Devant les représentants de la Nation, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a présenté son plan « ambitieux » visant à réformer le système de santé. Notre système de santé connaît plusieurs lacunes depuis des décennies. Malgré la succession des gouvernements et des visions, aucun plan n'a pu réformer profondément le système en raison de plusieurs facteurs que la plupart connaissent (manque d'infrastructures, manque de ressources humaines, manque de motivation financière ...) et à leur tête, le manque de volonté. Ce lundi lors de la séance plénière des questions orales, le chef du gouvernement a parlé d'un plan « ambitieux » qui vise à accroître le nombre d'étudiants en métiers de médecine afin de combler le déficit en ressources humaines accusé dans le secteur de la santé. Ainsi, le plan d'Akhannouch prévoit l'augmentation du nombre des sièges pédagogiques destinés aux étudiants des facultés de médecine, de pharmacie et de médecine dentaire, ainsi que l'extension des cadres des stages pratiques afin qu'ils englobent les structures sanitaires régionales. Un plan qui sera activé à partir de l'année universitaire 2022/23, a promis le chef de l'Exécutif. Si ce plan est présenté comme étant « ambitieux« , il n'en est rien pour les étudiants en médecine qui sont actuellement dans un système universitaire « défaillant » malgré les nombreuses promesses avancées par les anciens gouvernements. Construction des facultés OUI, et les CHU ? Mohamed Kassimi Alaoui, coordinateur de la Commission nationale des étudiants en médecine au Maroc (CNEM) confie à Hespress Fr que les étudiants en médecine suivent de très près ce sujet depuis la publication du Nouveau modèle de développement dont l'objectif est d'atteindre, à l'horizon 2035, une moyenne de 45 cadres médicaux pour 10.000 habitants, alors que l'objectif fixé par l'OMS est de 23 cadres médicaux pour 10.000 habitants. « Notre Maroc a besoin de beaucoup plus de médecins. C'est une réalité. Cela dit, aujourd'hui nous avons les mêmes craintes exprimées vis-à-vis de l'intégration des étudiants marocains d'Ukraine qui se posent encore une fois vis-à-vis de l'augmentation des sièges pédagogiques« , nous dit Mohamed. Récemment, la CNEM a saisi le réseau des doyens des facultés de médecine publique et le ministère de l'Enseignement supérieur pour exposer sa réflexion sur la difficulté, voire l'impossibilité, d'augmenter les sièges pédagogiques, sans mesures d'accompagnements notamment l'augmentation des terrains de stage, à savoir les CHU (Centre hospitalier universitaire). « Ils disent vouloir augmenter le nombre de médecins. Comment ? En augmentant le nombre de facultés. Ils prévoient donc la construction de 3 facultés publiques et 3 facultés privées au Maroc pour l'année prochaine. Chose qui n'est pas si compliquée que ça puisqu'il 'agit de bâtiments et de murs. Mais qu'en est-il des terrains de stage qui devront accompagner la création de ces facultés et où les étudiants sont formés, en particulier les spécialistes ? Nous avons l'exemple d'Agadir et de Tanger où depuis 7 ans, toute une promotion n'a jamais mis les pieds dans un CHU« , relève le coordinateur de la CNEM. Le deuxième point avancé par notre interlocuteur, et qui connaît plusieurs lacunes selon lui, concerne la réduction de la durée de formation en médecine générale de 7 à 6 ans, actée en mars 2022, pour donner une année bonus pour l'injection de deux promotions dans le système de santé. « Notre première inquiétude concerne ces lauréats. On se demande ce qu'il en sera des postes budgétaires ou encore des postes de spécialité, puisque la plupart veulent se spécialiser et non rester dans la médecine générale. Ce qui fait que les CHU actuels ne peuvent pas accueillir un nombre correct d'étudiants souhaitant se spécialiser. En contrepartie, ces futurs médecins, on leur accorde une année bonus, mais on les condamne à rester +généralistes+ ou à quitter le pays pour faire leur spécialité à l'étranger. Nous n'arriverons donc jamais à réaliser les objectifs souhaités qui feront avancer le secteur« , estime Mohamed. Problème de gouvernance Toujours en ce qui concerne l'augmentation des sièges pédagogiques, notre interlocuteur avance que la CNEM était pour à 100%. Mais à condition qu'il y ait un accompagnement concret et sérieux en créant des terrains de stage (CHU, CHP (centre hospitalier provincial), CHR (centre hospitalier régional)) ou en consacrant un budget au réaménagement des structures actuelles pour qu'elles soient aptes à recevoir les étudiants et les résidants pour leur spécialité. Après, le coordinateur de la CNEM soulève un point important. Selon lui, « on ne peut pas se contenter de bâtir des facultés et des CHU sans augmenter le nombre de professeur et de cadres de santé« . « On nous a promis d'augmenter le nombre de cadres et de professeurs, mais conformément au ratio possible et aux normes. Mais on a plusieurs interrogations dans ce sens, puisqu'en 2019, nous avons eu des promesses qui n'ont jamais été tenues. Aujourd'hui, on formule les mêmes promesses, à savoir augmenter le nombre de professeurs et des postes budgétaires de l'enseignement supérieur et également des fonctionnaires. Mais le problème qui se pose, et que nous rappelons constamment, c'est la gouvernance« , souligne notre interlocuteur. En effet, Mohamed Kacimi avance qu'il ne suffit pas seulement de recruter des professeurs, mais il faut mettre en place des mécanismes pour les garder dans l'enseignement public vu qu'ils ne sont pas valorisés et leur salaire n'est pas suffisant. De même, notre interlocuteur précise qu'il n'y a aucun mécanisme qui contrôle leur rendement, leur disponibilité au niveau des CHU puisqu'ils ont le droit d'aller bosser dans le privé, » d'où la nécessité de fournir un effort législatif et budgétaire pour faire avancer les choses « , dit-il. « On ne peut pas annoncer l'augmentation du nombre de sièges pédagogiques et le nombre d'effectifs sans régler tous les points précités. Mais si le gouvernement met en place des mécanismes pour résoudre ces points, nous serons les premiers à donner un coup de main puisqu'il s'agit de notre pays« , conclut le coordinateur de la CNEM.