Son intervention est attendue. Elle a été annoncée pour lundi prochain, c'est-à-dire après l'Acte 4 des Gilets jaunes. Mais Emanuel Macron doit-il parler ? Si oui, quand, et pour dire quoi ? La dernière intervention du chef de l'Etat français remonte au 1er décembre, l'Acte 3 qui avait enregistré des débordements graves et des dégâts impressionnants. Depuis, Macron est en mode silence et pour cause. Sa dernière (et unique) prise de parole n'a pas vraiment été un succès. Il s'était borné à dénoncer les violences commises à Paris, à écarter tout « recul », puis avait refusé de répondre aux questions des journalistes. Mais de l'eau a coulé sous les ponts depuis. Il y a bien eu recul sur la taxe des carburants et la hausse des prix du gaz et de l'électricité prévus dans le PLF2019, et même l'examen d'un rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé au début du quinquennat, est envisagé. L'inexpérience se paye Ce recul ne s'est pas fait de manière claire et nette, il a même donné lieu à une succession d'annonces : D'abord celle du Premier ministre Edouard Philippe sur un moratoire, puis face au refus exprimé par les gilets jeunes, l'annonce finalement de la suppression des taxes, puis de l'éventuelle reconsidération de l'ISF. Une cacophonie d'annonces, qui de toute façon, pour la plupart des protestataires arrivent trop tard et ne sont pas suffisantes. Hué et insulté, Macron a choisi de se murer dans son mutisme et de se contenter de constater les dégâts. Choix ou contrainte ? Toujours est-il, que ce faisant, il donne une impression de totale déconnexion avec les faits. Défaut de communication, peur de ne pas trouver les bons mots ou de proposer les bonnes solutions ? La gestion de cette crise est, en tout cas, très approximative, voire ratée, et dénote un vrai cafouillage et une réelle divergence au sein de l'exécutif. Choisir le bon moment Pour Jean-Marie Colombani, journaliste et essayiste français, « la véritable erreur réside dans le fait que personne n'avait pris la mesure de ce mouvement, ni pensait qu'il allait devenir ce qu'il est devenu ». La force de ce mouvement qui rassemble somme toute quelque 150.000 personnes sur l'ensemble du territoire, soit moins qu'une manifestation de la CGT, c'est le taux de soutien qu'il a obtenu dans l'opinion, estime-t-il. Pour lui, « si la température avait été prise à temps, la taxe aurait dû être retirée immédiatement, mais là on voit que l'exécutif navigue à vue, ce qui est attendu d'un gouvernement inexpérimenté qui se trouve face à une crise majeure ». Concernant la prise de parole de Macron, Colombani avance deux options : « On peut choisir de critiquer et de dire oui il ne s'est pas exprimé, il aurait dû pourtant..., soit comprendre que dans ce genre de situation, vaut mieux qu'il soit en surplomb et le gouvernement à la manœuvre ». En clair, Macron doit intervenir au moment qu'il faut, c'est-à-dire à un moment où il soit audible. « On l'a bien vu, poursuit le journaliste, le discours qu'il avait fait au milieu de la crise, a provoqué l'effet inverse, parce qu'il y a dans ce mouvement, et dans l'opinion en général, une composante anti-Macron très forte, qui marque un vrai divorce avec le pays ». Il va même plus loin en affirmant que dans un certain nombre de secteurs, il y a même une « volonté putschiste » qui se manifeste. Et de conclure que la prise de parole présidentielle « ne peut intervenir qu'à un moment où il peut être entendu par une majorité, plutôt que de parler avant, au risque d'énerver davantage, compte tenu de l'impopularité qui est la sienne ». Parler pour rassurer En attendant, Edouard Philippe joue les boucliers. C'est lui qui a reçu les chefs de partis, a annoncé un moratoire, puis l'annulation de la mesure, qu'il a dû également aller défendre devant l'Assemblée. En somme, il prend tous les coups. Mais devant l'ampleur de la crise, l'observation silencieuse est un luxe que Macron ne peut plus se permettre. La France est faite de gilets jaunes, certes, mais aussi de citoyens qui ont besoin d'être rassurés.