Pour assurer une couverture nationale en 5G et en fibre optique, il est urgent de faire appel aux opérateurs d'infrastructures dès cette année 2024 pour déployer les réseaux nécessaires. À défaut, et si nous restons dans la configuration actuelle où chacun des trois opérateurs « tire son câble », nous risquons de ne pas répondre aux prérequis pour l'organisation de la Coupe du monde en 2030 et de manquer une occasion en or de doter le Maroc d'une infrastructure de très haute qualité. L'échéance de 2030 approche et les projets de déploiement de réseaux internet mobiles et fixes à très haut débit ne sont pas moins importants que la construction de stades, de routes ou de lignes ferroviaires. Le Qatar s'est attelé dès 2009 au déploiement de réseaux internet à très haut débit pour accueillir la Coupe du monde en 2022, et le Maroc doit s'y atteler dès cette année 2024 sous peine de se retrouver hors délai, prévient l'expert en IT et télécoms, Khalid Ziani. Changer l'organisation actuelle du secteur des télécoms « Le déploiement de la 5G avant 2030 ne sera pas possible si nous continuons avec l'organisation actuelle du secteur des télécommunications », déclare Ziani à Hespress fr. D'après cet expert, par ses récentes déclarations, la ministre déléguée chargée de la Transition numérique, « nous a rassurés sur le fait que nous serons prêts en 2030 et que la 5G sera bien déployée au Maroc. Cependant, elle n'a pas précisé le périmètre de cette 5G, à savoir si seules les villes abritant les matchs de la Coupe du monde seront ciblées, ou si cette couverture 5G couvrira l'ensemble du pays ». La deuxième imprécision, poursuit Khalid Ziani, « tient au fait que la ministre a dit que ce déploiement se ferait à moyen terme, alors qu'elle aurait pu être plus affirmative et dire quand les fréquences seraient attribuées aux trois opérateurs ». Le troisième élément à prendre en compte est que la 5G offre des débits internet très élevés, entre 30 et 300 mégabits par seconde. Pour que les connexions soient donc possibles, il faut que les réseaux de fibre optique des trois opérateurs aient des capacités internet très élevées, dix fois supérieures à ce qu'elles sont à l'heure actuelle. « Or, le point faible du Maroc et des trois opérateurs est justement ce réseau de fibre optique, qui est très insuffisant et montre déjà des signes de saturation, même pour la 4G », alerte l'expert. Le réseau de la fibre optique, soubassement des antennes de la 5G En ce qui concerne les réseaux de fibre optique, qui constituent le soubassement des antennes 5G, « nous n'avons malheureusement pas beaucoup avancé et le Maroc reste très mal classé dans le secteur du fixe, avec seulement 850.000 prises FTTH, alors qu'on devait être à fin 2023 à 2 millions », explique Khalid Ziani. « Nous sommes donc très loin de nos objectifs de déploiement de la fibre optique, et c'est ce facteur qui déterminera si nous serions prêts pour la Coupe du monde de 2030, c'est-à-dire la capacité totale de déploiement de la fibre sur l'ensemble du territoire marocain », dit-il, notant que « nous devons, au moins, atteindre des capacités similaires à celles de nos voisins, c'est-à-dire l'Espagne et le Portugal qui, eux, couvrent respectivement 92% et 84% de leurs territoires en fibre optique ». Et d'ajouter : « nous n'avons pas encore déployé la fibre optique qui supportera la 5G. Comment expliquer ce retard ? La réponse est que nous n'avons pas mis en œuvre la législation introduisant les opérateurs d'infrastructures de télécommunications, qui se chargent de déployer la fibre optique pour le compte des opérateurs télécoms et d'une manière mutualisée ». « Nous n'avons déjà pas pris le bon virage en 2010 pour créer des opérateurs d'infrastructures et donc séparer la partie « infrastructures » de la partie « services » dans l'activité des trois opérateurs, et en conséquence nous avons peiné à imposer le partage de l'infrastructure entre ces derniers », explique encore Khalid Ziani. Comment cela se traduit-il dans la pratique ? «Actuellement, si un opérateur a installé un réseau de fibre optique dans une rue X, les habitants de cette rue seront contraints de passer par cet opérateur pour y accéder », souligne l'expert. L'absence donc de la mutualisation au Maroc ne permet pas, de l'avis de Khalid Ziani, la concurrence dans le secteur des télécoms sur le fixe et l'absence d'opérateurs d'infrastructures ne permet pas non plus l'émergence de cette concurrence. « C'est l'erreur que nous avons commise depuis 10 ans, et c'est l'erreur à laquelle l'ANRT s'accroche, car bien qu'elle ait annoncé dans la note d'orientation générale de 2023 qu'elle allait faire appel à des opérateurs d'infrastructures, elle ne l'a toujours pas fait », souligne-t-il. Et l'expert de développer : « si nous voulons répondre aux standards de la FIFA d'ici 2030, qui consistent en un très haut débit mobile, c'est-à-dire la 5G, mais pas uniquement, étant donné que nous devons également être en mesure de fournir des connexions Internet en fibre optique à très haut débit pour les diffuseurs de matchs qui transmettront les rencontres dans le monde entier. Nous aurons également besoin de liaisons par câble sous-marin avec le reste du monde. Il semble absurde de devoir passer par l'Espagne ou le Portugal pour accéder au reste du monde. Nous devrions avoir notre propre capacité Internet ! ». Pour atteindre cet objectif, il est urgent d'attribuer dès 2024 des licences spéciales aux opérateurs d'infrastructure qui se chargeront de déployer la fibre sur l'ensemble du territoire. Et dans la réglementation, les trois opérateurs actuellement détenteurs de licences auront tout intérêt à mutualiser leurs investissements et à passer par des opérateurs d'infrastructures pour que leurs investissements soient moins coûteux, fait savoir Khalid Ziani.