain à la place qui lui sied réellement, comme le confie un de ses plus proches collaborateurs. Moins en vue publiquement, à l'évidence, que certains de ses prédécesseurs, l'intéressé s'est attelé à faire gagner des pas au Maroc sur le plan du lobbying, "là où tout se joue vraiment". À l'exception notable de Faouzi Bensaïdi, dont le film, Volubilis, avait fait partie de la sélection officielle en 2017, les cinéastes marocains ont, à titre d'exemple, été généralement absents de la Mostra de Venise, alors même que beaucoup auraient sans doute largement mérité d'y figurer. Comme allait rapidement le relever M. El Bouzdaini dès ses premiers mois de mandat, le volet artistique seul ne constituait qu'une partie de l'équation, pour important qu'il soit. "Croire qu'un film aura du succès simplement parce qu'il est bien, c'est juste jusqu'à un certain point, mais ce n'est pas tout. Il faut aussi faire un travail politique derrière, et je peux vous dire qu'à ce niveau on est, conformément aux hautes directives de Sa Majesté pour faire avancer le soft power de notre pays, en train de mettre le paquet", nous indique-t-on. C'est ainsi que M. El Bouzdaini a, en dépit d'un agenda fort chargé, tenu à être personnellement présent aux festivals qui comptent le plus dans "l'arène" mondiale du cinéma. Outre la Mostra, il a également été à pied d'œuvre à Cannes en 2023 et 2024; à la Berlinale de 2024. Et à chaque fois, il tient à être accompagné par des représentants du cinéma marocain qui sont susceptibles d'intéresser à l'international et, par conséquent, de décrocher des contrats à même de profiter au pays entier. À ce propos, ce n'est, en fin de compte, pas une surprise que pour la première fois de son Histoire, le Maroc ait recueilli, au cours de l'année 2023, plus d'un milliards de dirhams au niveau des recettes de la production étrangère effectuée sur son territoire. Un chiffre qu'au sein du CCM on espère bien voir doubler à l'horizon de la fin de l'exercice 2024. Selon des sources concordantes, le seuil de 700 millions de dirhams aurait déjà été dépassé pour le premier semestre. En juin 2024, c'est une percée importante que la production cinématographique marocaine a réalisé grâce à M. El Bouzdaini. Pendant près d'une semaine, accompagné par les directeurs de la production de la Société nationale de radiodiffusion et de télévision (SNRT) et de 2M ainsi que de quatre maisons de productions et de quatre porteurs de projet, il a été sur les devants au Festival d'Annecy, dans le Sud-Est de la France, pour faciliter la signature d'accords internationaux pour le Maroc, mais cette fois dans le domaine de l'animation, où le Royaume cherche depuis un certain nombre d'années à se tailler une place au soleil, sans toutefois encore être au niveau de certains autres pays africains comme le Nigéria, davantage expérimentés. "Mais dans le monde arabe, nous sommes actuellement en train de prendre le leadership, et je crois savoir que certains pays du Golfe ont été très inspirés par notre participation à Annecy. Ils ne manqueront sans doute pas de nous rejoindre en 2025", anticipe-t-on déjà, non sans bien mettre en avant la nécessité "impérieuse" qu'il y a à se mettre rapidement au diapason sous peine de se faire distancer de façon décisive. Une fois la Mostra finie, le 7 septembre 2024, c'est l'événementiel plutôt national qui, dans l'agenda du CCM, prendra le relais, avec la tenue, du 18 au 26 octobre 2024, du festival de Tanger, suivi par le festival de Marrakech du 29 novembre au 7 décembre 2024. Des rendez-vous où M. El Bouzdaini espérera sans doute que le cinéma marocain puisse encore briller de tous ses feux -rappelons que le festival de Marrakech avait, pour la première fois en 2023, consacré un ressortissant national, en l'occurrence Asmae El Moudir. Depuis Venise, c'est en tout cas un pas décisif que le patron du CCM vient encore de faire franchir à l'industrie cinématographique marocaine, indéniablement ravie aux anges d'avoir à la barre un capitaine aussi engagé...