Après l'abandon de sa stratégie « zéro Covid » début décembre, la Chine fait face à un rebond inquiétant de l'épidémie partout dans le pays. Hôpitaux saturés, en majorité avec des patients âgés ou encore non vaccinés, service des urgences submergé, pharmacies prises d'assaut, crématoriums dépassés par l'afflux de corps, la Chine traverse une période difficile en raison de la propagation rapide du virus et la dominance des sous-variants BA.5 et BF.7. Cette situation a poussé plusieurs pays, dont le Maroc, à fermer leurs frontières à tous les voyageurs en provenance de Chine ou exiger un test PCR. Serait-on en train de revivre le même scénario de 2020 ? Devrons-nous s'attendre à des mesures encore plus draconiennes comme un confinement général ? x Publicité Sollicité à ce sujet par Hespress Fr, Pr. Moulay Mustapha Ennaji, virologue et directeur du laboratoire de virologie à l'Université Hassan II de Casablanca, estime que ce qui se passe n'est que la continuité de la chose. « Le problème est toujours le même, c'est-à-dire la pandémie de la Covid-19, mais sous une nouvelle version. La Chine avait adopté une stratégie zéro cas covid depuis près de 3 ans pour lutter contre la pandémie. Cela a engendré chez la population un manque d'immunité collective. Récemment, les autorités ont abandonné cette stratégie pour un retour à la vie normale. Et c'est là que le pays s'est rendu compte que la population n'était pas immunisée pour contrecarrer l'émergence du virus ou du variant BF.7 qui est le nouveau variant qui se propage rapidement en Chine« , nous explique le virologue. En faisant une petite comparaison avec le Maroc, Pr. Ennaji rappelle que le Royaume avait rapidement opté pour le vaccin anti-covid d'un côté, pour immuniser la population, et à côté, il y avait une liberté de circulation. Ce qui fait que les gens sont naturellement tombés malades. Et en tombant malade, il y a eu cette immunité collective, naturelle et acquise, renforcée par le vaccin. Et c'est ce tableau qui manquait au niveau de la Chine, souligne-t-il. Ce qui fait que pour la Chine, poursuit-il, « cet excès dans l'hygiène a conduit à cette situation. Aujourd'hui, le pays enregistre 37 millions de cas par jour. C'est donc un véritable foyer épidémiologique. Et la conséquence de cette hausse des cas, n'est autre que l'effondrement du système de santé, malgré les moyens dont il dispose. Les gens n'arrivent plus à trouver une place à l'hôpital ou encore en réanimation« . Au vu de cette situation critique que traverse la Chine, certains pays, outre le Maroc, ont pris la décision de la vigilance, souligne Pr. Ennaji, en décidant de fermer leurs frontières à la Chine, notant qu'on « ne parle pas de Chinois en particulier, mais de toute personne en provenance de Chine, ce qui est totalement différent« , a-t-il tenu à préciser. Des mesures jugées «dénuées de base scientifique» Suite à l'évolution de la situation épidémiologique en Chine, certains pays ont pris la décision de mettre en place des mesures de précaution à l'entrée visant les voyageurs en provenance de ce pays, que ce soit en interdisant l'accès des voyageurs au territoire ou en imposant des tests PCR à l'entrée. Des mesures jugées par Pékin comme étant « dénuées de base scientifique et inacceptables« , a affirmé le porte-parole du ministre Chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, prévenant ces pays que la Chine pourrait prendre des « contre-mesures » en représailles. Alors que le Maroc, conformément à sa politique préventive et anticipative, a décidé d'interdire à titre de précaution, l'accès à son territoire à tous les voyageurs, quelle que soit leur nationalité, en provenance de Chine, Pr. Ennaji n'a pas manqué de préciser que cette décision « ne remet pas en question nos relations avec la Chine. Mais, pour une question de santé publique, il fallait la prendre ». « Imaginez si ce variant, BF.7, arrive au Maroc. Notre système de santé, qui est extrêmement fragile en plus du fait que nous ne disposons pas des mêmes moyens que la Chine ou certains pays européens, risque de s'effondrer. Il fallait donc qu'on prenne des mesures très tôt pour éviter une flambée de cas au Maroc et retarder, le plus possible, l'arrivée de ce variant », insiste le spécialiste. Mais sur la question d'un remake du scénario de 2020, Pr. Ennaji reste optimiste et souligne qu'il est encore « prématuré« de parler d'un reconfinement ou d'une fermeture générale. « En 2019, il y a eu l'émergence d'un virus à haut risque en Chine. Début mars 2020, ce virus est arrivé au Maroc. Aujourd'hui, on ne parle pas d'un nouveau virus arrivé de Chine. Mais la situation dans ce pays nécessite tout de même de prendre quelques mesures restrictives et préventives pour contrecarrer le virus, surtout que, si ce nouveau variant, dont la caractéristique principale est sa forte propagation, arrive au Maroc, cela va être difficile pour nous », soutient-il. Concernant les pays pays d'Europe qui ont décidé d'imposer un test PCR de moins de 72h pour les voyageurs en provenance de Chine, à l'image de la France et l'Angleterre, le virologue a estimé que cette mesure n'était pas suffisante, car « la personne peut l'attraper en avion, et à son arrivée à destination, elle sera déjà porteuse du virus ». Pour conclure, le virologue a tenu à préciser qu'il y a plusieurs virus qui circulent en ce moment et qui présentent les mêmes symptômes. « Ces virus conduisent en quelque sorte à la même maladie. Le seul moyen pour faire la différence, c'est un diagnostic à travers un test PCR et non antigénique. Et à partir de là, il faudra prendre un traitement spécial prescrit par un médecin, selon la maladie », conseille-t-il. « Il y a deux leçons à tirer de cette situation. D'abord, les personnes qui ne se sont pas fait vacciner, c'est le moment de le faire. Que ce soit contre le Covid ou la grippe saisonnière. De l'autre côté, lorsqu'on est malade, il faut consulter et prendre une médication adaptée. Et bien sûr il ne faut pas oublier les mesures barrières, car les mesures prises par le Royaume ne sont que des mesures préventives pour retarder au maximum l'arrivée de ce variant au Maroc« , conclut le virologue.