Comment faut-il interpréter le message adressé par le président français, Emmanuel Macron au Roi Mohammed VI du Maroc, à l'occasion de du 24è anniversaire de son accession au trône? Faut-il se contenter d'y voir un simple message de courtoisie républicaine rempli de bonnes intentions de circonstances, dégoulinant de bons sentiments qu'imposent les festivités du contexte ? Ou Faut-il dénicher des intentions codées pour redonner à la très froide relation entre la France et le Maroc la dynamique dont elle a grandement besoin? Déjà être astreint à surveiller les échanges de messages à des occasion officielles pour y décrypter les ingrédients d'une nouvelle politique, est en soi un révélateur de la profondeur de cette crise entre les deux pays. Le dialogue politique à haut niveau est quasi absent. Les échanges de visites officielles sont d'une révélatrice rareté. Et ce partenariat entre Paris et Rabat, jadis multiforme, gourmand en projets et en ambition, est en train de vivre aujourd'hui une sécheresse productrice d'angoisse et de pessimisme. Quand les observateurs des deux rives examinent le lexique utilisé par Emmanuel Macron pour parler et qualifier les enjeux de cette relation entre la France et le Maroc, la tentation est grande de mettre le verbe présidentiel en face de la réalité diplomatique du monde. Emmanuel Macron écrit que « la France, avec fidélité et respect, a toujours fait de la coopération avec le Maroc une priorité ». Comment cela est-il possible et crédible quand la diplomatie de l'Elysée a montré sa capacité à s'accommoder d'une situation de crise dans sa relation avec un pays censé être parmi les plus proches et les plus précieux. Ce silence d'Emmanuel Macron et de sa ministre des affaires étrangères, Catherine Colonna, a perduré malgré de nombreuses alertes émises par des personnalités de la société civile franco-marocaine qui ont à cœur la qualité des relations entre la France et le Maroc, ou des représentants éminents de la société politique française qui sont sortis de leur silence et de leur réserve au nom de la défense des intérêts supérieurs de l'axe Rabat-Paris sourdement menacés. Dans le verbatim du message présidentiel, il est possible de lire cette intention formulée par Emmanuel Macron qui s'est dit « convaincu de la capacité exemplaire du partenariat d'exception qui lie la France et le Maroc à apporter des réponses adaptées aux grands enjeux du moment ». Pour le Maroc, les grands enjeux du moment sont concentrés sur un point cardinal, celui de sa souveraineté incontestable sur ses provinces sahariennes. Rabat attend avec l'impatience qu'exige la qualité de l'amitié franco-marocaine, mais aussi la lenteur d'un Royaume qui dispose du temps long, que le président Macron puisse sortir sa diplomatie de la zone de confort dans laquelle il a installé son pays, à savoir un soutien du plan de l'autonomie proposé par le Maroc sans reconnaissance officielle de la marocanité du Sahara pour ne pas déplaire au régime algérien. Et c'est là où réside le noeud français au Maghreb. Paris repousse le moment de clarification et du choix définitif, car elle tarde à négocier ce virage avec le régime algérien pour lequel la décision de Paris de suivre le modèle américain, espagnol ou israélien est en soi une déclaration de guerre. Ces multiples freins propres à la politique française au Maghreb ne doivent pas tuer tout espoir de voir Paris donner dans un proche avenir une stimulation à ses rapports avec Rabat, justement pour ne pas courir le risque de laisser pourrir une crise froide entre les deux pays et perdre les nombreux atouts qui faisaient de cette relation entre le Maroc et la France une relation d'exception. Le président Emmanuel Macron dont le pays est dangereusement challengé dans la région du Sahel, a plus que jamais besoin d'amis sûrs et d'alliés incontournables. Persister dans le gris clair de sa vison des enjeux maghrébins est une politique perdante pour Paris. Accrocher ses wagons à la dynamique internationale qui souffle actuellement dans le voilier marocain ne peut être qu'une affaire gagnante pour tous. Depuis de nombreux mois, la balle est vraiment installée dans le jardin français, celui de l'Élysée en l'occurrence. Elle attend qu'Emmanuel Macron la prenne pour redonner à sa relation avec le Maroc le caractère exceptionnel qu'elle mérite et qu'elle n'aurait jamais dû perdre.