Une étude récente, publiée dans une revue académique multidisciplinaire spécialisée dans la recherche et les politiques de protection de l'enfance et de la jeunesse vulnérable, révèle des chiffres inquiétants concernant les jeunes Marocains qui ne travaillent pas, ne suivent pas d'études et ne sont inscrits à aucune formation, communément appelés « NEET » dans le jargon scientifique. Cette étude, qui se concentre sur l'année 2019, met en lumière un problème majeur pour le Royaume, avec un coût estimé à plus de 115 milliards de dirhams. Les résultats de l'étude montrent que le coût direct pour les finances publiques des jeunes NEET au Maroc s'élève à plus de 60 milliards de dirhams (précisément 60.592.858 600 dirhams). À cela s'ajoute un coût d'opportunité, c'est-à-dire les pertes potentielles liées au fait que ces jeunes ne participent pas au marché du travail, estimé à plus de 55 milliards de dirhams (55.043.899.000 dirhams). Au total, ce sont plus de 115 milliards de dirhams qui pèsent lourdement sur l'économie marocaine, compromettant ainsi les efforts de développement du pays. Cette étude intitulée « Estimation des coûts à court terme des jeunes ni en études, ni en emploi, ni en formation : preuves du Maroc » (« Estimation of the short-term costs of youths not in education, employment or training: evidence from Morocco »), a été menée par la professeure Mariem Liouaeddine du Laboratoire de recherche en économie et politiques publiques de l'Université Ibn Tofaïl de Kénitra, en collaboration avec Abderrahmane Oudad, étudiant-chercheur. Des résultats incomplets mais préoccupants Malgré l'absence de certaines données cruciales, comme celles relatives à la consommation de drogues ou à la criminalité, les chercheurs soulignent que les résultats obtenus sont déjà suffisamment alarmants. Ces manques signifient que les coûts réels pourraient être encore plus élevés que ce qui est actuellement estimé. L'étude, qui s'est étalée sur près de trois ans (2021-2024), met en évidence le poids particulièrement lourd que représente cette catégorie de jeunes pour le budget de l'État, drainant des ressources précieuses dans les secteurs sociaux. Les jeunes femmes marocaines des zones rurales sont particulièrement touchées, représentant une proportion importante des jeunes NEET dans le pays. Des recommandations urgentes pour l'avenir Face à cette situation, les auteurs de l'étude plaident pour la mise en œuvre de politiques publiques et de programmes spécifiques pour intégrer les jeunes NEET dans l'éducation, l'emploi ou la formation. Cela permettrait non seulement de réduire leur impact social, mais aussi de contribuer à un avenir socio-économique plus durable pour le Maroc. Dans un commentaire pour Hespress, la professeure Mariem Liouaeddine a souligné que ces résultats démontrent clairement la pression croissante sur les finances publiques et l'importance de promouvoir l'intégration sociale à long terme. « Le taux élevé de jeunes femmes non inscrites dans l'éducation, l'emploi ou la formation appelle des interventions ciblées et précises », a-t-elle ajouté. Cette étude, la première de ce genre au Maroc, offre une analyse détaillée des coûts associés aux jeunes NEET, non seulement au niveau national, mais aussi en montrant comment ces résultats pourraient s'appliquer à des contextes similaires dans le monde. Pour les chercheurs, il s'agit d'une documentation cruciale pour orienter les futures politiques en matière de jeunesse et d'emploi. Une préoccupation mondiale renforcée par la pandémie La publication de cette étude coïncide avec un rapport de l'Organisation Internationale du Travail (OIT), publié une semaine plus tôt, qui met en garde contre une augmentation inquiétante des jeunes NEET dans la région du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, en particulier parmi les jeunes instruits. Ce rapport, publié à l'occasion de la Journée Internationale de la Jeunesse (12 août), met en lumière une problématique qui dépasse largement les frontières du Maroc. Le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) du Maroc avait déjà tiré la sonnette d'alarme en mai 2024, soulignant que le Royaume dispose d'un potentiel énorme dans sa jeunesse, avec environ 6 millions de Marocains âgés de 15 à 24 ans. Toutefois, l'arrivée de nouvelles vagues de jeunes dans la catégorie des NEET, estimée à 1,5 million par le Haut-Commissariat au Plan, constitue un défi de taille pour le pays. Une méthodologie rigoureuse pour des résultats fiables Pour arriver à ces résultats, les chercheurs ont utilisé une méthodologie d'estimation basée sur des études similaires menées au Royaume-Uni. Cette approche en trois étapes a permis de comparer les coûts entre les jeunes NEET et non-NEET, de déterminer le coût par personne, et enfin de multiplier ces coûts par le nombre total de jeunes concernés. Malgré les lacunes de données, cette étude représente une avancée significative dans la compréhension des enjeux économiques et sociaux liés aux jeunes NEET au Maroc. Les auteurs appellent à des recherches supplémentaires pour affiner ces estimations et mieux orienter les politiques publiques. Un appel à l'action L'étude conclut sur une note d'urgence : le problème des jeunes NEET doit être traité comme une priorité nationale, tant pour éviter des pertes économiques colossales que pour assurer un avenir plus prometteur aux jeunes générations du Maroc. Le temps est venu d'agir pour transformer ces défis en opportunités.