Un hommage appuyé a été rendu au Sénégalais Souleymane Bachir Diagne, figure emblématique de la philosophie en Afrique, lors d'une rencontre organisée dimanche à Rabat, dans le cadre de la 29ème édition du Salon International de l'Edition et du Livre (SIEL). Lors de cet hommage, qui coïncide avec l'investiture cette semaine de M. Diagne en tant que membre associé de l'Académie du Royaume du Maroc, le philosophe sénégalais est revenu en détail sur l'essentiel de sa réflexion, mettant en avant l'importance de la traduction en tant que fil conducteur entre tous ses travaux. M. Diagne, auteur de nombreux travaux sur l'histoire de la philosophie et de la logique algébrique, l'histoire de la philosophie dans le monde musulman et la philosophie africaine, a ainsi souligné l'importance de la traduction, comme facteur de transmission de la philosophie grecque dans le monde musulman, où elle s'est enrichie par un nouveau lexique, lui permettant une diffusion aussi bien au Moyen-Orient, au Maghreb qu'en Afrique de l'Ouest. Créant une réelle continuité entre les différentes régions d'Afrique, la transmission du savoir à travers la traduction a permis d'apporter "un double démenti" à la vision fragmentée d'Hegel concernant l'Afrique, puisqu'elle a démontré l'existence de "centres intellectuels" importants en Afrique de l'Ouest et de l'Est, a-t-il affirmé. Et d'ajouter que le Sahara a toujours été un espace de connexion, de rencontre et de passage de Oulémas et de pèlerins. M. Diagne a conclu son propos en mettant en avant sa perception « éthique » de la traduction, selon laquelle toutes les langues sont faites pour se rencontrer, surmontant ainsi les différences pour "faire humanité ensemble". A travers ses travaux, Souleymane Bachir Diagne appelle à une "réunification de l'Afrique", qu'il cherche à "remembrer" en reconstituant sa mémoire, saluant le leadership du Maroc en la matière. Souleymane Bachir Diagne est depuis 2008 professeur dans les départements d'Études francophones et de philosophie à Columbia University, où il dirige également l'Institut d'Etudes Africaines. Parmi ses dernières publications, En quête d'Afrique(s): Universalisme et pensée décoloniale (avec Jean-Loup Amselle, Albin Michel, 2018) ; La controverse. Dialogue sur l'islam (avec Rémi Brague, Stock, 2019) ; Le fagot de ma mémoire (Philippe Rey, 2021) ; De langue à langue. L'hospitalité de la traduction (Albin Michel, 2022). Il est également membre des académies de Belgique, des Etats-Unis et du Sénégal et se distingue comme étant un philosophe de la traduction et du dialogue entre Afrique et Occident, islam et modernité.