Après les accusations portées par le Mali en août dernier, à l'encontre de la France pour « financement d'activités djihadistes » dans le pays, Paris se retrouve, encore une fois, au coeur d'un scandale international pour avoir tout bonnement « mis de l'argent entre les mains de l'Etat islamique ». On s'en souvient, le ministère malien des Affaires étrangères, avait adressé, le 15 août dernier, une lettre au Conseil de sécurité de l'ONU dans laquelle il accuse Paris de mener des activités « louches » et d'aider les djihadistes en leur fournissant des armes alors que la France était censée aider Bamako à ramener la paix et la stabilité via sa force Barkhane. La lettre mentionne que Paris a fourni des armes et des munitions à des groupes terroristes au Mali, ainsi que des renseignements. Cette affaire n'a pas encore livré tous ses secrets, et voilà qu'un autre scandale éclate outre Atlantique: Le groupe français Lafarge a été condamné pour « collaboration avec des groupes terroristes durant la guerre en Syrie », entre 2013 et 2014. C'est une phrase qui résume tout: « Au milieu d'une guerre civile, Lafarge a fait le choix impensable de mettre de l'argent entre les mains de l'EI, l'une des organisations terroristes les plus barbares au monde, afin de continuer à vendre du ciment ». C'est en ces termes que le procureur fédéral de Brooklyn, Breon Peace, a présenté l'affaire où le cimentier français a été condamné à une amende record, soit 778 millions de dollars, pour sa collaboration avec des groupes terroristes. Le procureur a durement attaqué le choix de l'entreprise française de rester en Syrie malgré la guerre civile qui y faisait rage entre 2012 et septembre 2014, date de l'arrêt de son activité, au prix du versement de commissions à divers groupes terroristes comme le Front Al-Nosra (à l'époque affilié à Al-Qaida) et l'EI. Pire, a-t-il ajouté, le groupe français a aussi « sollicité l'aide (du groupe terroriste ndlr) pour nuire à la concurrence de Lafarge en échange d'une partie » de ses ventes. En tout, Lafarge aurait versé, selon les estimations américaines, près de 6 millions de dollars à l'EI et au Front Al-Nosra entre août 2013 et octobre 2014 par le truchement de sa filiale syrienne, Lafarge Cement Syria, sous forme de versements directs, de commandes auprès de fournisseurs contrôlés par les groupes djihadistes, ou de reversements d'un pourcentage des ventes, ainsi que 1,1 million de dollars à des intermédiaires. Ces arrangements auraient permis à l'usine de Jalabiya, située au nord de la Syrie, de dégager 70 millions de dollars de chiffre d'affaires. De son côté, la justice française, qui a également ouvert une information judiciaire, évoque des versements entre 4,8 et 10 millions d'euros au profit de Daech. Lafarge est également suspecté d'avoir vendu à l'organisation terroriste du ciment de son usine, basée à Jalabiya, et d'avoir payé des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de factions djihadistes. Ces faits auraient été en partie commis sur le territoire français. Acculé, le groupe français a plaidé coupable pour éviter le déshonneur d'un procès et le risque d'une condamnation à des milliards de dollars de dommages et intérêts. Mais ce faisant, il achète aussi une « extinction des poursuites aux Etats-Unis ». Mais cela ne sera pas possible en France, où l'acte d'accusation implique, outre le « financement d'une entreprise terroriste », des mentions de « complicité de crimes contre l'humanité » et de « mise en danger de la vie » d'anciens salariés de l'usine de Jalabiya. Si les pièces liées à la procédure américaine peuvent être versées au dossier français, Lafarge ne pourra pas plaider coupable pour éviter les poursuites, la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), autrement dit payer une amende contre l'abandon des poursuites pénales, ne le permet pas quand il s'agit de soupçons de complicité de crimes contre l'humanité.