Le pouvoir algérien a annoncé avec « surprise » une nouvelle date pour les élections présidentielles prévues initialement en décembre. Alors que la presse et les observateurs misaient sur un report du scrutin, la présidence algérienne a annoncé une date anticipée de trois mois, sans fournir de justifications. Comme à son habitude, l'Algérie sort des conventions et crée la « surprise » comme pour fermer le clapet aux médias français qui se sont dépêchés de supposer un report plus que prévisible pour les prochaines échéances électorales. Jeudi, l'exécutif algérien a décidé de fixer la date de la présidentielle au 7 septembre, soit trois mois avant la date initialement prévue. « Il a été décidé d'organiser une élection présidentielle anticipée le 7 septembre 2024′′, a indiqué la présidence de la république dans un communiqué sans pour autant expliquer les raisons de cette décision. Le communiqué, ajoute que le corps électoral sera convoqué le 8 juin prochain. La décision a été actée à l'issue d'une réunion présidée par Abdelmadjid Tebboune, en présence notamment de son Premier ministre, des chefs des deux Chambres du Parlement, du chef d'État-major de l'armée, Said Chengriha et du président de la Cour constitutionnelle. Pourtant la loi électorale algérienne ne prévoit pas d'élections anticipées et dans l'histoire de l'Algérie, il n'y a eu qu'un seul précédent, en septembre 1998, lorsque l'ancien président Liamine Zeroual avait démissionné, donnant lieu à une élection au mois d'avril suivant. C'est un vrai coup de poker que le régime algérien est en train de jouer étant donné la grande impopularité du président Tebboune, mal élu en 2019, à l'issue d'un premier scrutin annulé par la force de la pression populaire, et une élection au forceps en décembre, émaillée d'un taux d'abstention historique et des soupçons de bourrages d'urnes. Des images et des déclarations d'Algériens, faisant état de la présence de militaires en civil et aux visages cachés, votant plusieurs fois, avaient circulé à l'époque. Abdelmadjid Tebboune, avait succédé à Abdelaziz Bouteflika qui avait dirigé le pays pendant 20 ans, dans un contexte marqué par le Hirak, un mouvement pacifique exprimant la révolte populaire, la forte envie de transition démocratique et la fin de la dictature militaire dans le pays. Le pouvoir algérien n'a pu mettre un terme au Hirak que grâce à la pandémie du Covid qui a empêché les manifestations. Après cinq années au pouvoir, le ras le bol des Algériens est palpable, aucun changement n'a été opéré dans le pays, et aucune des ambitions du peuple n'a été satisfaite. L'armée est plus que jamais au contrôle du pays, et les chances de voir Abdelmadjid Tebboune réélu sans embûches étaient jusque là minimes. Pourtant, le président algérien, aidé par les militaires, n'a cessé de faire taire l'opposition depuis son élection. Tous les moyens ont été utilisés pour réduire à néant toute figure politique qui pourrait avoir de la notoriété. Les emprisonnements abusifs, la dissolution de partis, et leur interdiction de tenir leurs assemblées générales, les poursuites judiciaires, ont frappé toutes les personnes susceptibles de faire de l'ombre au candidat choisi par l'institution militaire algérienne. Dans un rapport publié en février, l'ONG Amnesty International avait réitéré la répression des autorités algériennes était toujours de mise, elles continuent de « réprimer les droits à la liberté d'expression et de réunion pacifique », en « ciblant les voix critiques de la dissidence ». Face à la grande impopularité et le bilan d'étape catastrophique autant au niveau économique que diplomatiques, la mauvaise gestion des catastrophes naturelles, le duo Abdelmadjid Tebboune-Said Chengriha, était pour le moins, amené à reporter les élections présidentielles, selon les observateurs. Refusant que ce scénario ne soit annoncé et d'admettre une défaite, les autorités algériennes ont fait passer le message via l'agence officielle algérienne APS, le 24 février que « les élections auront lieu en temps tel que prévu par la Constitution ». « On savait que l'échéance électorale allait être respectée, après la réaction au vitriol de l'agence de presse officielle APS en réponse à une série d'articles parus à l'étranger sur un supposé report de cette élection, prévue normalement en décembre, mois clôturant le mandat du président en exercice, mais sans plus », a indiqué le site Algérie patriotique, dans un article qui s'étonne de l'anticipation du scrutin. La presse algérienne a été très timide pour réagir à cette nouvelle inattendue. Si les médias français soulèvent qu'il ne fait pas de doute qu'Abdelmadjid Tebboune se présentera à sa propre succession, certains médias algériens se posent la question. Selon Algérie patriotique, la supposition selon la quelle le président Tebboune, âgé de 78 ans, ne se représentera pas, ne peut être exclue. Cette hypothèse s'explique par l'avance de trois mois sur la fin de son mandat officiel, jugeant que cette démarche n'aurait « aucune explication rationnelle, ni politique, ni technique ». Et de se demander qui remplacera le président Tebboune au cas où il ferait le choix de renoncer, car, force est de constater que « ni dans les partis pro-pouvoir ni dans ceux de l'opposition émerge un nom qui pourrait prendre les rênes du pays ». Le média se demande aussi quel candidat serait « adoubé par l'institution militaire en charge de la sauvegarde de la sécurité et de la stabilité dans le pays » qui permettra de continuer sur la lancée auto-destructrice engagée depuis la présidence Tebboune. Deux théories se dégagent pour expliquer cette avance sur la date initiale des élections présidentielles. La première prévoit qu'en effet un report est posé sur la table, de ce fait un éventuel premier échec permettrait de rester dans les temps d'ici décembre. La seconde pourrait s'expliquer par la visite d'Etat que prévoit de faire Abdelmadjid Tebboune en France, entre août et octobre, selon la présidence algérienne. Certains médias parlent aussi d'un déplacement du président français, Emmanuel Macron, en Algérie durant ces mêmes dates. L'un ou l'autre déplacement, pourrait être utilisé comme un moyen de relancer la popularité du président algérien et faire oublier son bilan négatif.