Les futurs médecins qui mènent un boycott des cours, TP-TD, stages hospitaliers et examens depuis le mois de mars reviennent à la charge. Et pour cause. Aucune volonté politique pour trouver une issue à cette crise qui gangrène leur cursus universitaire et met à mal les centres hospitaliers universitaires (CHU) qui souffrent d'un manque énorme de personnel, malgré la création d'une commission interministérielle censée apporter des solutions concrètes et immédiates pour éviter une année blanche. Les détails. Après un silence radio de près d'un mois, la commission nationale des étudiants en médecine au Maroc (CNEM) a publié un communiqué de presse où elle dévoile les dernières nouveautés et conclusions de son dossier. En effet, dans sa note, la CNEM indique « une nouvelle saison de combat et de protestation » des étudiants en médecine générale, pharmacie et dentaire, suite au « retard accusé dans la réponse » à leurs revendications et à leurs préoccupations alors qu'ils boucleront bientôt leurs 5e mois de boycott. Dans ce sens, la CNEM se demande « s'il y a réellement une volonté de la part des responsables de résoudre ce dossier (...) au lieu de continuer à perturber les étudiants en refusant de leur livrer des documents au sein des facultés, ce qui veut dire, leur interdire de renouveler leurs bourses et continuer à dépendre de leurs parents financièrement et moralement. Cela montre clairement que les deux ministères de tutelle se dirigent vers une confrontation avec les étudiants au lieu de les prendre sous leurs ailes et se comporter avec eux comme étant une jeunesse consciente, qui se soucie du système de formation en médecine publique ». En outre, la commission interministérielle, créée début juillet et présidée par département du chef du gouvernement, « ne fait que discuter du système de formation et de santé en général au lieu de trouver une solution à cette crise », explique à Hespress Fr une membre de la CNEM qui a souhaité garder l'anonymat. En effet, ajoute cette jeune étudiante en 4e année de médecine dentaire à la faculté de Rabat, la « CNEM s'est réunie avec la commission interministérielle cinq fois sans pour autant apporter du nouveau à notre dossier ou trouver une solution ». « Cette commission tourne autour du pot. Il n'y a que lors de la première réunion qu'on a abordé notre dossier revendicatif, ce qui a mené à un blocage d'ailleurs, pour ensuite changer de sujet. Lors des réunions qui ont suivi, il a été question des problèmes généraux que connaissent les étudiants lors de la formation du genre : quel est le problème de l'étudiant en médecine ? Ou encore quels sont les problèmes que rencontre l'étudiant en médecine générale ? C'est des choses qu'on a expliquées à mainte reprise, et criées sur tous les toits. Ils savent exactement de quoi on souffre », souligne notre interlocutrice. Relatant le calvaire des étudiants en médecine, qui commence dès la 3e année quand ils démarrent leurs stages hospitaliers au sein des CHU, la commission est également revenue sur les sacrifices consentis par ces étudiants. Conditions de travail médiocres, manque d'équipements, la CNEM mentionne également les tâches que l'étudiant doit faire et qui ne lui sont pas attribuées, outre les gardes qui dépassent les 24h et qui sont non-rémunérées (contrairement aux étudiants en médecine de par le monde qui perçoivent une rémunération), les dépenses au profit des patients nécessiteux qui se rendent aux urgences et aux hôpitaux publics pour les soins nécessaires, mais qui des fois ne trouvent même pas un fil pour suturer leur blessure. La CNEM a également abordé dans sa note le calvaire des faisant-fonction (étudiant de la 7e) qui sont affectés dans des régions enclavées du Royaume et qui ne disposent pas du minimum requis pour travailler, et que le ministère de la Santé utilise pour compenser le manque en personnel de Santé. « On essaie de trouver une solution, on veut trouver une solution. On appelle d'ailleurs le chef du gouvernement, Saad Dine El Otmani, qui a pris l'initiative de créer cette commission interministérielle qui n'a abouti à rien jusqu'au jour d'aujourd'hui, à la gérer et à la pousser à trouver des solutions concrètes et immédiates », avance notre interlocutrice. Et d'ajouter « nous ne sommes pas contre la réforme du système de santé, on n'est pas contre la réforme des études médicales, au contraire, nous aussi on a notre mot à dire. Mais ce n'est pas le moment. Le but de la création de cette commission est de trouver une solution urgente à notre crise actuelle qui nous empêche de regagner nos classes. Une fois la crise résolue et une entente signée, on pourra à ce moment-là se concentrer à tête reposée sur une réforme du système, qui est en quelque sorte le but de notre mouvement ». Face à ce feuilleton, étudiants en médecine VS gouvernement, la CNEM a annoncé la tenue d'une conférence de presse ce jeudi 1er août au siège de l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH) pour éclaircir plusieurs points au sujet de leur mouvement, surtout le point de la commission interministérielle. La CNEM annonce également le lancement d'une campagne médiatique nationale et internationale tout au long du mois d'août pour faire connaître leur cause, appelant ainsi toutes les associations, bureaux et conseils d'étudiants à reprendre leurs activités culturelles, scientifiques et humanitaires. Elle prévoit pareillement d'adresser une lettre à la Fédération mondiale pour l'éducation médicale ( World Federation For Medical Education WFME), l'organisation d'une marche nationale dimanche 1er septembre à Rabat, la tenue de plusieurs assemblées générales nationales à la date du 3 août pour décider des prochaines étapes de sa lutte et afin de procéder à un nouveau vote des organes constitutifs de la coordination dans le but d'accueillir de nouveaux éléments et injecter du sang neuf dans le mouvement. Et finalement, la CNEM demande au ministère de la Santé de se tenir aux engagements de l'accord du 3 novembre 2015 (signé avec Houcine El Ouardi, ex-ministre de la Santé au sujet du service obligatoire), et chercher de nouvelles alternatives pour fournir un service de santé de qualité dans le cadre du recrutement du personnel au-delà de l'obligation. Sur ce point, il est à rappeler que le ministre de la Santé, Anass Doukkali est revenu récemment sur le sujet du service obligatoire des étudiants en médecine dans les régions enclavées du Royaume, chose qu'ils ont refusée en 2015, sous la tutelle de Houcine El Ouardi ministre de la Santé à l'époque, en boycottant les cours et les stages. Cela a poussé l'ex-ministre à signer un accord avec la CNEM qui met le dossier en « stand-by » jusqu'à ce qu'une autre alternative soit trouvée. Pour les raisons ayant poussé les étudiants à refuser le service obligatoire, « ce n'est pas pour échapper au devoir, mais les conditions étaient minables », nous explique notre interlocutrice membre de la CNEM. « Ils voulaient nous envoyer dans des régions enclavées, sans matériels, sans équipements ni médicaments, sans logement, avec un salaire minimal de 2000 DH, chose que nous avons refusée. Nous ne pouvons pas exercer notre devoir dans ces conditions-là. Si les conditions étaient favorables on n'aurait pas refusé puisqu'à la base avant d'intégrer la faculté de médecine, nous savons déjà que nous pourrons être affectés partout dans le Royaume et dans les régions lointaines », conclut-elle.